Avec leurs maisons aux couleurs éclatantes, accrochées à flanc de falaise, en bord de mer, leurs promesses de séjour ensoleillé, les terrasses des trattorias pour se détendre après les étapes… les Cinque Terre, ces cinq villages de la côte ligure, en Italie, offrent aux randonneurs de magnifiques opportunités de randonnée. Lisez notre Traversée des Cinque Terre, à pied. Mais la découverte des Cinque Terre ne serait pas complète sans une balade en mer. A la pagaie, en kayak de mer, nous sommes partis découvrir cette portion du littoral qui a tant à offrir aux pagayeurs marins. A quelques heures de train de la frontière française, nous embarquons pour trois jours d’itinérance au ras des vagues.
Traversée des Cinque Terre en kayak, de Levanto à Vernazza
Nous sommes au début de l’automne, aux premières heures du jour. La météo annonce des conditions idéales : ciel bleu, beaufort 2, houle faible. Sur la plage de Levanto, déserte à cette heure matinale, nous rencontrons Giuliano. Guide professionnel, c’est lui qui nous guidera à la découverte de ce trait de côte. Le brief, préalable à toute navigation – relire nos conseils pour randonner en kayak en sécurité – débute avec une explication du programme de la journée et quelques rappels de sécurité sur les caractéristiques de la région. La côte est ici rectiligne, ouverte au Sirocco, vent dominant du Sud. Elle n’est pas pour autant abritée du Maestrale, ce vent du Nord qui s’engouffre dans les vallons profonds qui entaillent la montagne. La côte, très rocheuse, n’offre que très peu d’abris, hormis les minuscules ports des villages. La prise régulière de la météo n’est donc pas une option, car les changements soudains sont une caractéristique méditerranéenne à laquelle les Cinque Terre ne font pas exception.
Nous n’avons pas seulement confié notre sécurité à Giuliano mais aussi nos pique-niques, charge à lui de nous faire découvrir les spécialités locales. Nos premiers coups de pagaies nous font glisser hors de la baie de Levanto. Nous voici aussitôt le long de la côte sauvage de la Punta Mesco. Les falaises plongent dans des eaux translucides. Au rase-caillou, nous découvrons les étonnants plissements géologiques du calcaire. Ce paysage maritime unique, dominé par plusieurs centaines de mètres de falaise, ne s’offre qu’aux seuls kayaks. Nous sommes en effet dans une réserve marine interdite aux engins à moteur. Des dauphins y sont régulièrement observés. Après cinq miles, nous atteignons l’entrée du golfe de Monterosso. Une plage de galets avec quelques barques de pêcheurs sur fonds turquoises en arrière-plan accueille notre pause pique-nique. La diversité des focaccias qui sort des sacs ravit nos papilles et une petite sieste s’impose, ce sont des vacances en Italie ! Navigant Sud, Sud-est, nous poursuivons le long d’une côte dont la géologie se transforme. Le calcaire clair laisse place à des roches métamorphiques qui exposent leurs millefeuilles de noirs auxquels se mêlent le blanc des calcites. À l’abri, dans un recoin rocheux, entourée de mousses et de fougères, une cascade chute dans une vasque. Quelques instants plus tard, nous atteignons le port de Vernazza, encadré par les ruines d’un château et l’église Sta. Margherita di Antiochia. Mi-octobre, les journées sont courtes et il est déjà temps de repartir un peu en arrière, vers Monterosso, où nous laissons nos embarcations jusqu’au lendemain.
De Monterosso à Riomaggiore
Les images des villages des Cinque Terre circulent, nombreuses, sur les réseaux sociaux. Et les vues « depuis la mer » prises en général par drone, font rêver. C’est ce type de perspective qu’offre le kayak. Des villages accrochés à la montagne que l’on aborde depuis l’eau. Tous possèdent un caractère médiéval fait de maisons étroites et hautes, percées de petites fenêtres. Tous arborent des couleurs arc-en-ciel qui donnent à ce territoire son identité. Mais, chacun a un charme propre. Monterosso au fond de son petit golfe d’eaux claires, Vernazza avec son église gothico-ligure qui plonge ses fondations dans la mer, Corniglia, imprenable, perchée haut au-dessus de l’eau, Manarola dans son cirque de vignobles en terrasses. C’est d’ailleurs là que nous nous arrêtons pour le pique-nique, à l’abri de tonnelles qui nous protègent du soleil plutôt brûlant pour la saison. L’occasion de goûter à l’une des spécialités de cette côte ligure, le Chinotto. Une limonade fabriquée avec un petit agrume, amère et très désaltérante. La journée se poursuit paisiblement sur des eaux turquoises incroyablement translucides. Au rase-caillou nous atteignons le port de Riomaggiore. C’est sans doute le point fort de cette randonnée en kayak. Crépi d’ocre rouille, avec des volets verts et des côtes blanches, un bâtiment marque l’entrée du village, éclatant de couleurs. Derrière lui, s’étagent murets de pierres sèches, maisons anciennes et vignobles dans une pente incroyablement raide. Difficile d’oublier cette descente qui, il y a quelques jours, sollicitaient nos genoux lors de notre traversée des Cinque Terre, à pied. En kayak, ce sont d’autres difficultés qu’il faut parfois affronter et la mer Ligure nous gratifie d’une de ses sautes d’humeur pour la fin de journée. Un petit vent de face, imprévu et force 3, nous attend pour notre trajet retour ! Nous traçons alors tout droit, accrochés aux pagaies et profitons de l’occasion pour découvrir la côte depuis le large.
Portovenere et l’archipel de Palmaria
Retour en eaux calmes pour la troisième journée. Embarquement depuis la Spiaggia Mirella, non loin du charmant port de Porto Venere. Nous ne sommes plus dans les Cinque Terre à proprement parler. Cependant, ces maisons colorées, hautes et étroites, ces petites ruelles ombragées ont bien des airs de famille. Des fortifications massives dominent le port. Cap au sud, nous traversons le quart de mile nautique qui nous sépare de l’archipel Spezzino, un archipel composé de trois îles, Palmaria l’île principale, Tino et Tinetto et quelques cailloux. Nos kayaks glissent sur les eaux turquoise de la sortie de la baie. À la pointe Est de Palmaria, marquée par un petit fort posé sur l’eau, nous découvrons en arrière-plan, la côte toscane et le blanc des falaises de Carrare. Nous longeons de grandes dalles doucement inclinées jusqu’à atteindre la pointe Sud de Palmaria. C’est le grand large qui s’offre à présent à nos yeux. Nous longeons alors les façades nord des îles. Tinetto et son fort perché ainsi que Palmaria offrent d’immenses falaises. Notre attention est attirée par les cris perçants d’un faucon pèlerin qui y a trouvé refuge. Comme la veille, les conditions de mer changent d’un coup et nous nous trouvons chahutés par un gros clapot inconfortable. Le clapot, ce sont ces vagues créées par des courants ou des vents contraires et au contact du relief. Il provoque des mouvements désordonnés du kayak qui change sans cesse de direction et oblige à se concentrer sur notre équilibre. À peine discernable au ras de l’eau, la passe qui nous permet de rejoindre Porto Venere est gardée par la chapelle San Pietro Porto Venere. Une merveille de l’art roman que nous ne pouvons nous empêcher d’aller voir du pied du promontoire plongeant dans la mer où elle ancre ses fondations. Puis c’est le retour en eaux calmes dans le golfe. Les terrasses ensoleillées, l’animation des rues et quelques moments de farniente nous attendent, mais c’est là une autre histoire.
Traversée des Cinque Terre en kayak – carnet pratique
Comment y aller ?
Ceux transportant leurs propres kayaks peuvent atteindre Levanto ou Porto Venere, villes portes, via Gênes en passant par les tunnels du Fréjus ou du Mont Blanc. Attention, un équipement de signalisation spécifique au transport d’objets dépassant du véhicule est obligatoire en Italie.
En transport en commun, l’accès aux Cinque Terre se fait très facilement en train avec le réseau Trenitalia , via Gênes et les très nombreuses liaisons régionales sur la ligne de la Spezia. Comptez entre 9h et 10h au départ des gares de Paris, Lyon ou Marseille.
Où mettre à l’eau
Naviguant hors saison touristique, nous avons choisi des mises à l’eau depuis les plages de Levanto (N44.1679228, E9.6101946), de Monterosso (N44.1443119, E9.6441410) et Porto Venere (N44.0578140, E9.8396036). En saison, elles ne seront accessibles qu’aux premières et dernières heures du jour et non sans difficultés.
Quand pagayer dans les Cinque Terre ?
Le printemps et l’automne sont nos saisons préférées, pour la quiétude hors période de congés, la douceur des températures et les lumières sur les reliefs. L’hiver est également une saison qui peut être propice à découvrir ce littoral, avec les équipements adaptés. On ne peut que déconseiller l’été, synonyme de fortes chaleurs et de surfréquentation, à terre comme sur l’eau.
Quels itinéraires ?
Un minimum de trois jours est nécessaire pour parcourir l’itinéraire décrit, sans stress. De nombreuses extensions sont envisageables, notamment au nord de la région des Cinque Terre..
Difficultés
Par temps calme, l’itinéraire ne présente pas de difficultés autres que la rareté des débarquements possibles. Mais, cette absence d’abri doit inciter à la prudence par météo défavorable (orages, Sirocco, Maestrale, houle).
Où dormir ?
Le bivouac est impossible. Il existe d’innombrables solutions d’hébergements dans les Cinq Terre, en camping, hôtel ou chez l’habitant. Le bon réseau ferroviaire et la fréquence des trains permettent d’envisager un hébergement unique et d’y laisser ses bagages, une solution intéressante si vous confiez la logistique à un guide local. C’est la solution que nous avons adoptée, en prenant un hébergement chez l’habitant à Levanto. Les tarifs y sont plus raisonnables que dans les cinq villages. Les navettes en train entre Levanto et La Spezia desservent chacun des cinq villages et ne prennent que quelques minutes. Attention, Portovenere n’est desservi qu’en bateau (ligne Levanto – Portovenere) ou par les bus urbains de la Spezia. Les campings de Levanto constituent une bonne solution pour ceux naviguant avec leur embarcation.
Quel équipement ?
À la belle saison, prévoyez l’équipement classique du kayakiste de mer, sans oublier chapeau, lunettes et crème solaire. Seul le port du gilet d’aide à la flottaison est obligatoire mais on ne peut que conseiller d’embarquer l’ensemble des équipements de sécurité (écope, feux de signalisation, bout de remorquage, …). En hiver et au printemps, la température basse de l’eau fait qu’un bon équipement, isolant, étanche, est un élément de sécurité indispensable. Des manchons seront également indispensables en cas de Maestrale.
Réglementation
En Italie, les kayaks de mer sont considérés comme des engins de plage ne pouvant s’éloigner du littoral de plus d’1 mile nautique du littoral, distance pouvant localement être réduite à 0,16 miles. L’accès à la plupart des ports leur est interdit, mais ce n’est pas le cas de ceux des Cinque Terre.
Sécurité – santé
Malgré l’ambiance méditerranéenne et l’idée de farniente qu’évoque la navigation dans les Cinque Terre, elle doit être pratiquée en pleine connaissance des risques liés à l’environnement (noyade, hypothermie, insolation, ophtalmie, …) mais également de son propre niveau technique et physique. Encore une fois, la météo méditerranéenne peut être capricieuse, le vent y souffler fort, de façon relativement soudaine. L’exposition au large du trait de côte le soumet à de fortes houles. Des conditions qui peuvent s’avérer problématiques en raison du manque d’abri. Il est donc indispensable de prendre régulièrement la météo locale et savoir renoncer en cas de conditions défavorables ou de signes de vent et intempéries non annoncés ! La vigilance est de mise lorsque l’itinéraire coupe la route des ferries desservant les villages et dans le secteur entre Porto Venere et Palmaria où règne un important trafic maritime de plaisance. C’est une navigation que nous déconseillons aux pagayeurs débutants non accompagnés d’un professionnel.
Avec qui partir ? Louer son matériel ?
Celles et ceux préférant naviguer en autonomie devront prévoir leur propre équipement, car seuls quelques sit-on top sont disponibles à la location sur place. Nous vous recommandons chaleureusement de naviguer avec Giuliano. Pour sa compétence de guide, bien sûr, mais également sa capacité à partager la culture locale et nous faire découvrir la gastronomie de Ligurie. Vous pouvez le contacter via son site www.cinqueterreinkayak.com.
Observer la nature et réduire son impact
Les Cinque Terre, au carrefour des influences méditerranéennes, continentales et alpines, constituent un espace écologique remarquable, abritant des milieux et espèces rares à l’échelle européenne. Ce sont notamment les mammifères marins qui bénéficient de la zone étendue de protection. On y trouve dauphins, globicéphales, mais également, plus au large, des cachalots et rorquals communs, deuxième plus grande espèce vivant sur notre planète. En cas de rencontre, on évitera de se diriger en direction des animaux. Pagayer parallèlement à leur trajectoire leur assure quiétude et évite de perturber leurs activités vitales. Un comportement souvent récompensé par la visite curieuse des animaux et des observations plus longues. Si faucons pèlerins et puffins cendrés ne se dévoileront qu’aux observateurs les plus aguerris, les goélands leucophées et cormorans huppés sont deux espèces d’oiseaux facilement observables en mer. Ces derniers passent de longues heures, ailes étendues, à sécher sur les rochers. Leur plumage n’est, en effet, pas étanche. Une caractéristique qui leur permet de plonger et de pêcher plus facilement, mais qui se transforme en handicap lorsqu’ils sont dérangés. Le refroidissement lié à de régulières plongées entraîne en effet, une grosse dépense énergétique. On ne peut donc que conseiller d’éloigner son kayak de la côte dès qu’on les aperçoit. Amener avec soi une paire de jumelles pocket – lire nos conseils pour choisir ses jumelles de randonnée – accroît les chances d’observations et minimise les interactions négatives.
Déchets
Pas question de faire ses besoins sur un littoral si fréquenté. Prenez vos précautions dans les villages, les consommations aux bars sont peu chères et peuvent être l’occasion d’une pause WC responsable. Chaque village possède plusieurs fontaines d’eau potable, permettant de remplir sa gourde et de ne pas acheter de bouteilles plastiques. Les pique-niques peuvent également viser le zéro déchet en consommant, sur place, panini, focaccia, frito misto et autres délices à un tarif très abordable.
Que faire d’autre dans les Cinque Terre ?
Découvrir les Cinque Terre côté terre vous offrira des vues imprenables sur la mer, la découverte du patrimoine remarquable, des vignobles en terrasses, des sanctuaires et de petits villages. Il existe 185 itinéraires de randonnées pédestres qui permettent d’innombrables variantes, l’une d’elles étant d’entreprendre un aller au plus près de la côte et un retour par les crêtes sur un total d’une semaine de randonnée. Et, pour celles et ceux préférant le farniente, la pause à l’une des innombrables terrasses panoramiques restera un moment inoubliable. À plus forte raison s’il est l’occasion de déguster un verre de Sciacchetra, vin doux produit localement, obtenu avec des raisins séchés à l’air libre jusqu’à la fin de l’automne pour en concentrer les sucres. À déguster avec quelques croquants ou les très gourmandes crostata con pistacchio.
Cartographie
La carte “Cinq Terres, Carte et Guide des sentiers” de l’éditeur italien Giacché présente, en français, les 185 sentiers, sur fond de carte au 1:25.000. Elle est indispensable et largement suffisante pour préparer sa randonnée, y compris en kayak de mer !
Pour en savoir plus ?
Le site web officiel du Parc national est une mine d’informations accessibles en français.
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka