Récit de ma traversée à pied des Asturies. Ces 6 jours de randonnée viennent clôturer ma traversée de l’Espagne dont voici les étapes précédentes :
Campomanes – Mieres del Camino
+ 120 m/ – 305 m 20,9 km 4h45Nous avons un peu de mal à nous préparer efficacement ce matin, peut être un reste de fatigue de la longue étape montagnarde et, aussi, un pressentiment que l’étape en fond de vallée n’aura pas trop d’intérêt. Dès le départ nous sommes saisis par le bruit de l’autoroute voisine à l’intense circulation. Le chemin en bord de rivière est quasiment asphalté en permanence et nos pieds (et sans doute également notre tête) n’apprécient pas du tout. Une courte diversion est offerte avec la raide montée sur un chemin empierré vers la chapelle pré-romane de santa Cristina. Située sur un promontoire face aux montagnes son architecture est sobre et les dimensions démontrent une forme d’équilibre mais l’harmonie des lieux est perturbée par les bruits de circulation incessants.
Puis, nous redescendons bien vite dans la vallée. Après Pola de Lena l’itinéraire emprunte une route étroite et sinueuse, sans accotement, dont la fréquentation nous impose une vigilance constante. Le Camino tente une incursion en rive droite pour trouver un chemin moins fréquenté mais est bien vite ramené près de la circulation tant la densité de routes est importante dans cette vallée resserrée. À Ujo, nous trouvons refuge sur un banc entre deux immeubles pour déguster rapidement notre pique-nique. C’est par un chemin goudronné qui longe la rivière tout du long que nous atteignons Mieres en traversant une importante zone artisanale et industrielle, témoin de l’intense activité économique de la région. Nous n’avons qu’une hâte, c’est de retrouver un peu de calme et rejoignons rapidement un hôtel confortable à l’écart du bruit.
Mieres del Camino – Oviedo
+ 530 m/ – 520 m 17,2 km 4h30En quittant Mieres nous longeons une usine aux dimensions imposantes avant de nous glisser sous un échangeur d’autoroutes dans un entrelacs de piliers et de voies en béton. Nous sommes plongés au cœur d’une vallée industrielle, témoin d’une importante activité économique.
Heureusement, nous empruntons rapidement une petite route qui grimpe régulièrement à flanc de montagnes. Les hameaux se succèdent sans discontinuer dans un mélange de maisons habitées et entretenues et de masures abandonnées menaçant ruine. La vue se dégage petit à petit et le contraste est frappant entre la vallée urbanisée aux usines fumantes et les reliefs verdoyants des montagnes. Tout en grimpant, le ronronnement continu des usines et de l’autoroute nous berce, tout de même atténué par la distance.
Arrivés à un premier col, nous plongeons sur le versant nord par un chemin pentu qui évite les longs virages de la route que nous retrouvons plus bas. Nous redescendons dans la vallée où, une nouvelle fois, nos oreilles sont agressées par le bruit de l’autoroute que nous surplombons. Nous nous en éloignons progressivement et une deuxième montée soutenue sur un chemin abrupt nous emmène dans un havre de paix et de verdure au milieu des prés séparés par des haies fournies. De nombreux petits hameaux apportent leur touche de couleur sur le vert des champs. Les « horreos », greniers sur pilotis caractéristiques des Asturies, côtoient les solides maisons en pierres.
Le chemin dallé à la manière d’une voie romaine nous amène sur un point haut offrant un panorama étendu sur la multitude de vallons en tous sens. Le lieu est paisible et nous apprécions de ne plus être agressés par les bruits en tous genres. Quelques portions de sentier raide dans les herbes hautes mènent à une nouvelle petite route qui, après une brève montée, nous fait découvrir les immeubles modernes de la ville entourés de collines proches.
Les descentes soutenues mettent un peu à rude épreuve mes mollets, visiblement pas encore complètement remis de la longue étape de l’avant veille. En arrivant à Oviedo nous nous dirigeons immédiatement vers l’office de tourisme pour rechercher des informations sur les étapes suivantes. Malheureusement, l’itinéraire vers Gijon semble peu connu et nous aurons surtout la déception de constater l’absence d’hébergement à mi distance comme nous l’espérions. Après un rapide repas nous rejoignons notre hôtel. Nous passons une partie de l’après-midi à chercher sur internet des solutions d’hébergement pour l’étape suivante qui s’annonce compliquée. Puis nous repartons pour un tour dans la ville animée avec d’agréables rues piétonnes bordées de grandioses façades.
Oviedo – Lugones
+ 65 m/ – 130 m 7,5 km 1h45Malgré de multiples recherches nous n’avons pas trouvé d’hébergement à mi chemin entre Oviedo et Gijon. Pour éviter une longue étape de plus de 34 kilomètres la seule solution est un hôtel à Lugones, petite cité nouvelle proche d’Oviedo. Après avoir déambulé dans les rues à la recherche des rares commerces ouverts ce dimanche matin nous quittons l’hôtel en fin de matinée. Les rues sont très calmes et à part quelques promeneurs de chiens ou des enfants jouant dans les squares nous ne voyons que de rares passants. Nous traversons les quartiers périphériques avec leurs grands immeubles en briques au milieu d’espaces verts bien entretenus. Dans les cités nouvelles les briques rouges traditionnelles cèdent parfois la place à des façades aux couleurs plus vives qui apportent un rayon de lumière bienvenu sous la grisaille et la bruine du jour.
Au pied des immeubles, les bars concentrent l’animation. Tout au long de cette traversée nous suivons le parcours du GR 100 mais nous n’y voyons aucun balisage et sans la trace enregistrée sur le GPS nous aurions bien du mal à suivre l’itinéraire, sauf à garder en permanence le nez dans la carte. À la sortie de la Corredoria nous quittons le parcours du GR pour emprunter une promenade goudronnée où les promeneurs sont nombreux. Puis, par une petite route longeant un haras et un chemin au milieu des prés inattendus dans cette zone d’urbanisation intense nous atteignons Lugones juste à côté de l’hôtel réservé la veille. C’est une ville aux rues quadrillées bordées d’immeubles sans charme où, comme il est courant en Espagne, les habitants se rencontrent autour des nombreux bars et sidreria.
Lugones – Gijon
+ 360 m/ – 510 m 26,6 km 5h50Le ciel est bas dès le matin et le sommet des collines dans la brume quand nous nous mettons en marche. Nous traversons la ville de Lugones pour rejoindre l’itinéraire du GR 100. À la sortie de la zone urbaine nous avons repéré une petite route qui, en traversant la zone industrielle et en suivant la voie de chemin de fer, doit nous permettre de retrouver sans détour le GR. Comme prévu nous rejoignons rapidement celui-ci et, miracle, voyons un balisage régulier qui nous rassure sur le tracé. Voilà qui change de l’étape précédente durant laquelle nous n’avions pas vu une seule marque de balisage. Le tracé rejoint ensuite à proximité d’une zone commerciale une route qu’il faut suivre pendant un peu plus d’un kilomètre. La circulation s’avère relativement dense et nous ne sommes pas très rassurés car les bas côtés sont envahis d’herbes hautes et impraticables. Au passage, après une zone commerciale, nous apercevons un hôtel dont nous n’avions pas connaissance et qui nous aurait permis de mieux équilibrer les étapes si nous avions pu nous y arrêter. Nous respirons enfin quand nous empruntons la petite route tranquille qui nous éloigne du danger. Elle tournicote sans fin entre de nombreux vallons et rejoint une ligne de crête panoramique.
Nous constatons que la région est densément habitée car nous traversons de nombreux hameaux où les chiens nous assourdissent de leurs aboiements. Courtes descentes et montées se succèdent sans interruption dans un paysage agreste aux perspectives malheureusement limitées par la grisaille.
Quelques grains de bruine maintiennent un taux d’humidité élevé. En début d’après-midi, nous passons à côté d’un sémaphore chargé de la sécurité de la navigation maritime mais notre espoir d’apercevoir l’océan se noie dans les brumes. Petit à petit, la route quitte les hauteurs pour se rapprocher des zones industrielles encerclant Gijon. D’épaisses vapeurs joignant le ciel et la terre sortent des cheminées. Un nouveau passage sur une route très fréquentée, heureusement de courte durée, nous provoque encore quelques montées d’adrénaline au passage des camions. Du sommet des dernières collines nous apercevons les grues portuaires et noyées entre mer et ciel les silhouettes de quelques cargos. Cette vision provoque en nous un sentiment de grande joie et d’émotion enfouies à la pensée de réaliser que notre objectif, l’océan Atlantique, est à portée de pas. Quelques kilomètres entre usines et immeubles nous conduisent vers la ville et nous rejoignons rapidement la pension où nous sommes accueillis de façon très sympathique et chaleureuse. Après le repas, nous nous rendons au bord de mer, tout proche, et c’est un moment de bonheur particulier qui nous submerge en foulant le sable et en contemplant de près l’océan après ce long périple.
Gijon – Luanco
+ 440 m/ – 460 m 21,8 km 5h15Si nous avions terminé notre marche à Gijon nous aurions certainement ressenti la frustration de nous retrouver dans une zone extrêmement urbanisée et sans charme. C’est pourquoi, pour conclure en beauté cet itinéraire nous souhaitons gagner le cabo de Penas, pointe la plus au nord de la principauté des Asturies. Mais nous allons devoir créer notre chemin car les abords de la ville ne doivent pas voir beaucoup de randonneurs. Aujourd’hui, nous abandonnons les itinéraires balisés pour suivre plus ou moins la côte en direction de notre but. Une trace GPS trouvée sur Internet sera notre fil directeur. Au travers de zones résidentielles nous remontons vers la colline où se situe le site archéologique de campo Torres. Un habitant en voiture, surpris de nous voir à cet endroit et croyant à une erreur de notre part, s’arrête pour nous indiquer gentiment que nous ne sommes pas sur le Camino. Nous lui expliquons que nous n’allons pas à Santiago. Après avoir franchi la colline nous descendons par une petite route raide qui mène au bord d’une zone d’industries lourdes. Là, sont entreposées des collines de charbon et une poussière noire se dépose sur les routes et les bordures.
Une noria de gros camions vient charger le combustible et notre situation de marcheur doit paraître bien incongrue dans un tel endroit. Par un petit chemin nous nous dirigeons vers la mer en suivant la trace enregistrée. Mais la malchance est avec nous car la marée haute nous empêche de longer le bord de la plage pour poursuivre en bord de mer.
Nous sommes donc contraints de faire demi-tour et de suivre la route qui longe des installations industrielles. De nouveau, nous sommes assaillis par le bruit et la poussière. Pour rejoindre le bord de mer nous devons louvoyer sur de petites routes et contourner une cimenterie aux dimensions démesurées. Nous serons même obligés de suivre une route en faisant abstraction des panneaux d’interdiction de passage, faute de quoi nous aurions été contraints à un très long détour. Nous arrivons enfin sur un plateau vallonné où quelques fermes maintiennent leur activité entre des zones d’urbanisation étendues.
À l’approche de la plage de Carranques, une nouvelle difficulté surgit car le chemin envisagé sur la carte traverse un camping fermé nous contraignant à un nouveau détour, cette fois modeste. Jusque Candas nous ne suivons donc pratiquement pas le bord de mer et naviguons entre prés verdoyants et villages de vacances aux constructions clonées. Dans le village, un sentier en cours d’aménagement permet de grimper vers la chapelle saint Antoine aux murs blancs, puis vers le phare.
Le sentier fait ensuite le tour du cap et nous pensons poursuivre sur les falaises mais, une fois le cimetière atteint, l’aménagement cesse. Nous découvrons alors une trace de passage dans les prés en bord de falaise qui va nous conduire, finalement, sur un chemin rejoignant la route car les sentiers vers la mer sont situés dans des propriétés privées. Peu avant Luanco nous zigzaguons entre les lotissements pour retrouver le bord de mer à l’entrée du village. Bien abrité des vents dominants il étale le long du port ses maisons asturiennes caractéristiques avec leurs avancées vitrées. Nous nous installons et allons consulter l’office du tourisme pour connaître les horaires de bus nous permettant de rejoindre Oviedo depuis le Cabo de Penas.
Luanco – Cabo de Penas
+ 470 m/ – 410 m 15,7 km 4h50Pour ce dernier jour nous décidons de partir tôt car nous devons avoir terminé en début d’après-midi pour attraper le bus qui doit nous ramener vers Oviedo. Notre petit déjeuner se limite donc à quelques madeleines et un jus d’orange. Nous quittons Luanco en longeant le bord de mer et en empruntant le sentier côtier bien aménagé mais souvent envahi d’herbes hautes et humides. Le ciel est désespérément gris uniforme et ternit toutes les couleurs de la mer et des prés. La côte est très découpée et des falaises déchiquetées plongent dans l’océan.
Le sentier s’éloigne assez rapidement du rivage ne laissant que des aperçus sporadiques sur l’océan du fait de la végétation dense. Il louvoie entre zones cultivées et villages alternant courtes montées et descentes pour franchir des vallons où il faut parfois se frayer un chemin entre ronces et orties. Après la plage de Banugues il s’éloigne définitivement du rivage, rejoignant même une route que nous suivons sur un peu plus d’un kilomètre. À l’approche du Cabo de Penas quelques lueurs percent les nuages projetant des spots lumineux sur la mer.
Nous décidons de nous rapprocher du bord de l’eau pour mieux découvrir le cap et ses falaises par des chemins au milieu des champs. Et nous sommes gâtés par la chance car, en approchant, de larges éclaircies de ciel bleu illuminent le phare et les falaises resplendissantes qui plongent dans une eau bouillonnante.
Nous profitons à plein de ce paysage qui clôt magnifiquement notre périple espagnol. Mais le temps nous est compté pour ne pas manquer le bus du début d’après-midi. Nous devons donc reprendre la marche et abréger la séance de contemplation. Nous préférons éviter le petit sentier escarpé entre ajoncs et ronces pour contourner par le plateau le profond vallon qui nous sépare du but. Quand nous arrivons au bout du cap le soleil a décidé de nous offrir le spectacle et nous nous permettons une pause pour apprécier ce moment si particulier qu’est la fin d’une longue itinérance : joie profonde de l’arrivée et de la réussite d’un projet mais aussi petit pincement en pensant que nous ne reprendrons pas notre marche le lendemain…
Tout en surveillant la montre nous poursuivons sur le chemin qui contourne le cap avant de rejoindre le village de Ferrero où se situe l’arrêt de bus. Après une petite attente nous pouvons embarquer jusque Luanco où nous prenons ensuite le bus qui nous conduit à Oviedo.
La randonnée est pour moi une source de découverte inépuisable. Amoureux de la montagne depuis de nombreuses années j’ai toujours autant de bonheur à parcourir les sentiers et à partir marcher aussi bien pour une journée que pour de longues itinérances. Mon départ à la retraite m’a offert le loisir de traverser les Pyrénées par la HRP dont je rêvais depuis longtemps. Cette longue traversée a encore renforcé mon envie de périples au long cours… Et depuis, j’ai traversé la France du sud vers le nord puis l’Espagne sans négliger quelques itinéraires plus courts au cœur de nos massifs. Cette envie de longues itinérances reste vivace et les projets ne manquent pas…
Ca donne envie d’essayer des rando’ à l’étranger ^^ De voir des paysages et des architectures différentes. Déjà que j’adore les voyages là ça sera comme redécouvrir les pays ^^
Le voyage à pied sur une longue durée permet en effet d’approfondir la découverte d’un pays et de ses habitants: on s’imprègne de l’évolution des paysages et aussi des modes de vie