Traversée du Skeiðararjökull

Traversée du Skeiðararjökull - Trekking de de Þorsmörk à Skaftafell

Focus Rando :Traversée du Skeiðararjökull

15 août, c’est férié. Donc je veille. Et pourquoi pas, et puis demain c’est journée de repos.
Evidemment, mon 15 août à moi ressemble pas à la journée standard du Français en congés payés d’août (souvent contraint comme moi) qui se masse dans les bouchons au retour de la plage au cap d’Agde.
Garçon, une salsepareille et n’oubliez pas les glaçons.
Pfff, ce romantisme qui suinte par toutes les pores de ma peau, je n’en puis plus.
Evidemment, il fait moins chaud qu’au cap d’Agde.
Je commence à avoir une bonne tête de vainqueur. Il fait froid avant de se coucher, autour de 0°C. Le ciel s’est couvert de gros nuages.
ca va faire du bien de faire souffler la bête.

16/08… 3h00 du matin…
mais que pasa?

16/08… 5h00 du matin… deux heures que j’ai les yeux grand ouverts.

Bon, ça rend pas trop. Mais ma tente se fait coucher par les rafales de vent. Et ça j’aime pas, mais alors pas du tout.

Merde pour la journée de repos. Je me casse de là. Difficile de plier la tente, mais bon je commence à avoir l’habitude après trois ans. C’est dommage, depuis Hrossatungur, j’avais echappé à des conditions de bivouac difficiles.

C’est donc sous des vents à presque 100 km/h que je m’attaque à l’instant de vérité de mon voyage: la traversée du Skeiðararjökull, glacier plutôt tourmenté. Est ce bien raisonnable?

J’imaginais que j’allais prendre pied sur la glace au bout d’un 1/4 d’heure. Tu parles Charles. Presque deux heures comme hier soir à franchir vallon après vallon avant d’atteindre la moraine du glacier.
Ca doit vraiment cailler parce que tout est dur sur la moraine. Le sable est glacé et les torrents qui descendent du glacier sont quasiment à sec.
Michael m’a bien expliqué le chemin d’accès au glacier. Aller au bout du bout de la langue terre qui s’avance profondément dans le glacier. Je suis loin encore…
Ca me parait bien accidenté. Mais dans quoi vais je m’embarquer?
Si je monte trop haut sur le glacier, je vais m’empetrer dans d’énormes crevasses. Plus bas, bon, c’est pas compliqué, c’est pas envisageable.
A hauteur d’une petite cascade, au bout du bout de la langue de terre, je me lance sur la glace, mais vraiment pas confiant sur la partinence de mon choix d’attaque.
Grosses crevasses bien vilaines. Pente raide et neige grise cachant les pièges éventuels (non, en fait la neige grise masque toujours des crevasses).
D’ailleurs, je passe plusieurs fois sur ces zones incertaines, me disant que le temps vraiment froid a durci la neige et que je ne risque pas de passer au travers. Mouaissss….
Vous savez quoi? j’ai hate d’arriver là.
Même si ça me parait bien être le bordel là aussi. Au moins ce sera plat. Autre truc bien cool, le vent s’est sensiblement calmé. A un moment donné même j’hésite à repartir en arrière pour ma journée de repos… Mais moi en tant que mâle assumé, je fais jamais demi-tour (hein, Tatiana?)

Donc, les consignes: quand je suis au plus haut, je sors les jumelles, repère les zones noires les plus grosses (même style que l’autre glacier), les contourne par le sud en longeant plus ou moins le lac et ensuite quand pars plein est vers l’objectif des petits lacs en-dessous des Skaftafellsfjöll. au niveau des crevasses, je m’emmerde pas à les éviter. J’en suis une jusqu’au bout comme si je longeais un rail. Elles m’amèneront trop au sud est mais c’est pas grave, la bordure est du glacier est vierge d’emmerdements divers et je pourrai récupérer tout le chemin perdu à ce moment là jusqu’aux lacs.
Tranquille, moi je dis…

z’avez plus qu’à suivre le guide… place aux photos.
Parce que ma mémoire a tout occulté de cette journée en enfer.
sauf…
Jamais un mètre plat, toujours des bosses de 1 mètre à monter et à redescendre en permanence.
Des crevasses pénibles et rapprochées dans les zones noires, faciles à contourner mais qui allongent sensiblement la distance.
Les bédières qui gonflent en fin d’aprèm et qui m’emmerdent autant que les crevasses (le stress en moins)

Bon, mais ça passe à merveille, jamais en difficulté, jamais de prise de risque. Je n’ai pas sauté plus de 10 crevasses dans la journée et aucune de celles là ne devait faire plus de 50 cm de large.

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La fin de la zone d’accès à la partie "plate" du glacier.
Si je vais là-bas, c’est la certitude de m’y mettre jusqu’au cou.
Les islandais appellent ce secteur la "forêt noire"
De mémoire, la traversée fait 15 km à vol d’oiseau. Sur 75% du glacier, on affronte ce type de terrain. Le lac, une dernière fois.
La pente par où je suis monté sur le glacier. Ben voilà au fond les Skaftafellsjöll. Je suis presque arrivé.
Et les 25% qui restent, c’est quoi? ben un peu de glace et de cônes noirs et les crevasses pour pimenter la traversée.
Mais vraiment rien de bien méchant.
Dans ces zones noires qu’il faut absolument contourner…
Là, ça va, elles sont pas importantes, on peut marcher pépère…
et même faire le beau et prendre son ptit déj avec l’eau des bédières.

L’esprit humain est parfois tortueux. Je me plais à croire que le mien l’est encore plus que la moyenne, limite bordélique comme dirait Christian (tu vas mieux?).

Et me voilà à pousser à tue tête la chansonnette. C’est dommage, je n’ai pas eu le réflexe de m’enregistrer en direct. voici donc la version originale (heureusement …).

Enfin du lisse… Yes yes yes…

Les contreforts de la vallée de la Nupsa (franchie hier soir)
Petit aperçu de la mer… Oh, je découvre que ces montagnes sont colorées… Ca sent bon la fin de la galère.
Donc le fameux rail que je dois suivre jusqu’au bout.
Ca sent l’écurie…
Sérieusement, c’est magnifique. Une explosion de couleurs dans la roche.
Rouge dominant mais aussi des ocres, du gris et du bleu.
Maintenant il faut remonter le long de la glace jusqu’au point de sortie (très étroit, il faut être précis (merci gps)).
C’est juste après le lac.
c’est peu de dire que l’endroit est magique.
J’ai survécu au Skeiðararjökull.
De tout mon voyage, j’ai toujours eu beaucoup de remords à poser mes pieds hors sentier. j’ai toujours eu honte de poser mes pieds sur la mousse fluorescente, de laisser mes empreintes dans le sable (même si c’est grâce à ça que j’ai connu olivier et Johanna l’an dernier). Même sur le Siðujökull, j’avais vraiment l’impression de casser l’harmonie des cristaux de glace. Je n’appartenais pas à ce monde. Je me suis senti tout ce voyage un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Sur le Skeiðararjökull, c’est différent. J’ai senti tout de suite qu’il voulait ma peau. Une attaque frontale. Curieuse sensation d’épreuve de force que je n’ai pas ressenti ailleurs. Comme si le glacier était doué d’intelligence pour me concocter pièges et barrages pour barrer ma progression. L’impression d’une lutte à la vie à la mort.
Tout ça est évidemment sans fondement, sans doute lié à la fatigue accumulée depuis une dizaine de jours. C’était l’obstacle majeur de mon voyage avec la Skafta. Celui ci, je l’ai affronté. Je n’ai pas reculé même devant les conseils négatifs des gardiens de refuge.
Etait-ce vraiment une épreuve? oui et non. Pas si dangereux que je le craignais. Par contre épuisant de par son relief tourmenté. Je suis content de l’avoir fait. Un truc bien costaud quand même qui aurait manqué à la réussite du voyage.

Bon, il faut finir d’arriver.
J’ai du mal à voir la sortie pour monter sur le balcon où se trouvre le bivouac traditionnel après le glacier. D’après le gps, il faut monter dans cette zone de roches bleues.
Pour une fois, je suis bien content de voir des traces de pas confirmer la route du gps. Pas du tout rassuré dans cet endroit où je me sens petit, vraiment très petit.

Oui, parce que un peu trop au nord, ça sent le cul de sac…
Alors qu’en montant, en effet, il semble y’avoir un passage. Mais quel passage. Sans traces de pas, je n’y croirais pas. C’est une montée dans une zone d’éboulis de malade. Je ne me rappelle pas avoir déjà monté un tel raidillon aussi pourri. Chaque pas me fait reculer de plusieurs centimètres dans la roche friable. Avec la fatigue accumulée de la journée plus le poids du sac, c’est une sale épreuve.
il n’est plus question de marcher dans ces conditions mais de se hisser.
Mais bon, on sait que la récompense est au bout sur la plateau avec une des zones de bivouac sans doute les plus extraordinaires au monde (sisi, je l’affirme)
Z’avez vu ma tente sur les deux photos précédentes?
Bon, j’ai décidé de prendre une journée de repos ici. Le vent est calme, la météo clémente. La vue…euh…correcte.
Sauf qu’il y’a pas d’eau ici, putain de bordel de merde… Les sources sont taries.
J’ai des milliards de mètres cubes d’eau en dessous de moi à l’état solide et ces connes de sources trouvent le moyen d’être à sec.
Et il est hors de question que je redescende tout en bas chercher de l’eau.
Je ferai avec mon litre restant. Par précaution, je récupère un peu de neige sur un névé que je mets dans tous mes récipients pour la faire fondre d’ici demain matin.
Ben, la journée de repos, on la prendra plus tard…
Vers 20h00, grosse surprise, arrive un groupe de 4 tchèques qui vient de Skaftafell et s’apprête à franchir le glacier demain. On échange nos infos. Eux sont à l’autre bout de la plate-forme. Aucun de nous n’a envie de se mêler du trip de l’autre. C’est comme si on était seuls sur cet emplacement de rêve, si proches de la brutalité du monstre Skeiðararjökull.

Un peu de pluie en début de nuit puis le gros dodo sans rêves jusqu’au lendemain matin.

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