Vasile et Maria, Vasile et Ileana, Ileana, Vasile et Maria : ce sont les membres de la famille Faur, respectivement les grand-parents, les parents et les trois enfants. A sept, ils se partagent les deux pièces de la maison, si on exclut la chambre de réception dans laquelle on ne vit pas. La pièce à vivre est encombrée de la télévision, de deux canapés et d’un lit pliant. Le soir, chacun trouve sa place dans ce petit espace. La famille regarde la télévision et Coucou rit haut et fort, mais cela n’empêche guère la grand-mère de dormir dans la cuisine. Le grand-père, lui, préfère écouter la radio et se réfugie dans l’entrée plus tranquille. Comment Ileana qui entrera bientôt au lycée, pourra-t-elle faire ses devoirs dans cette promiscuité ?
Dans la cour, la famille a commencé à construire une petite pièce, en prolongement de la grange. Les vieux parents pourront bientôt s’y retirer tout en restant tout près de leurs enfants. Point de maison de retraite dans les vallées du Maramureş.
Ileana cache ses 15 ans sous des airs de gamine. Bonne élève, elle vient de terminer sa huitième et dernière année d’école à Sârbi, et à la rentrée, elle ira au lycée à la ville de Sighet. Ce sera le grand saut dans le vide, pour elle qui n’a connu que Sârbi comme horizon et qui n’envisage pas la vie hors du chemin tracé par la tradition villageoise. Dans la pièce de réception, elle nous montre les coussins brodés, les piles de couvertures tissées, les vestes de feutre, les nappes. Ce sont les dots, déjà préparées pour elle et la petite Maria. Vasile, lui, restera ici avec ses parents. C’est son rôle de fils, dit-elle.
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Mais l’avenir, de quoi sera t-il fait ? L’économie a sombré, mines et usines ont fermé, la forêt est saccagée. Beaucoup se résoudent à partir. Mais pas pour toujours. On est trop les fils de cette terre pour la quitter à jamais. Partir pour quelques mois à Satu Mare ou au sud du pays, là où les anciennes coopératives agricoles ont été récupérées par des entreprises privées qui embauchent une main d’œuvre bon marché. A l’automne, Mafioto, Maria et tant d’autres quitteront le village pour quelques semaines, laissant la garde de la maison et des animaux à la grand-mère. Nourris et logés par l’entreprise qui les emploie, ils toucheront leurs salaires en kilos de maïs livrés à domicile par l’employeur.
Bon nombre de villageois se risquent à partir à l’étranger, vers cette terre promise, vers ces rêves de soie et d’or, de vie et d’argent faciles, distillés par les séries télévisées. Ils quittent leurs montagnes pour un destin incertain, pour un travail au noir sur un chantier, mais qui leur assurera un retour en fils prodigue, gonflé de prospérité. De quoi ouvrir un petit commerce ou se faire construire une maison. Sans doute ne diront-ils pas tout de ce que furent ces années dans la clandestinité, à la merci des mafias, des employeurs au noir usant et abusant de cette main d’œuvre taillable et corvéable à merci. Pour ne pas ternir l’image du héros auréolé de dollars ou d’euros.