Ecosse: le Skye trail en 5 jours

Tout au nord de l’Écosse, le Skye trail est un itinéraire mythique. Sur cette île reculée qui compte bien plus de moutons que d’habitants, il va de falaises vertigineuses en landes romantiques dans une grande solitude. Avec Travelbase, j’y ai marché pendant cinq jours, de bivouac en bivouac. Pas de gros dénivelés, non. Mais le Skye trail demande tout de même bien des efforts.

Des sentiers le long de hautes falaises découpées à la hache qui tombent dans des fjords extraordinaires, ou sur des landes désertiques : le Skye trail. Il parcourt l’île de Skye, la plus grande des îles Hébrides tout à fait au nord de l’Écosse, dans le sens de la hauteur. Pas de balisage, pas de repère, ce n’est pas un itinéraire officiel. Pourtant, l’un des plus beaux que j’ai jamais faits, l’un de ceux qui comptent dans la vie d’un randonneur. Je l’ai suivi durant 5 jours dans une version travaillée par Travelbase, alors qu’habituellement les 129 km se couvrent en 7 jours. Le voyagiste n’a retenu que les plus beaux tronçons, en l’effectuant du nord au sud.

Et je suis heureux d’avoir marché sur le Skye Trail. Malgré les tourbières et autres marécages où le pied du marcheur s’enfonce jusqu’à la cheville. Malgré la pluie, parfois. Malgré les midges, ces satanées et minuscules bestioles qui rendent la vie impossible lorsqu’elles sont de sortie. Oui, je me souviendrai longtemps du Skye trail, en m’efforçant de garder ses étonnants paysages en mémoire.

Avec qui marcher sur le Skye Trail ?

Ce reportage a été réalisé durant un trek organisé par Travelbase Treks sur le Skye Trail, un circuit baptisé The Scotland Trail sur son catalogue. Le prix comprend l’organisation du circuit, les nuits en camping, le guidage avec un encadrement francophone, les traces gps, l’appli Scotland trail, les transferts durant le trek. Un certain nombre d’options sont proposées en sus : transfert de bagages d’un bivouac à l’autre, location du matériel de camping (tente, duvet et matelas), le foodpack (3 repas lyophilisés par jour avec fourniture du réchaud, gaz et casserole), le transfert depuis et vers Edimbourg…

Créé en 2010, Travelbase est un voyagiste établi en Belgique, disposant d’une antenne à Lille, spécialisé dans le voyage d’aventure. Travelbase propose toutes sortes d’aventures, que ce soit à pied, à vélo, à Vespa ou encore en kayak ou sur un packraft dans beaucoup de régions du monde.

Travelbase est particulièrement sensible à l’empreinte écologique. Il contribue à des projets climatiques certifiés en compensant l’impact résiduel par le biais de projets de restauration de la nature et de la faune, en informant les voyageurs sur l’empreinte écologique de leur voyage. Depuis 2023, Travelbase dispose d’une équipe dédiée à rendre ses voyages plus durables en collaborant étroitement avec des organisations caritatives locales.

J1 : Elgol – Sligachan

Au réveil, quelques pas en-dehors de la tente : la vue est magnifique, le regard porte loin. Un loch -le terme écossais s’applique aussi bien aux lacs qu’aux fjords et, ici, c’est bien un fjord- bordé de l’autre côté par une longue chaîne de montagnes, les Highlands. A mes pieds ou presque, quelques moutons dans la pente, très occupés à ne manquer aucun brin d’herbe à leur portée. Et le silence. C’est bien ainsi que j’imaginais l’île de Skye. La veille, je suis arrivé depuis Édimbourg par la route, traversant des contrées de plus en en plus sauvages. En toute fin d’après-midi, me voici à Elgol : parler d’un village est un bien grand mot, puisqu’il y a seulement trois ou quatre maisons.

Ce matin, la rando débute de la meilleure manière, sous le soleil avec un parcours de toute beauté à flanc de falaise, le long du grand loch Scavaig. Comme un éblouissement, là sur cet étroit sentier. En fait, il est tellement étroit qu’il me faut souvent poser les pieds l’un derrière l’autre. Et faire attention. Car la falaise est abrupte, haute de plusieurs dizaines de mètres, avec pour seul garde-corps un très maigre rempart de végétation. On avance ainsi plutôt lentement, chacun à son rythme, sous le charme. Puis, la progression est plus aisée, mais pas tant que ça alors qu’il n’y a pas presque pas de dénivelé. Les baies et les lochs se succèdent.

En fin de matinée, je consulte mon gps : seulement 5,4 km en tout et pour tout ! Un bothie -un refuge- assez spacieux se présente à point nommé dans la grande baie de Camasunary pour le casse-croûte. En l’occurrence du lyophilisé, comme à chaque repas durant toute la semaine…

Dans l’après-midi, alors que la météo s’est sérieusement dégradée, le Skye trail bifurque vers l’intérieur des terres. Il court maintenant dans une large plaine encaissée entre des montagnes brumeuses. Le sentier est large, ressemblant de plus en plus à un ruisseau… D’ailleurs, le Skye trail nous réserve aussi pas mal de passages à gué. Tous se négocient sans trop de peine. Plus tard, l’arrivée à Sligachan est assez édifiante. Car, devant l’antique pont de pierre à trois arches -qui offre d’ailleurs un très beau point de vue sur les monts Cuillin- des touristes venus en groupe s’essaient à une légende écossaise. Elle veut que ceux qui plongent la tête dans la rivière deviennent sages et beaux. Ben, eux, ils y croient… puisqu’ils le font.

J2 : Sligachan – Portree

Les choses paraissent faciles, au départ de ce joli camping, quoique trop proche de la route, de Sligachan. Le Skye trail avance le long d’un bras de mer, le loch Sligachan comme de juste, s’enfonçant profondément dans les terres. Mais les marécages sont traîtres. En moins d’une heure, j’ai déjà les pieds trempés. Pas grave, et j’ai intérêt à m’habituer car ne sera pas la dernière fois, loin de là ! D’autant que mon attention est vite accaparée : des phoques pointent le bout du nez, dans l’eau. Une petite colonie de 5 ou 6 individus. Plutôt curieux, ils nous observent en se dressant à la surface de la mer. Mais pas moyen de faire des photos correctes. Gris, les phoques se détachent à peine sur l’eau qui paraît tout aussi grise à contre-jour. En tout cas, le spectacle est bien sympa.

Ce ne seront pas les seuls animaux, ce jour-là. A peine sortis du loch, on aperçoit au large quelques dauphins. Quel spectacle, de les voir bondir et plonger, même de loin ! Et puis, un de nos marcheurs affirme même avoir vu une baleine, dans ces mêmes parages, entre l’île de Skye et celle de Raasay, de l’autre côté. Mais il est bien le seul… La côte est belle, encore plus sous ce beau soleil. D’ailleurs, à la pause de midi, deux courageux iront se mouiller. Bravo : l’eau est très, très fraîche… De plus, ce n’est pas chose aisée que de pénétrer dans l’eau, entre les rocailles battues par les vagues.

Une bonne partie de ce tronçon du Skye trail emprunte une route. Petite et peu fréquentée, certes. Mais je n’aime pas du tout marcher sur le bitume, pas plus ici qu’ailleurs. Puis le Skye trail croise une rivière, la Varragill, qu’il décide de suivre jusqu’à la grève. Car le fleuve se jette dans la mer en face de Portree. Avec ses 3 000 ha, c’est la petite capitale de l’île de Skye. Un gros village, plutôt mignon : une enfilade de maisons colorées sur le port et, au-dessus, pas mal de pubs et de restos. La vie est belle !

J3 : Portree – Old Man of Storr

Petite journée de rando sur le Skye trail… avant une grosse. Elle démarre avec un clin d’œil, en l’occurrence un petit troupeau de vaches écossaises, des higland cattles. Quelle allure, ces bêtes qui semblent tout droit sorties de la préhistoire ! Il paraît d’ailleurs qu’elles ne sont pas très commodes. Puis, après les grosses, des plus petites : des dizaines de lapins détalent à notre approche, lorsque nous grimpons sur la falaise, au dessus du loch Leatan. Amusant.

Le parcours du Skye trail est vraiment admirable, en ligne de crête. La vue sur les fjords -pardon, les lochs- est franchement fabuleuse. Encore une superbe carte postale de l’île de Skye ! Au loin, on aperçoit les hauts sommets des Hihglands sur le continent, qui se détachent au-dessus de la mer. Petites descentes et petites montées sont notre lot aujourd’hui. Jusqu’à arriver non loin du Old Man of Storr, la célébrissime pointe rocheuse… mais qu’on ne verra pas encore. Seulement les parkings, qui semblent bondés, à son pied. La vue iconique de l’île de Skye, c’est pour demain. En attendant, on admire une partie de la Trotternish Ridge, qui sera notre gros défi de demain.

J4 : Old Man of Storr – Quiraing

Le voici, l’Old Man of Storr. L’image emblématique de l’île de Skye. Et, pour moi, le coup d’envoi de ma plus belle journée de rando sur le Skye trail. Car, aujourd’hui, j’en prends plein les yeux, du matin au soir : un vrai festival de vues sublimes, de paysages inoubliables ! Sauf que j’ai bien du mal à le reconnaître, cet old man. En fait, le haut monolithe se confond avec le chaos rocheux derrière lui et le massif du Storr. Mais, c’est vrai, en cherchant bien, on distingue les traits d’un vieil homme. Bon nombre de légendes s’y rattachent, qui ont toutes trait à l’époque où l’île de Skye était encore peuplé de géants.

En tout cas, en ce tout début de matinée, l’Old Man est presque entièrement à nous, pas encore de touristes. Après un dernier coup d’œil -de l’autre côté, la pierre est franchement spectaculaire lorsqu’elle se découpe dans le ciel- en avant marche !

La journée sera bien longue sur le Skye Trail. Mais si belle, ici sur le Trotternish Ridge. L’itinéraire est simple : une succession de montées et de descentes avec 9 petits sommets, plus ou moins aplatis. A chaque fois, même si elles ne sont pas très, très longues, les montées sont plutôt rudes. A commencer par les deux premières. D’ailleurs, sur le replat du 2ème sommet, j’aperçois maintenant la mer des deux côtés. Mais je préfère la côte la plus sauvage, à main droite. En fait, toute la région est quasiment pour nous. Tout juste si on croise trois autres marcheurs sur le Skye Trail, français en plus ! Ce qui me surprend est de trouver des marécages et autres terrains spongieux jusqu’ici, au sommet de falaises. Il y en a partout, décidément. Mais ce ne sont que vétilles, au regard des somptueux panoramas que j’ai l’occasion de contempler.

La frange qui nous sépare de la mer est maintenant bien large, donnant encore plus de profondeur au décor. Chaque fois que je m’arrête pour admirer, je m’estime chanceux. Heureux, d’être là, de marcher sur le Skye trail. D’autant que la météo se montre très clémente depuis quelque temps.

La dernière des grosses « bosses » à notre programme, le Biodha Buidhe toujours sur les falaises de Trotternish Ridge, n’est pas la plus haute de la série. Mais sans doute la plus rude de la journée. En tout cas, je suis bien content d’en venir à bout. Content de moi, content de mériter tous ces fabuleux endroits qui s’offrent au regard.

J5 : Flodigarry – Duntulm

Un petit transfert pour nous amener à pied d’œuvre, et on retrouve les falaises de la péninsule de Trotternish. Direction le nord, jusqu’à la pointe la plus septentrionale de l’île de Skye, le bout du Skye trail. D’abord un petit bois à traverser, où le Skye trail est particulièrement glissant. On retrouve brièvement la civilisation. En l’occurrence, les ruines du château médiéval puis quelques maisons et un cimetière, à Kilmaluag Bay. Et à nouveau les falaises. D’abord vues d’en-dessous, puis d’au-dessus. Avec des panoramas époustouflants. L’occasion d’apercevoir, et de très près, pas mal d’oiseaux. Des cormorans, des sternes et autres guillemots, à quelques mètres de nous seulement, dans les anfractuosités des falaises.

En fin de matinée, arrivée au bout du monde. De notre monde, de l’île de Skye. Il y a là un refuge -un bothie- planté au sommet d’une colline : le Look Out, construit par les gardes-côtes en 1928, et restauré en 2006. Une petite construction, pas vraiment belle, mais tellement chaleureuse. Un coin pour deux ou trois couchages, une coin-cuisine et un séjour avec une façade vitrée donnant sur la mer. Derrière ces fenêtres, en contemplant la mer houleuse et moutonnée où un voilier bataille dur pour avancer, je prends mon repas. Une salle à manger avec vue.

En début d’après-midi, tour de la péninsule qui s’avance sous le bothie. Ca se mérite : la descente est escarpée, il faut mettre les mains, plutôt deux fois qu’une. D’ailleurs, elle rebute certains, sujets au vertige. La promenade est jolie, jusque sur les rebords des falaises. Retour au bothie puis direction les ruines du château de Dunthulm. Elles ont encore bien de l’allure, et marquent véritablement le bout de l’île de Skye. Juste avant, sur une plage abritée, quatre courageux marcheurs tombent veste, t-shirt et pantalon de rando pour aller se jeter dans l’eau. Sans une seconde d’hésitation, alors que l’eau n’est pas plus chaude, bien au contraire, que l’autre jour. Une bien belle manière de célébrer la fin de ce Skye Trail.

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