Ascension du Cotopaxi

Après une bonne semaine d'acclimatation en altitude, à randonner sur les pentes du Chimborazo en Equateur, nous rejoignons le refuge du parc du Cotopaxi pour tenter une ascension nocturne du plus haut volcan actif du monde. Pour se laisser dompter, il faudra accepter la fatigue, le froid, la nuit... A nos crampons et piolets...

Focus Rando :Ascension du Cotopaxi

Contexte:

Depuis plusieurs mois nous préparions notre voyage en Equateur. La première partie nous conduira à une immersion dans la foret amazonienne, dans une zone reculée de la Selva. Le second  volet nous ferra découvrir l’archipel des Galapagos, et un contact unique et privilégié à la nature, et à ce qu’elle présente de plus émouvant. Enfin dans un dernier temps, nous suivrons la cordillère des Andes, du sud vers le nord, en longeant la célèbre avenue des volcans. De Vilcabamba, la ville de l’éternelle jeunesse, jusqu’à Otavalo, et ses marchés hauts en couleurs, à la réputation continentale, nous franchirons quelques uns des plus hauts cols du pays. Durant cette traversée, il nous sera donné de faire revivre à travers leur mémoire, l’histoire de certains prestigieux scientifiques français, missionnés au dix huitième siècle par l’académie des sciences. Humboldt, la Condamine, Siniergues sont quelques uns des noms qui ont marqué l’histoire et leur passage, signant des aventures extraordinaires à travers les andes équatoriennes. Des versants du Chimborazo, à la lagune de Quilotoa, notre périple nous emmenera jusqu’au parc du Cotopaxi, où nous allons découvrir de nouvelles échelles d’altitudes pour tenter de nous hisser jusqu’à son sommet, à 5897mètres.

Nuit au refuge:

Après avoir passé une semaine en altitude pour nous acclimater, et notamment approché le géant Chimborazo, nous sommes prêts pour tenter d’affronter le volcan du Cotopaxi. A dix heures nous sommes devant l’agence pour retrouver nos guides avec lesquels nous avons rendez-vous. Pendant une heure, nous préparons le matériel. Chacun remplit son sac. Il ne faut rien oublier sans quoi l’ascension s’avérerait impossible. Piolet, crampons, moufles, harnais, pantalon et veste Gore tex, font parti de l’attirail. Nous répartissons dans nos sacs respectifs le matériel répertorié.

Nous répartissons également la nourriture nécessaire aux repas à prendre au refuge, ainsi qu’aux encas de l’ascension. Il faut environ quarante minutes en 4*4 pour atteindre l’entrée du parc national. C’est tout d’abord une forêt de conifères que nous suivons avant que la végétation disparaisse. L’espace devient vierge, brun. Le relief présente au loin quelques sommets tel les Iliniza et l’Antisada enneigés. Des sentiers partent entre les roches. Ce matin le ciel était couvert de nuages, mais maintenant la météo semble être avec nous. Le sommet du Cotopaxi domine sans voile nuageux, dans un ciel bleu. Le paysage est splendide, lunaire. Nous atteignions le parking après une heure de piste dans le parc. Il faut encore environ quarante minutes pour atteindre le refuge, 300 mètres plus haut, à 4800 mètres.

Nous prenons nos places dans la grande salle dortoir. Il n’y a quasiment personne. Après nous être réchauffés de boissons chaudes et avoir avalé un repas léger, nous prenons le matériel pour rejoindre le glacier, à vingt minutes de marche du refuge. Il prend toute sa splendeur. Impressionnant. Nous pratiquons quelques exercices de cramponnage avec piolet, et répétons les techniques de montée latérale et de montée en canard. Les gestes et les positions de descente ou ceux à adopter en cas de chutes peuvent être déterminant. Je me sens physiquement bien. Le souffle n’est pas forcé.

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Nous rejoignons le refuge pour quelques heures libres. Nous préparons également les sacs pour cette nuit. Aucun signe précurseur du mal des montagnes ne donne à ce moment précis de crainte à l’un d’entre nous. Pour autant alors que je suis assis à la table en bois lourd, écrivant quelques notes sur mon carnet de route, la vision me semble un peu étrange. L’écriture et la concentration sur un espace réduit provoquent quelques troubles. Il y a un léger décalage entre le mouvement et sa perception. Je ne ressens aucun maux de tête seulement cette sensation étrange, qui pourrait à la longue me donner des vertiges. Cela ne sera que passager.

Lorsque la nuit tombe, dans le lointain, les lumières de Quito s’illuminent. Le reflet du soleil sur les versants opposés donne un éclairage particulièrement propice au bien être. Des couleurs chaudes et tamisées inondent les hauteurs. Le froid tombe rapidement. Après une agréable soupe chaude et un repas léger mais suffisant, nous montons nous coucher. Il est environ 19 heures. Pendant les heures qui s’écoulent, nous tournons sur nous-mêmes dans nos duvets. Les yeux se ferment mais le sommeil ne nous gagne pas. Nous somnolons par moment mais ne parvenons pas à nous endormir. Aucun symptôme n’est apparu durant ces quelques heures qui séparent minuit, mais probablement que l’altitude est responsable de notre insomnie. C’est donc après un repos durant lequel nous regardons les minutes s’égrener sur le cadran de nos montres, que le guide vient nous sommer de nous lever. Depuis un long moment déjà, Nicolas était très hésitant quant à la volonté et la possibilité d’aller au sommet. Ce matin, la fatigue, le froid, la nuit ont raison de son courage. Alors que nous avalons un petit déjeuner, il tente de s’enfoncer dans le sommeil que nous ne sommes pas parvenus à atteindre.

Au sommet du Cotopaxi

Nous nous équipons de toutes les couches que nous possédons. Les sacs sont prêts. Peu avant 1 heure nous sortons. Le temps est toujours au beau. Le ciel dégagé laisse des millions d’étoiles étinceler au dessus de nos têtes. Il annonce un bon présage. Durant trois quarts d’heure environ, nous marchons sur un chemin de terre. La langue du glacier nous invite bientôt à chausser les crampons. Au dessus de nous, nous apercevons des lumières de frontales, que nous dépassons au fur et à mesure de la progression. Nicolas est resté au refuge. Nous disposons donc, Vincent et moi, d’un guide chacun. Assez rapidement nous nous séparons. Je suis Alexandre dans les pentes glaciaires. Les pentes douces deviennent progressivement des versants abruptes dont nous réalisons que modérément l’inclinaison à la lueur de nos lampes. Mes pas s’enchaînent dans ceux d’Alexandre dans un rythme bien cadencé. Pied gauche, pied droit. Nous sommes maintenant réglés tel un balancier de métronome. Nous nous hissons ainsi jusqu’à la barre rocheuse que j’avais repérée sur la carte. A ce moment de l’ascension, après de longs efforts continus, je suis en hypoglycémie. L’enthousiasme que j’avais jusqu’à présent dans cette nuit froide a absorbé une bonne part de l’énergie que j’avais engrangée.

Nous stoppons quelques minutes. Le temps de manger une barre chocolatée et de boire quelques gorgées de boissons énergétiques, et il nous faut déjà repartir. L’endroit est exposé au vent et au froid, et nous nous refroidissons rapidement. L’aurore commence à pointer. Il est cinq heures du matin. La lumière montante du soleil dessine une enveloppe orangée sur les montagnes. Les Illinizas apparaissent sur l’ouest avec comme compagnon matinal l’ombre pyramidale du Cotopaxi. Le fantôme du sommet me guette. Pourrais-je l’atteindre ? A cet instant je n’en ai jamais douté. Nous longeons des cathédrales de glace, puis rejoignons un flanc où le vent souffle d’une violence extraordinaire. A ce moment, sous les rafales que nous peinons à contrer, l’heure qui avance et le regard d’Alexandre qui semble chercher un passage dans cet univers inconnu de ma personne, la pensée me traverse que peut être je n’attendrai pas le sommet. Il faut lutter pour ne pas se faire déporter par les assauts continus du vent. Sans relâche, il faut planter les crampons, tantôt dans une couche tendre de neige, tantôt dans la glace. Il nous faut longer des à pics, enjamber les crevasses. Nous remontons une échelle, au dessus d’une grande crevasse, qu’il faut poursuivre par un étroit couloir très pentu. La moindre erreur, un crampons mal encré, et se pourrait être la chute. L’arrivée semble ne pas en finir. Je pensais apercevoir le sommet depuis déjà un bon moment, mais il ne se laisse toujours pas dompter.

Enfin il reste 200 mètres de versant très abruptes, avant de se hisser au sommet. De nouveau, mes forces sont là et nous avons repris un pas bien cadencé que l’approche accentue encore. Sur cette dernière ligne droite, je suis envahi par une forte émotion à la sensation de toucher ce que nous projetions depuis des mois. Les larmes coulent sur mes joues. Des jours de préparation, une nuit blanche et des heures d’effort pour atteindre un but sans consécration. Mais ce que je ressens est bien plus que de la consécration. C’est l’aboutissement d’une vision, pour un moment de communion et d’extase avec le plus haut volcan du monde. Il faut encore quelques efforts avant de nous affaler dans la neige, fatigués par une ascension longue et difficile. Je prends Alexandre dans les bras. Nous nous roulons sur le manteau neigeux, hurlant notre joie. C’est un moment intense de congratulation. Je le remercie de m’avoir amené jusqu’en haut. Nous sommes les premiers au pied du cratère. L’espace est vierge. Lorsque j’ai repris mes esprits je m’enivre encore de la vue grandiose et étendue que j’embrasse. Le vent balaye les nuages qui alernativement occultent puis laissent libre le cratère vivant du Cotopaxi. La carte postale est sous mes yeux. C’est alors qu’arrive une seconde cordée en duo. Alors que nous nous apprêtons à redescendre et que je pense que Vincent n’arrivera plus, le voilà qui termine lui aussi son ascension dans les pas de son guide. Il est fatigué, et n’a pas mangé. Il a eu peur par endroit au point de vouloir à plusieurs reprises abandonner. Il ne s’est plus ce qui l’a poussé à atteindre l’inatteignable. Mais il est là, au sommet du Cotopaxi, à 5697 mètres d’altitude, poussé par la passion et les images qui se bousculent. Déjà son guide souhaite redescendre car l’heure est bien avancée, et les conditions sur le glacier risquent de se dégrader dangereusement.. La descente est longue et difficile pour les muscles et l’organisme qui demandent du repos. A 10h15, vacillants sur nos jambes, nous retrouvons Nicolas au refuge. A peine le temps de souffler et de refaire les sacs, que nous devons redescendre au parking, 300 mètres plus bas, avec un vent fou qui soulève les poussières de terre.

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