Lorsqu’il est question de grande randonnée dans les Alpes, le parc national du Mercantour arrive trop rarement en tête des suggestions. Le massif du Mercantour offre pourtant des montagnes incroyablement belles. Pendant une semaine, j’y ai marché en admirant chaque jour des paysages féériques. Avec en prime, ces milliers de gravures laissées par l’homme de l’âge du Bronze, dans la vallée des Merveilles. Tout cela à un peu plus d’une heure de voiture des plages niçoises.
Un hurlement de loup. Puis bien d’autres. Rien de tellement étonnant : en contrebas se trouve le grand parc animalier Alpha, au Boréon sur les hauteurs de Saint-Martin-de-Vésubie, au coeur du Mercantour. Il accueille en semi-liberté 24 de ces fascinants animaux. Sans doute est-ce leur manière de saluer l’un des soigneurs. Dans la fraîcheur de ce beau matin de début d’été, voilà qui fait quand même se figer tout notre petit groupe pendant un instant.
Le Mercantour est le premier territoire des Alpes françaises que le loup, venu des Abruzzes en Italie, a colonisé au début des années 90. Aujourd’hui, sept ou huit meutes avec une cinquantaine d’individus y sont dénombrées. Pendant une semaine, je vais arpenter cette magnifique région du sud des Alpes, adossée à l’Italie. Et, bien sûr, n’en verrai aucun.
© Philippe Dufour
Les chamois s’en donnent à cœur joie dans les névés du Mercantour
Les chamois et les bouquetins, à l’inverse, par dizaines chaque jour ! Incroyable, d’avoir pu en admirer autant. Le ton est vite donné, deux ou trois heures seulement après avoir quitté le hameau du Boréon. Arrivé au-dessus du lac de Trecolpas, j’aperçois un troupeau de chamois s’en donner à cœur joie dans les névés, des champs de neige qui résistent à l’été. Ils dévalent la pente à toute allure, pour aussitôt remonter et recommencer.
Au fil des jours, j’en vois de plus en plus. Et souvent de très près, parfois à quelques mètres seulement. Ici, les chamois ne sont plus chassés depuis fort longtemps : 1859 précisément. Lorsque le Mercantour, alors dans le royaume de Piémont-Sardaigne, devient réserve de chasse par la grâce de Victor-Emmanuel II. Ses magnifiques paysages ont séduit le souverain.
Un siècle et demi plus tard, rien ou presque n’a changé.
© Philippe Dufour
Le Mercantour est toujours aussi sauvage, d’une beauté farouche et orgueilleuse. Hormis les refuges ou quelques bergeries –appelées ici des vacheries–, je n’y ai pas vu de construction durant mon trek. Si, une exception notable : le sanctuaire de la Madone de Fenestre, que nous avons atteint au soir du deuxième jour. Mais j’aurais mauvaise grâce à m’en plaindre.
Bâtie au Moyen Age sur une ancienne route du sel, et flanquée par la suite d’une hostellerie, l’église ne dépare nullement le tableau. Elle abrite une statue de la Vierge, du XIVe, rapportée de Palestine par les Croisés à en croire la légende. Je me suis assis pour l’admirer : enchâssée dans l’autel, elle est en tout cas très belle. Tout le hameau, que complète le refuge du Club Alpin français, est d’ailleurs plutôt sympathique. Pour autant, ici comme dans les autres secteurs que je traverse, ni électricité autrement que par générateur ni réseau téléphonique.
Que m’importe, la montagne est si belle ! Voici, en toile de fond, le pas des Ladres et le col de Fenestre par où nous sommes arrivés, sur la cime ouest. Randonner dans un tel décor est un plaisir de chaque instant, du premier jusqu’au dernier jour. Sans aucune fausse note, absolument rien qui détonne. C’est rare. Rien qui lasse non plus. Chaque jour nous amène dans une nouvelle vallée, avec un autre cadre.
Le Mercantour ambiance haute montagne
Le lendemain, c’est ainsi presque de la haute montagne qui nous attend. D’abord à nouveau le GR 52 jusqu’au pas du mont Colomb. Derrière, la cime du Gelas, le plus haut sommet des Alpes Maritimes encadré par quelques autres « 3 000 ». Mais à partir de là c’est une longue descente qui nous est réservée. Bien raide pour commencer, en direction du refuge de Nice superbement rénové. D’ailleurs, personne ne résiste à l’idée d’y prendre un café. Puis vers la vallée de la Gordolasque, taillée en V. Vers la fin de l’après-midi, notre groupe atteint une superbe cascade. Pas vraiment une chute, puisque l’eau ruisselle sur la falaise, mais sur deux cents mètres de haut ! Un beau spectacle.
Un peu plus bas, peu avant notre escale de ce soir, une jolie « vacherie », tapie contre la paroi rocheuse. Elle a servi au tournage des premiers épisodes de « Belle et Sébastien », dans les années soixante. C’est d’ailleurs Mehdi, l’acteur principal –à l’époque un jeune enfant–, et fils de la réalisatrice Cécile Aubry qui en a financé la restauration, voici peu.
Candidat au Patrimoine mondial de l’Unesco
D’une remarquable diversité tant sur le plan de la faune, de la flore –2 000 espèces dont 200 rares et 30 endémiques– que des paysages, le massif du Mercantour est seulement devenu parc national en 1979. Le sixième et dernier en métropole, alors qu’il en était question depuis plus de 30 ans !
Il se partage entre les départements des Alpes Maritimes et des Alpes de Haute-Provence sur près de 150 km de long. Depuis 1987, il est jumelé avec le parc naturel Alpi Marittime, qui le prolonge côté italien. Cette entité de 2 150 km2, dont 353 km2 en Italie, comporte 24 sommets de plus de 3 000m.
Sous le nom d’ « Alpes de la mer », elle postule à l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco. La candidature est lancée avec d’autres partenaires encore, comme par exemple le parc naturel de Ligurie. Elle repose notamment sur le trait commun de ces différents territoires, leur originalité géologique.
Des milliers de gravures sur les roches de la vallée des Merveilles
Parmi les moments forts de notre trek, le passage dans la vallée des Merveilles. Au pied du mont Bego, le cirque est impressionnant, magnifique. Sans doute l’une des raisons qui ont poussé les hommes, à l’âge du Bronze de laisser dans la roche polie par les glaciers, aussi plate et lisse qu’une ardoise d’écolier, d’étonnantes gravures. De toutes les tailles, mais jamais très grandes, il y en a des dizaines de milliers disséminées dans toute la vallée, ainsi que dans celle de Fontanalbe, de l’autre côté de la montagne. Je ne peux m’empêcher de les trouver émouvantes.
Le trek nous mène jusqu’à la baisse de Valmasque, à 2 549m, l’endroit le plus à l’est de notre parcours, puis à la baisse du Basto, qui est notre point culminant, à 2 693 m. Les jours passent, et j’ai toujours autant de plaisir. A un moment, depuis la cime de la Valette, j’aurais pu apercevoir la côte si elle n’était cachée par les nuages. J’ai du mal à m’imaginer les vacanciers serrés sur la plage, à seulement quelques dizaines de km d’ici !
En revanche, je peux admirer la plupart des endroits traversés au fil des jours. C’est vraiment beau, me dis-je une fois de plus, avant de refaire le chemin en sens inverse, sur un autre versant. Amusé, je constate que la plupart du temps, tout comme mes camarades d’ailleurs, je ne reconnais rien des paysages traversés. Mais ils me plaisent toujours autant. Ce sont les merveilles du Mercantour.
Informations pratiques
Baptisé « Le panoramique du Mercantour », ce trek est proposé par l’agence « Destination Merveilles » Il s’agit d’un séjour itinérant et accompagné d’une durée de 7 jours/6 nuits, avec six jours et demi de marche. Les nuitées s’effectuent en gîtes et en refuge, d’un confort variable, et tous les repas sont fournis. Pas de portage : les bagages sont acheminés d’un hébergement à l’autre.
L’agence « Destination Merveilles » ne porte pas ce nom par hasard. Le parc du Mercantour et sa célèbre vallée des Merveilles, qu’elle connaît particulièrement bien, ont été parmi ses premiers amours.
D’autres merveilles s’y sont ajoutées au fil des années. Son catalogue comporte notamment les Cinque Terre ainsi que la Ligurie, en Italie, et toutes sortes de séjours accompagnés ou en liberté sur la Côte d’Azur et dans toute la Provence.
Office de tourisme de Côte d’Azur
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !