Après 8 mois de marche, nous voilà en Bulgarie. Nouvelle langue, nouveaux paysages, nouvelle culture … chaque pays sur ce chemin est une aventure à part entière !
Si vous prenez notre aventure en cours de route, vous pouvez lire nos précédents articles :
- 400 km à pied, de Dijon à Bâle
- Randonnée le long du Rhin, de Bâle à Bregenz
- 270 km dans les Alpes Autrichiennes, sur le GR européen 5
- L’Italie du Nord à pied, du Tyrol au Frioul
- Randonnée en Slovénie, 600 km d’ouest en est
- Randonnée en Transdanubie en Hongrie
- Randonnée hivernale sur les bords du Danube
- Randonnée en Turquie d’Edirne à Istanbul
Le territoire bulgare est pour un tiers couvert de montagnes. La chaîne du Grand Balkan s’étend d’ouest en est et sépare le pays en deux. Au nord de ces montagnes se trouve la plaine du Danube, berceau historique du pays. Au sud on trouve la plaine de Haute Thrace, puis les monts Rhodope. Parmi ces monts, deux massifs dominent, le Pirin et le Rila.
Un pays fait pour les randonneurs, pensez-vous. En été sans aucun doute, mais nous sommes en février, la neige va calmer nos ardeurs et nous faire renoncer à certains passages en montagne.
Entre plaine et montagnes
Nous arrivons en Bulgarie depuis la Serbie. Nous sommes au pied de la chaîne du Grand Balkan, à son extrémité nord-ouest. Nous marchons sur une petite route à flanc de pente, les montagnes enneigées à notre droite et la plaine à notre gauche. En passant la frontière bulgare, le paysage s’est transformé. Nous sommes arrivés dans une plaine aride, balayée par le vent. La végétation est rase et buissonnante.
La première chose qui nous a frappés ici est le nombre de bâtiments en ruine. La population bulgare décroît depuis la fin des années 80, et la région dans laquelle nous nous trouvons est particulièrement touchée. Dans les villages, maisons abandonnées et devantures fermées se succèdent. Sur les portes et portails sont collées des affiches à l’effigie des morts de la famille. Cette tradition nous paraît d’abord lugubre, mais nous découvrirons bientôt à quel point les habitants y sont attachés. Ils les gardent sur plusieurs générations, les encadrent ou les agrémentent d’un nœud en ruban noir. C’est un véritable album de famille qui décore certains murs.
En dépit de cette ambiance parfois morose, nous recevons un accueil très chaleureux. Nous profitons de chaque occasion pour aller à la rencontre des habitants et il nous suffit souvent de mentionner que nous bivouaquons pour que l’on s’occupe de nous trouver un toit. Nous avons même dormi dans la mairie d’un village !
Belogradchik
Après quelques jours de marche, nous voyons émerger devant nous les rochers de Belogradchik. La ville, adossée à la montagne, regarde vers la plaine tandis que derrière elle d’étonnantes formations rocheuses se dressent au-dessus de la forêt. Leur couleur orangée se détache dans le paysage hivernal.
Ce site naturel d’exception est également une place stratégique. Belogradchik fait face à deux cols, deux portes d’accès à la péninsule balkanique. Un premier fort a été construit durant l’Empire Romain. Il est ensuite passé de main en main, chaque nouvel occupant améliorant le système défensif.
Traversée du Grand Balkan
Nous poursuivons notre route le long du Grand Balkan jusqu’à arriver à la hauteur de Sofia. Il nous faut maintenant traverser la chaîne de montagnes et rejoindre la capitale.
Nous grimpons jusqu’au Kom-Edine, un sentier de crête qui lie Kom, un sommet situé à la frontière serbe, au cap Edine sur la mer Noire.
À mesure que nous prenons de la hauteur, le manteau neigeux s’épaissit. La neige nous arrive à mi-mollets, c’est une neige humide et lourde. Elle ralentit notre avancée et vient bientôt à bout de notre énergie. Arrivés sur la crête, le genou de Marie sonne la tirette d’alarme. Si on ne calme pas le rythme, on va droit vers la blessure. Nous décidons de ne pas suivre ce sentier plus longtemps et de redescendre tout de suite sur le flanc sud de la montagne.
Avant de redescendre, nous prenons tout de même le temps d’admirer la vue. Nous avons face à nous le mont Vitocha, à ses pieds, sous la brume on devine Sofia. Quel incroyable paysage pour une capitale !
Sofia
À Sofia nous sommes accueillis par Stanislav. Nous l’avons rencontré il y a deux semaines dans un petit village de l’autre côté des montagnes. Comme de nombreux Bulgares de sa génération, suite au démantèlement du rideau de fer, Stanislav quitté le pays pour aller étudier et travailler à l’étranger. Il est de retour ici depuis cinq ans, l’attachement à son village natal a eu raison de son rêve américain.
Nous profitons du bon anglais de notre hôte pour l’assaillir de questions sur l’histoire de son pays. Il nous parle des origines de la culture bulgare, de l’occupation ottomane, des conversions forcées et de la résistance des catholiques. Saviez-vous que deux fois dans l’histoire la Bulgarie a été entièrement conquise et occupée pour renaître de ses cendres, avec de nouvelles frontières et un nouveau régime politique ? La première fois c’était par les Byzantins et la seconde par les Ottomans.
Rila et Mont Moussala
Nous quittons Sofia en direction du massif du Rila. Un peu frustrés par notre passage sur le Kom Edine, nous avons décidé de réaliser l’ascension du mont Moussala, le plus haut sommet bulgare. Cette fois nous prendrons plus de précautions, nous serons à la fois plus légers et mieux équipés.
Depuis Sofia nous longeons le vieux volcan Vitocha cap vers le sud. Après quelques jours de marche, nous sommes à Borovets, une station de ski située au pied du Moussala. Nous troquons tente, matelas et duvets contre deux paires de raquettes. Nous suivons d’abord une piste de ski entre les sapins, puis nous dépassons la hauteur du dernier télésiège et des derniers arbres, à nous la poudreuse ! Le temps est dégagé et la vue que nous offre ce sommet est extraordinaire. Nous distinguons chacun des massifs que nous vous avons présentés plus haut. Nous admirons non sans fierté ceux déjà traversés et regardons d’un œil inquiet la neige qui couvre encore l’est des Rhodope.
Le soir nous dormons dans un petit refuge au niveau des 7 lacs du Rila (cachés sous la neige en cette saison). Nous profitons ainsi d’un joli coucher de soleil sur les montagnes avant de retrouver la civilisation.
Plovdiv
Nous redescendons des montagnes et suivons la vallée de la Maritsa jusqu’à Plovdiv. Plovdiv fut l’un des hauts lieux du mouvement nationaliste bulgare. Son centre-ville abrite de nombreuses constructions du XIXe siècle illustrant le mouvement culturel et artistique qui accompagne la lutte politique.
Ces maisons bourgeoises occupent l’une des sept collines de la ville. Les étages nobles sont en encorbellement sur la rue, bâtis en pans de bois sur un socle en pierre. À l’intérieur les pièces sont distribuées par un grand salon central appelé “hayat”. Les encorbellements permettent à toutes les pièces qui entourent ce salon de disposer de fenêtres sur deux à trois orientations.
C’est une typologie héritée de la culture ottomane, que l’on retrouve dans le sud de la péninsule balkanique et en Anatolie.
Rhodope
Après quelques jours de visite à Plovdiv, nous partons cap sur Edirne. Avant de quitter la Bulgarie, nous faisons un dernier passage en montagne, dans les monts Rhodope. Nous sommes maintenant en mars, mais l’hiver est toujours bien là. La neige est épaisse et les températures négatives. Les sentiers nous jouent des tours, s’interrompent en pleine forêt ou passent des guets bien larges pour les piétons que nous sommes. Pressés de voir arriver le printemps, nous décidons de redescendre vers la plaine. Nous y découvrons un paysage nouveau mêlant champs de céréales, prairies et forêts pâturées. L’influence de la méditerranée se fait enfin sentir sur les températures, la Turquie n’est plus qu’à quelques pas !
Nous sommes partis en juin dernier pour un voyage d’un an, à pied et en bivouac, de Dijon à Istanbul.
4500 km de marche qui vont nous amener à la découverte de 10 pays !
Carnet de croquis à la main pour Arnaud, et œil dans le viseur de l’appareil photo pour Marie, nous vous racontons ce périple avec notre regard d’architectes.