Lors d’un récent séjour hivernal en Laponie suédoise, sur les bords de la rivière Muonio, nous avons littéralement été séduits par la personnalité d’Anna Johansson. Musher au parcours de vie original, elle nous livre ses réflexions et conseils pour une pratique éthique de la randonnée avec chien de traîneau.
Bonjour Anna, pourriez-vous vous nous dire en quelques mots quel est votre parcours ?
J’ai aujourd’hui 53 ans, je suis originaire du canton de l’est Quebec. Je suis née dans une ferme, d’un père suédois et vétérinaire, d’une mère britannique, éleveuse de chevaux et de chiens. Une grande partie de ma vie a tourné autour de ce monde des chevaux avant que je ne rejoigne l’univers des chiens de traineaux qui fut un véritable coup de cœur. J’ai ainsi commencé ma carrière il y a 9 ans, au Canada, à Inuvik précisément, comme “dog sledding guide”. C’est là que j’ai rencontré Henrik, un Sami venu en Amérique pour être berger de rennes. Nous nous sommes mariés et lorsque la décision a été prise de venir vivre en Suède, l’idée d’y poursuivre ma vie de musher était une évidence.
Vous voilà donc au cœur de la taïga lapone, mais sans chien ?
Pas vraiment. J’ai en effet convaincu mon ancien employeur, avant de quitter le Canada, de me céder deux chiens avec qui j’avais un lien très fort. Deux mâles husky sibérien, tout blancs, du nom de Jaeger et Juno. En arrivant en Suède, j’ai recherché 3 femelles de la même race et du même morphe. Ces cinq chiens sont le socle de ma meute composée aujourd’hui de 20 animaux.
Est-ce que le démarrage de l’activité fut simple ?
Pas vraiment ! La Suède possède parmi les législations les plus strictes au monde en matière de bien-être animal. C’est formidable, mais ce fut parfois difficile de répondre aux nombreuses exigences de l’”animal welfare regulations – dogs”, un bureau du ministère de l’agriculture qui veille à la stricte application des lois. Il y a un dossier conséquent à remplir concernant la qualité des installations, la taille des enclos, la possibilité pour chaque chien de disposer d’un espace “privé”, de pouvoir gratter la terre, le programme de travail, mais aussi ce qui est prévu quand vient l’heure de la retraite, etc. Il y a une inspection au démarrage de l’activité et des passages de contrôle peuvent survenir à l’improviste à tout moment.
On n’imagine pas qu’un musher puisse ne pas prendre soin de ses chiens. Toutes ces contraintes ne sont-elles pas exagérées ?
Malheureusement, même si la plupart des professionnels exercent leur métier avec sérieux et amour de leurs animaux, certaines pratiques nous font honte. A la fin des jeux olympiques de Vancouver l’arrivée massive de touristes a provoqué l’émergence d’un business autour des promenades à chien de traîneau. Mais la découverte de la mise à mort de plus de 100 chiens devenus “un poids économique” au départ des touristes a provoqué un électrochoc ! Ce fut le point de départ d’une prise de conscience qu’il existait de véritables cas de maltraitance animale, de chiens insuffisamment nourris, travaillant jusqu’à l’épuisement, vivant dans des conditions de propreté ou de promiscuité inacceptables.
On pense effectivement, en France, à Nicolas Vanier à qui les chiens ont été retirés pour “maltraitance animale” …
Oui, je connais également ce cas. Face à cela, des voix ce sont élevées, des mouvements activistes “anti-sledding” sont nés. Certains réclamant l’interdiction pure et simple de l’attelage des chiens !
Une réaction émotionnelle compréhensible, mais qui fait l’amalgame entre bonnes et mauvaises pratiques. Comment réagissez vous à cela, Anna ?
Je comprends la réaction mais pas cette volonté d’interdire le dog sleding. Ma vie est entièrement tournée vers mes chiens; dogs first, money last*. Ma joie est de les voir courir, attelés. Les husky sibériens ont été sélectionnés sur des générations pour leur capacité à tirer et ils ont cela dans le sang. Rien ne les rend plus heureux. Leur bien-être compte énormément pour moi. Les enclos sont nettoyés quotidiennement. Chaque chien est nourri deux fois par jour. Ils ne travaillent jamais plus de 3 ou 4 jours dans la semaine et, à contrario, sont sortis tous les jours l’été pour une promenade. Je prends en compte leur âge; pas de travail avant 1 an, un travail modéré jusqu’à 2 ans et mes chiens de plus de 8 ans cessent d’être attelés quand ils n’en ont plus l’envie. Alors mettre dans le même panier ma pratique et celle de personnes sans éthique est forcément vécu comme injuste.
J’ai remarqué que les inter-actions au sein de votre meute semble bien plus sereines que ce que j’ai pu voir par ailleurs, pouvez-vous me l’expliquer ?
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Les relations de meute chez les huskies sont très marquées par des rapports de dominance, c’est normal. Mais on peut également s’attacher à ce que ces rapports restent le plus pacifiés possible. D’abord en respectant cette hiérarchie. Juno est le mâle alpha et il sera toujours le premier, par exemple à manger, … Mais chaque chien sera nourri dans sa propre gamelle, à l’écart des autres, pour éviter tout stress alimentaire. Il y a aussi les moments où je leur offre la possibilité de se défouler tous ensemble, hors des enclos [où ils ne sont pas plus de 2 ou 3 ensemble – NDLR]. C’est un temps de sociabilisation libre très important. Et cette sociabilisation se prépare longtemps avant, alors qu’ils ne sont que des chiots. La mise en relation se fait progressivement avec les chiens les plus âgés puis avec le reste de la meute.
Oui, Jaeger que j’ai ramené du Canada n’est plus attelé, il n’en a plus l’envie du fait de son âge et de son arthrose. La fin de carrière des chiens, c’est presque le point le plus important quand on prétend prendre soin de ses animaux. C’est un sujet qui se prépare longtemps à l’avance. Chacun de mes chiens a ainsi un “plan de retraite”. Je veille à ce qu’ils puissent vers 8 ans, être adoptés dans de bonnes conditions.
8 ans pour des huskies qui vivent une douzaine d’années, n’est-ce pas trop tôt pour une retraite ?
C’est le chien qui décide quand il ne veut plus tirer et c’est souvent à cet âge que les premiers signes apparaissent. C’est aussi un bon compromis pour laisser le temps à la relation avec le nouveau maître de se construire.
Passer d’une vie de chien de travail, toujours en plein air à une vie de chien de compagnie, cela doit être terriblement difficile !
Pas vraiment. Dès l’âge de 2 mois, mes chiots sont sociabilisés non seulement avec leurs congénères mais aussi au contact avec les gens. Ils sont manipulés, apprennent à jouer, être caressés. Bien sûr, ce ne seront jamais des chiens d’appartement mais ils sont habitués, dès tout jeunes, à être en intérieur sans faire de dégâts. Je m’assure ainsi qu’ils puissent passer leurs vieilles années au chaud.
Quel conseil donneriez-vous à nos lecteurs pour choisir avec qui vivre cette extraordinaire expérience qu’est un séjour avec des chiens de traineaux ?
Tout d’abord celui de ne pas fermer les yeux sur cette question du bien-être des chiens. Acheter un séjour auprès d’un mauvais musher, c’est encourager ces mauvaises pratiques. Un label “Mush with pride” commence à émerger, mais il reste confidentiel encore. Quelques points permettent de se faire un avis facilement. Un bon musher possède de vrais chiens de traîneaux, pas des croisements faits pour être plus rapides mais qui ont perdu la rusticité des huskies, des alaskans ou des groënlandais. Les chiens doivent toujours avoir l’air happy and healthy – heureux et en bonne santé ! Les chiens blessés, fatigués, médicamentés n’ont rien à faire sur un attelage, ils doivent être au repos. On doit ressentir l’envie des chiens d’y aller ! Il ne faut pas hésiter à demander à voir les enclos qui doivent être spacieux et toujours propres. Enfin, l’ancienneté de l’équipe et la qualité des équipements en disent souvent long.
Merci beaucoup Anna pour ces précieux conseils. Que peux-t-on vous souhaiter pour la suite ?
J’aime ma vie avec mes chiens, être dans la taïga ou le long des rivières gelées avec eux, que souhaiter de mieux … Peut-être permettre à de nombreux lecteurs de découvrir ce bonheur …
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* Les chiens d’abord, l’argent après.
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka
Magnifique et intelligente
Merci Guy !