Vendredi 20 octobre : un col récalcitrant
Il a neigé toute la soirée hier, et le sol est recouvert de 5 à 10 cm de neige fraiche. C’est mauvais signe pour le passage du col, mais on va quand même essayer de passer. J’ai passé une nuit excellente, le repos et le sommeil, il n’y a rien de plus reconstituant ! Oubliée l’indigestion de la veille, je n’ai vraiment pas compris à quoi elle était due, était-ce l’altitude ?
Ce matin nous nous sommes levés à 5h car nous devons franchir l’Amphu Lapste, col à 5845m (ce qui équivaut à bien des sommets !)
Nous levons le camp rapidement sous un ciel nuageux mais peu menaçant.
Nous contournons la base d’une montagne sans nom ( ?) à 6218m en remontant sur le bord de l’Amphu glacier. Nous nous retrouvons alors dans un cirque dont aucune faille ne laisse apercevoir de passage. Toutes les issues sont très pentues et avoisinent les 6000m… Nous avons donné aux porteurs tout le matériel dont nous n’avons pas besoin (gants et chaussettes de rechange…) car nous savons que cette journée sera la plus dure du voyage pour eux. 5845m avec 35kg sur le dos, en baskets et dans la neige, avec ces pentes qui nous cernent, comment vont-ils faire ?
Janbu et Kadje sont partis une heure en avance pour préparer la voie et installer des cordes fixes dans le passage le plus délicat (les 150 derniers mètres à priori). Nous les apercevons au milieu d’une pente de neige qui nous laisse deviner un itinéraire possible jusqu’aux barres rocheuses qui ceinturent le haut du cirque, après ça parait impossible de passer sans équipement adapté…
Il est 8h du matin et nous sommes à 5500m. Nos deux « boss » ont bien bossé (hé hé) et ont taillé des marches dans la neige gelée à partir du moment où la pente dépasse les 30°. C’est alors que nous apercevons, sur la droite d’un éperon rocheux, des personnes qui descendent en rappel depuis le haut. Le col est donc là, à gauche de ces barres de 50 à 100m de hauteur qu’il faudra contourner par le bas au cours d’une traversée d’au moins 500m qui semble très très exposée… Mais Janbu est confiant…
Nous dépassons rapidement les porteurs dans cette pente qui se redresse progressivement, et rejoignons Janbu et Kadje qui taillent encore et toujours des marches à grands coups de piolet. Nous sommes bloqués et proposons de les relayer dans leur labeur. Nous nous équipons de crampons pour être plus à l’aise et tailler aussi avec les pieds. Et c’est là qu’on comprend pourquoi on les a rattrapés aussi vite : c’est aussi crevant de tailler les marches que de monter ! Au bout de 2 marches, on est complètement essoufflé et on n’a pas monté d’un centimètre, au contraire on a fait tomber de la neige et de la glace sur la marche d’en dessous, qu’il faut dégager à grands coups de crampons… La galère !
Nos deux guides sherpas sont heureux de trouver des relayeurs dans cette tache qu’ils effectuent depuis plus d’une heure, et nous laissent volontiers tailler en nous félicitant pendant qu’ils s’accordent une pause bien méritée.
Quand à nos porteurs, c’est une autre histoire… Certains ont des chaussures de montagne plutôt âgées, d’autres des baskets mais la majorité est chaussée d’espèces de « palladium » achetées à Lukla juste avant notre départ auprès de l’organisation « porter-progress ».
Comment soutenir I-Trekkings ? En partageant cet article par exemple ou en effectuant vos achats chez nos partenaires (Merci de ne pas cliquer pour cliquer. N’achetez que si vous avez un besoin et pensez à accepter les cookies de nos partenaires dès l’arrivée sur leur site). Il y a bien d’autres façons de soutenir I-Trekkings. Pour en savoir plus, c’est par ici.
Le top de nos partenaires pour vous équiper :
- Alltricks : BlackWeek sur plus de 22 000 produits
- CimAlp : Jusqu’à -40% sur les vestes techniques et les doudounes jusqu’au 18 novembre
- Direct-Running : Before Black Friday – jusqu’à-70%
- Ekosport : 20€ offert par tranche de 100€ d’achat
- I-Run : Running Weeks. Jusqu’à -40% sur le site
- Les petits Baroudeurs : La Boutique Outdoor pour équiper vos enfants et petits enfants.
- Lyophilise & Co : Lyofolies jusqu’à -15%
- Snowleader, The Reblochon Company : C’est la rentrée, -15% supplémentaire sur tout les accessoires snow
- Trekkinn : 10 000 bons plans
Le top de nos partenaires pour partir en rando et en trekking :
- Allibert Trekking (Agence de voyage basée dans les Alpes, spécialiste rando, trekking et voyages d’aventure)
- Atalante (Spécialiste du voyage d’aventure, de la randonnée et du trek)
- La Balaguère (randonnées dans les Pyrénées et à travers le monde)
- Randonades (Randonnées dans les Pyrénées et rien que les Pyrénées)
- Travelbase (Agence de voyage pour des aventures à vivre en groupe ou en solo, et avec l’esprit Travelbase)
Tant qu’ils sont dans la pente de neige ça va grâce aux marches, mais ensuite pendant la traversée en mixte rocher/glace ça devient vraiment dangereux pour eux.
Pendant ce temps les personnes sont descendues en rappel depuis l’autre coté. J’ai vu un porteur basculer en arrière pendant son rappel, entrainé par sa charge. Il s’est blessé à un doigt en tombant et perd pas mal de sang, mais sans gravité, et une bonne partie de son chargement est tombé de sa hotte, dévalant sur plusieurs centaines de mètres les couloirs de neige et de roche situés sous le rappel.
Leur guide nous dit qu’ils sont partis à 5h du matin du camp situé de l’autre coté à 5400 m d’altitude, et il est 12h lorsque nous les croisons. Ils ont donc mis plus de 7h à monter les 550m de dénivelé qui les séparaient du col et descendre ce rappel… ils nous expliquent qu’ils ont du équiper de cordes fixes plusieurs centaines de mètres tellement les conditions sont mauvaises de l’autre coté, encore pire que du notre. Ils n’ont pourtant que 3 porteurs et 3h d’avance sur nous, en plus le temps devient menaçant.
Tout ça ne s’annonce pas très bien et Janbu semble perdre confiance.
Nous arrivons au pied de la partie finale, à 5700m d’altitude. Il ne nous reste plus que les 150 derniers mètres à franchir mais ce sont les plus difficiles et les plus exposés.
3 marches de glace sont particulièrement dangereuses et situées au dessus d’un ressaut rocheux important, pas question de tomber ici ! Nous aimerions les équiper d’une petite corde mais apparemment Janbu a besoin de toute la longueur pour la partie finale de l’ascension. Alors avec Seb nous nous plaçons en dessous des marches et tenons les pieds des porteurs à chaque pas, ancrés sur nos crampons et piolets au-dessus de 200m de vide… Ambiance !
Nous avons fait passer seulement 3 porteurs lorsque nous voyons Janbu et Kadje redescendre. Ils décident de ne pas passer aujourd’hui. Il est trop tard (12h passées) et la météo menace. Nous allons redescendre au pied de la pente de neige à 5400m en laissant un maximum d’affaires ici. En haut, ils vont équiper en cordes fixes, et nous retenterons très tôt demain matin, plus légers et plus rapides.
Nous nous concertons avec Gérard. Si on ne passe pas par ce col, il faudra redescendre toute la vallée par laquelle nous sommes arrivés puis contourner le Kusum Kang Guru par le sud pour rejoindre le camp de base du Mera : au bas mot, 6 jours de marche en ne trainant pas, au lieu de 3 si on passe par ce satané Amphu Lapste qui se refuse à nous.
J’ai très envie de tenter quand même ce col le lendemain, car je n’ai aucune envie de refaire la vallée de la Dud Koshi une 4° fois et de devoir speeder tout en redescendant à 2600m, alors que de l’autre coté nous resterions dans une haute vallée à 5000m que je ne connais pas et qui est certainement magnifique.
Seb a un tout autre point de vue et considère que nos porteurs ne sont de toute façon pas suffisamment équipés pour passer en sécurité. De plus ils sont fatigués, certains sont malades (toux et maux de tête, fréquents à cette altitude). Les exigences touristiques de 3 occidentaux ne justifient pas les risques que nous leur ferions prendre.
Je suis totalement convaincu par ce discours, Gérard partage ce point de vue, et d’un commun accord nous disons à Janbu que ce n’est pas la peine de laisser du matos : nous passerons par Lukla.
Il faut maintenant aider les porteurs à descendre les marches que nous avons eu du mal à leur faire monter ! Cette fois je me place au-dessus d’eux et les tient par la main, accroché de l’autre à mon piolet bien ancré dans la neige durcie… C’est encore plus impressionnant qu’à la montée car ils font face au vide, et il faut voir avec quelle force ils me serrent la main et se cramponnent désespérément à cette seule prise « sûre »… J’en suis bouleversé, car ils n’avaient pas laissé paraître qu’en fait ils sont morts de trouille dans ce passage beaucoup trop technique pour eux.
Tout se passe bien, et nous nous retrouvons tous sains et saufs en haut de la pente de neige. Maintenant que la pression est retombée et que nous n’avons plus de raison de stresser, certains porteurs décident alors par jeu (et par facilité !) de balancer matelas, tapis de sol et sacs de couchage dans la neige. Je m’essaie à glisser sur un tapis de sol comme sur une luge, mais ça ne descend pas assez et la neige est profonde… Certains porteurs m’imitent, d’autres ne se prennent pas au jeu et pestent en tombant sur le cul tous les dix pas. Dégouttés, ils finissent par trainer leur hotte dans la neige derrière eux, ça vaut le coup de voir ça !
Et nous revoici donc à notre point de départ de la matinée, au camp de base de l’Amphu Lapste, vaincus par la montagne après 9h de bataille.
Janbu me confie qu’il préfère la tournure qu’ont pris les évènements, car il n’a pas souscrit d’assurance pour les porteurs : cela coutait 50$ par porteur, et il n’a pas voulu les investir.
Cela nous aurait mis dans une très sale situation si l’un d’eux avait eu un accident. Je n’avais pas conscience de ce problème, et en y repensant j’en ai froid dans le dos… En tant qu’employeurs – au noir – de ces porteurs, on aurait pu avoir de gros ennuis, et ce n’est pas notre assurance personnelle à la FFME qui aurait pu nous sortir de ces sales draps !
Enfin tout finit bien, nous nous retrouvons tous sous nos tentes alors que la neige se remet à tomber abondamment.