Je suis parti une semaine en octobre 2016 dans le parc national d’Oulanka dans le sud-est de la Laponie finlandaise. Je pars seul sur le chemin de randonnée le plus connu de Finlande : le Karhunkierros. Il fait 80 km de long et se situe près de la frontière russe. Son nom signifie sentier de l’ours. J’avais l’espoir de rencontrer ce grand mammifère qui me fascine.
En bus jusqu’au parc national d’Oulanka
On est le Jeudi 20 octobre, je quitte mon appartement en saluant Matt, mon colocataire anglais. J’ai un peu la boule au ventre. N’ai-je rien oublié pour le Karhunkierros ? Aujourd’hui, j’ai été stressé à cause de l’expédition à ski que j’ai prévue pour mars, je sais que c’est illogique, mais c’est comme ça, j’ai besoin de tout prévoir d’avance. Je suis à l’arrêt de bus, j’attends le 41 qui m’emmènera vers la gare routière d’Helsinki. Le voilà, je suis le seul passager. J’arrive à Kamppi avec 50 minutes d’avance pour trouver la gare routière souterraine. Je monte dans le bus qui me mènera jusqu’à Oulu, il possède le wifi et des prises de courant en 230 V. J’espère réussir à dormir, je n’ai pas beaucoup de place pour mes jambes, mais personne n’a pris la place à ma droite, je vais pouvoir m’étendre un peu. Je préviens Chris, mon deuxième colocataire, de ma destination et de mon objectif pour une question de sécurité.
La nuit dans le bus a été dure, je n’ai pas beaucoup dormi par manque de place et de confort. Je suis maintenant à Oulu, j’attends mon bus pour Kuusamo quelques instants. J’achète mon billet au conducteur et je m’allonge sur le cinq places du fond. Je pourrai ainsi me reposer un peu avec ce pseudo-lit. Ce bus ne dispose pas de prise électrique, je décide donc de couper les communications avec « les tarés », ma bande d’amis de Poitiers. Je réfléchis au fait que sur les 3 bus que je prends pour me rendre au début de ma randonnée, je m’arrête à chaque fois au terminus. Je me rends ainsi compte que je vais dans un lieu assez perdu et pas des plus faciles d’accès surtout à cette période. En posant mon sac à dos dans la soute, j’ai vu qu’il y avait des colis. Les bus servent aussi à la livraison dans les villages un peu reculés en campagne. Sur la route, nous croisons des rennes à plusieurs reprises, le bus freine parfois brutalement. Nous traversons de grandes étendues de forêt de pins et de bouleaux. Lors d’un arrêt, nous déchargeons quelques colis et je vois un pot d’échappement, même le garagiste se fait livrer par bus. La météo ne s’améliore pas, je m’inquiète de ma première nuit à l’extérieur.
Je suis enfin à Kuusamo, petite ville plutôt calme. Je me renseigne sur les bus pour Häutäjarvi, et je fais appeler pour me réserver le bus qui passera me chercher vers 13h. J’arriverai un peu plus tôt que ce que je pensais, c’est parfait. Je profite de mon temps libre pour aller jusqu’au supermarché m’acheter à manger. Il ne pleut plus et la température avoisine les 4°C, mais l’air reste humide. Mon bus, un grand bus que j’ai pour moi seul, vient me chercher pour me déposer à l’aéroport d’où un taxi commun m’emmènera au début de ma randonnée. Nous déposons une dame et ses deux enfants à Ruka, une station de ski qui marquera la fin de mon voyage dans quelques jours. J’ai payé 19 euros pour plus de 100km en étant tout seul dans le taxi. Je pense qu’il est subventionné par les accords avec la compagnie de bus. Le taxi me dépose à la maison du parc, je marche 500 mètres afin de rejoindre l’emplacement le plus proche pour faire un feu. Je m’y installe. Il y a une cabane avec du bois coupé et une hache. Je prépare mes bûches pour la soirée durant une demi-heure, ça me permet de me réchauffer. Je sens que mon dos n’est pas remis de la chute que j’ai faite en course à pied, il y a un peu moins de deux semaines. Je prépare minutieusement le feu que j’allumerai plus tard. Il n’y a pas réellement de place adaptée pour dormir, mais je m’installe sur les bancs de l’abri. La pluie arrive. Il y a quelques minutes, je pensais que ça allait se dégager en voyant un peu de ciel bleu. Je me rappelle que j’ai vu un abri similaire à l’aéroport avec un emplacement pour faire du feu, pratique quand tu dois attendre ton vol.
Premiers pas sur le Karhunkierros
Je me suis bien reposée, ici les nuits sont longues à cette période de l’année. Le soleil se lève à 8h30 et se couche à 17h10. Il fait nuageux et frais, je verrai bien comment le temps va évoluer. Le sol a gelé durant la nuit. Je rallume le feu pour me réchauffer un peu. J’ai un objectif de 19km pour ce premier jour de marche sur le Karhunkierros. Je ferai tous les détours qui se proposent à moi. Sur le chemin, je vois un tétra lyre s’envoler et je prends le temps de photographier ce qui semble être un pic épeiche. Il se met à neiger, c’est beau et ça fait du bien, j’ai déjà trop chaud. Tout devient glissant et principalement les planches en bois ajoutées pour traverser les marais. J’essaye d’éviter de retomber sur mon dos. Les paysages sont jolis. Je trouve des abris tout au long du chemin. Vu le nombre de marques orange et les panneaux tous les kilomètres, je ne risque pas de me perdre. La rivière serpente en formant une magnifique vallée. Le ciel se dégage et devient enfin bleu, peut-être ai-je une chance de voir des aurores boréales, un soir.
Après avoir traversé plusieurs passerelles, je décide de faire un détour par la vallée à ma droite. Un panneau indique une curiosité à voir. Effectivement, cette vallée, beaucoup plus abrupte, vaut le détour. Je rejoins mon chemin et m’arrête 4km plus loin. Si je ne veux pas finir trop tôt ma randonnée, je dois me limiter et le soleil se couche tôt aussi. J’arrive à un refuge avec un poêle et une gazinière. Je profite des rayons du soleil pour prendre des photos de la rivière et de la forêt qui s’y reflète. Le soleil commence déjà à disparaître, il est 14h30. Je scie quelques bûches et me lave un peu dans la rivière bien fraîche. Trois jeunes arrivent vers 16h. Ils ont l’air bien chargé : 2 filles et un jeune homme dont l’anglais semble très rudimentaire. Le poêle à bois chauffe très bien, ce qui promet une bonne soirée. Un groupe passe, mais ne s’arrête pas, moi qui espérais faire la conversation à quelqu’un. Je lis et j’observe les jeunes finlandais couper du bois et le fendre. J’ai l’impression qu’ils ont du mal à se débrouiller avec la hache, je décide d’aller les aider à couper le bois. Il fait maintenant 17°C dans le refuge. Une femme arrive, elle passera la nuit ici. J’arrive à communiquer avec la plus jeune du groupe. On est 5 dans le refuge, il fait bon. Ma purée de pommes de terre agrémentée de fromage me semble appétissante. Le ciel s’est couvert dans la soirée, j’aimerais bien qu’il se dégage dans la nuit. S’il fait beau, je dormirai à la belle étoile demain. Durant la nuit, la dame s’est levée toutes les deux heures pour remettre du bois dans le poêle, je crevais de chaud. Et un petit mulot a trouvé ça marrant de venir entamer mes provisions.
A la belle étoile
Après cette nuit mouvementée, je pars vers 8h, c’est l’horaire que je me suis fixé. Il faisait très chaud sur le sentier près de la rivière puis je suis arrivé sur un plateau et j’ai eu l’impression que la température chutait de 10°C. Près de la rivière, en remontant une pente sableuse, je croise des empreintes de loup mais pas d’ours en vue pour l’instant. Les trois jeunes me rattrapent lors de ma pause à la maison du parc où l’employé me confirmera l’auteur de l’empreinte. Je trouve des prospectus sur d’autres parcs cela pourrait être des idées pour cet hiver. Je rencontre un tchèque qui fait une partie du Karhunkierros dans l’autre sens, il est en Erasmus à Tampere et est venu en stop jusqu’à Rovaniemi. Il me montre fièrement le couteau Martinii qu’il a fait graver à son nom. Le ciel n’a pas l’air de vouloir se dégager, il fera nuageux toute la journée. Les paysages sont moins sympas qu’hier, la rivière plus calme et il y a beaucoup de passages plats en forêt. Je suis au cottage où je pourrais dormir ce soir, mais n’ayant aucune envie de supporter le même cinéma que la nuit dernière, je décide de m’éloigner du sentier. Il y a un abri en contre-bas près de la rivière d’après la carte. Le groupe de jeunes est allé au cottage suivant, je fais mon sauvage et descends à la rivière pour dormir dans le froid. Je suis au bord de la rivière, il fait 0°C, mais le feu me garde bien au chaud. Malgré les bonnes prévisions d’aurores boréales pour la nuit, le ciel reste bouché. Je m’endors avec la musique dans les oreilles et me réveille une heure plus tard. A 22h30, le ciel était totalement clair, je décide alors de l’installer sur la plage pour voir les aurores boréales mais en moins d’une heure le ciel s’est refermé et je suis resté à dormir à la belle étoile. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un ciel aussi étoilé.
Empreinte d’ours
Il fait bien frais ce matin. Je coupe au travers de la forêt pour rejoindre le chemin. Lors de cette partie hors-sentier, je vois une empreinte d’ours. Je rejoins le pieni Karhunkierros, une boucle de 17km qui permet de visiter le parc à la journée. C’est une véritable autoroute. Je croise trop de monde. La rivière que je longe aujourd’hui est plutôt agréable, le courant varie et la rivière serpente. Je vois de jolis rapides et une magnifique cascade qui ne gèle jamais. Je choisis de ne pas dormir dans le chalet en face de la cascade pour les mêmes raisons qu’hier. Je me suis trouvé un abri dans un ancien moulin à eau, mais assez proche du parking. Il ne s’agit pas d’un refuge du parc donc il n’est pas équipé de poêle et il fait froid dedans. Une famille qui vient manger des saucisses cuites sur le feu m’en offre une avec un verre d’eau.
Journée ensoleillée
Seul matin où je ne fais pas de feu quoique demain, je n’aurai peut-être pas le temps. La nuit a été fraîche, mais le soleil est au rendez-vous ce matin. Les jolies couleurs du soleil levant me permettent de faire quelques belles photos. Il me suivra toute la journée. Je prends mon temps, c’est mon dernier jour complet de marche sur le Karhunkierros et je profite du beau temps qui était rare. En me rapprochant de Ruka, je vois de plus en plus de traces de travaux forestiers qui m’indiquent que je ne suis plus dans le parc national. Je me perds au travers des pistes forestières et choisis de suivre mon GPS qui me fait prendre l’ancien chemin. Cela ne s’améliore guère lorsque j’arrive sur les collines faciles d’accès pour les touristes qui garent leur voiture en bas. Ces sommets cassent le rythme monotone de cette journée et je m’en ravis. Toutes ces collines sont équipées d’escaliers et de cordes, on ne se situe plus dans une zone sauvage. Le clou du spectacle est la vue sur la station de Ruka où les canons à neige tournent à plein régime pour offrir l’or blanc dès début novembre. Je ne reconnais pas le côté nature de la Finlande ici. Je m’installe dans le dernier abri avant la station de ski, à 3km de l’arrivée. Mon bus est à 7h demain matin. A 16h, il gèle déjà et le vent abaisse encore cette température. Je sens que la nuit sera froide et longue.
C’est le début de l’hiver
Il a fait -5 cette nuit et il neige ce matin. C’est le début de l’hiver en Laponie. Je suis à la période charnière. Cette dernière journée sur le Karhunkierros est un peu plus longue que prévue et me fait traverser les pistes de ski. Je me fais un nouveau brushing spécial hiver en passant devant les canons à neige. Les routes sont complètement enneigées, mais tout roule normalement le bus double même les voitures. Tous les horaires de bus étaient exacts. Je passe 6h à Oulu et prends le temps de visiter un peu la ville. Ça reste une ville simple, je profite des premières neiges dans les parcs. Je prends le bus pour Helsinki et je me retrouve dans le même bus qu’un groupe d’étudiants ERASMUS que j’avais aussi croisé à l’aller.
Cette première expérience de voyage en Laponie fut très enrichissante. Cela m’a permis de me rendre compte du matériel réellement nécessaire sur ce type de terrain. La forêt m’a permis de faire des feux plusieurs fois par jour, dans un but purement récréatif parfois. Je me suis restreint sur la longueur de mes journées afin de ne pas arriver trop tôt à Ruka. Le Karhunkierros est très fréquenté, j’ai fait le choix de rencontrer le moins de monde possible et de m’éloigner des abris conventionnels.
Informations pratiques sur le Karhunkierros (sentier de l’ours).
J’ai commencé la randonnée quand je partais en vacances avec mes parents. Aujourd’hui, je pratique la randonnée en autonomie, l’alpinisme, le ski de randonnée alpin et nordique. Grosso modo tout ce qui peut se faire en montagne tout en respectant le milieu m’intéresse. J’ai fait plusieurs séjours voyages en Laponie à ski/pulka. J’essaie de faire découvrir ce milieu à mes amis. Depuis 5 ans, je pratique énormément la spéléo et donc moins l’itinérance.
Salut !!
Super article, je souhaite faire cette randonnée cet été. Mais je me pose une question etant donné que je parle pas bien anglais, est ce compliqué de trouver comment aller depuis kuusamo ? Donc de reserver le bus etc.. vers qui t’es tu adressé ? Parlait-t-il bien anglais ? Cela sera mon premier voyage seule je suis un peu stressée.
Merci d’avance et belle soirée
Bonjour Laurine,
Je pense qu’en été le trajet est fréquenté et que tu n’auras pas de problème pour y aller.
Pour les bus, je te conseille de regarder ce site internet : https://www.matkahuolto.fi/en. IL y a aussi des bus sur ce site https://www.onnibus.com/home
Aller à Kuusamo n’est pas trop compliqué, il y a même un Aeroport là-bas. Le plus compliqué surtout hors saison avait été d’aller à Ruka (départ de la rando), mais le premier lien devrait t’aider.
Je viens de trouver ce line également, ça devrait t’aider. https://www.ruka.fi/en/travelling-to-kuusamo/getting-around/buses
Tout le monde parle plutôt bien anglais.
Hésites pas si tu as d’autres questions.
Salut
J’ai fait 2 fois le Karhunkierros , la 1er de Ristikiliano (a mi chemin sur la route : Ruka/Salla) , et la 2ème comme toi
C’est une rando magnifique à faire aussi en famille ,comme moi en huit jours.Pour info j’ai 80 ans …
A mon avis le meilleur moyen et le moins cher pour rejoindre le Karhunkierros c’est de prendre le train de nuit Helsinki/Kemijarvi puis enchaîner sur le bus pour Salta et Ruka il te dépose à Hautajarvi au départ du trek .C’est rapide ,reposant , à voir sur le site Vr.fi
Salut
Tout a fait le trajet en train est possible et surement plus confortable surtout en famille.
Le trajet en bus était pour moi en tant qu’étudiant à ce moment là le plus rentable mais plus fatiguant.
cette rando doit être très sympa en famille.