Petite journée de marche pour récupérer de la veille. Ce matin, tout le monde traîne. L’arrivée au petit déjeuner ressemble à une arrivée de cyclistes à l’Alpe d’Huez. Chacun à son rythme dans une souffrance indescriptible. Bon là, je parle peut-être un peu plus pour moi.
Nous quittons le hameau des Abriges pour Laboule à un petit quart d’heure de là. Le ciel est plombé. Laboule est un charmant village ardéchois accroché à la montagne. Il est connu pour accueillir des artistes : sculpteur sur bois, potier, créateur de bijoux. Dans un mas à l’écart du centre du village, le poète et penseur anglais Kenneth White a écrit à dans les années 60 son livre Les lettres de Gourgounel. Ces Lettres inspirées de l’ambiance des Cévennes ardéchoises rendirent Kenneth White célèbre. L'auteur déchiffre une sagesse inscrite dans les mystères du cosmos et tente de découvrir « le langage inconnu auquel l'esprit aspire ».
Extrait du chapitre « Notes cimmériennes » : « Je m’endors au son du tonnerre, et je m’éveille au son du tonnerre. Le ciel est gris et noir ; les forêts sont vertes, d’un vert presque noir lui aussi. Je n’ai plus besoin de me laver : le matin, il me suffit de faire un pas au-dehors et de rester nu un moment, debout sous la pluie. Puis je rentre dans la maison, je me frictionne de la tête aux pieds, et, tirant ma chaise contre la maie, je me mets à méditer. En général, il fait jour à demi, et je n’y vois qu’à peine. J’allume parfois une bougie ; d’autres fois, je me contente d’attendre jusqu’à ce qu’il y ait assez de lumière. Ce matin, vers cinq heures, il y avait un pic-vert dans les mûriers. J’ignore si c’est là un signe reconnu, mais il me semblait qu’il appelait le tonnerre. Le Tanargue lui répondit un tout petit peu plus tard. Les Cévennes tout entières tourbillonnent sous les orages. »
Le pas est lourd ce matin comme le poids d’un sac à dos trop chargé. J’entre dans un silence de plomb. Ça me vaudra jusqu’à la fin du séjour un surnom de choix : Bougon. Les hameaux défilent sans que je les voie réellement : Valos, Vallousset. Mes pas me transportent mais je suis encore endormi.
L’après-midi, nous retrouvons les ambiances ardéchoises du début de semaine. Les châtaigneraies entourent les hameaux cévenols. Nous passons à Champussac que nous avions vu depuis Sarrabasche. A Manlève, nous récupérons un sentier déjà fréquenté. Il ne reste plus qu’à se laisser aller jusqu’au gîte des Eaux Marèches.
La pluie finit par tomber.
Les Abriges – Eaux Marèches
- D+ : 448 m
- D- : 715 m
- Temps de marche : 4h00
- Traces GPS (format GPX)