Reprise de mon circuit pédestre. Le réveil fut moins dur après une bonne journée de repos. Remis d’aplomb, j’attaquai la seconde partie de mon programme en remontant les Landes, pour atteindre les frontières girondines dans les trois jours, soit 60 kilomètres.
Pour une fois, j’eus du regret à partir. J’éprouvais une curieuse impression de béatitude, dans ce cadre émeraude où l’arbre et l’herbe sont respectivement roi et reine. L’existence d’une possible civilisation humaine au-delà de cette forteresse végétale m’effleurait à peine. Le seul élément qui s’incarnait à mes yeux était une vaste pelouse sans odeur polluante et à l’arôme délicat de la rosée matinale. La proximité d’un étang et du parc incitait à une douceur cérébrale, sans débordement.
Je reçus le privilège de Stéphane, mon hôte, de me faire conduire en voiture jusqu’au bout du chemin forestier, à la limite de la route départementale. De là, après une bonne poignée de mains, m’alourdissant de mon gros sac à dos, je partis à travers de hautes herbes, sur une route bien fréquentée.
Sur sept kilomètres, je connus essentiellement la compagnie très agréable des sous-bois. Pourtant, au terme d’une montée qui m’enduisit de sueur, je vécus une aventure inhabituelle. Effectuant une halte au bord du chemin, sous l’ombre inespérée de quelques arbres, je commençai à me restaurer avant l’heure du déjeuner. A peine avais-je entamé une pêche que j’aperçus au loin, sur la même chaussée, une fourgonnette de la gendarmerie s’arrêter à l’entrée d’un sentier ensablé. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant deux gendarmes en descendre et, au pas assuré, s’avancer vers moi. L’un d’eux me questionna d’emblée : « Bonjour. Que faîtes-vous au bord de la route ? » Je balbutiai une réponse, compréhensible mais intimidée. Puis ils voulurent chacun savoir quelles étaient mes intentions, d’où je venais, pourquoi j’étais seul, où je dormais le soir. Bref, des questions dérangeantes me concernant.
Ils me réclamèrent ma pièce d’identité. Un gendarme la saisit et retourna à leur véhicule, pour vérifier mon identité. Je demeurai seul avec l’autre. Encore il me cribla de questions. Je demandai si j’avais commis quelque chose de répréhensible ; il m’assura que non. J’ai dû expliquer en détail mon itinéraire à travers les Landes, quelles raisons m’avaient incité à cette aventure. Mon nombre de kilomètres parcouru adoucissait sa position stricte.
Celui qui s’était éloigné, revint en me tendant ma carte d’identité. « C’est bon », dit-il simplement pour notifier qu’après interrogation de leurs fichiers, aucun reproche ne pouvait m’être fait. Son collègue lui synthétisa mon projet pédestre. Leur faciès sérieux se mua soudain en un étonnement grandissant. Ensemble ils sifflèrent d’admiration et, en s’en allant, me saluèrent, puis me souhaitèrent bon courage.
Ce contrôle de routine, loin d’être anodin, avait eu au moins le goût de pimenter une étape quelque peu monotone. En début d’après-midi, j’atteignis Commensacq. Je me servis d’un abri de bus aux murs griffonnés comme lieu de restauration.
Sur la carte IGN, ce village tranquille représente l’angle droit entre Sabres et Labouheyre. La moitié du chemin, ainsi, était réalisé, soit sept à huit kilomètres. La suite ne serait qu’une simple formalité à accomplir.
Aux abords de Labouheyre, sur la butte d’un rond-point où je m’installai, j’allumai mon téléphone portable. D’emblée, il vibra : un message en attente.
Mes futurs hôtes me demandaient à quelle heure je pensais arriver. Je les appelais. J’eus un homme au téléphone. Lui et sa famille étaient sur la plage de Biscarosse, prêts à retourner sur Labouheyre afin de me recevoir. Je lui annonçai une demi-heure de parcours avant de franchir le seuil de leur maison. Cela leur semblait suffisant. Je raccrochai après nous être souhaité « à tout à l’heure ! »
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Labouheyre est une étape importante pour Compostelle et un point de convergence entre les grandes villes régionales. Son église datant du 15è raconte une histoire où les pèlerins affluent. Depuis une vue satellite, cette ville évoque un hochet. L’océan n’est qu’à une vingtaine de kilomètres, et cela se ressent fortement dans les narines, jusque dans les bronches ! Considérée comme « la porte sud » du Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne, la commune est plaisante pour vagabonder ou y vivre.
« Le Pacha » est une adresse originale et agréable pour effectuer une halte, voire y séjourner plusieurs jours durant. Mes hôtes ont fait le choix de fuir Paris, au bout de dix-huit ans, et de s’installer dans un ancien établissement hôtelier à la sortie de la ville ; l’idée de proposer des chambres d’hôtes leur est venue naturellement. Toutes leurs économies y sont passées. Résultat ? Sept chambres à l’étage, une piscine à l’extérieur, un sauna et un jacuzzi à l’intérieur !
Après sept heures de marche et une quinzaine de kilomètres dans les jambes, ce n’était pas de refus de piquer une tête dans la piscine, sous un soleil de plomb. Allongé confortablement sur un transat, en position « séchage rapide », une canette de bière en main, je sympathisai vite avec les propriétaires.
Depuis le 1er avril, jour de l’ouverture du « Pacha », du nom de leur chien, mes hôtes ont déjà vu défiler de nombreux étrangers, dont des hollandais.
Ce nouveau style de vie, bien que séduisant, implique un courage et une profonde remise en question quant à ses amis, ses relations professionnelles, etc. L’adaptation fut identique pour leurs trois fils. L’aîné, de façon naturelle, est devenu vite populaire dans son nouveau lycée.
Or tout est à gagner ou à conquérir. M’invitant à leur table, dans le jardin, nous déjeunâmes ensemble, sous une brise légère. A l’apéritif, des voisins vinrent ; leur fort accent du sud illustra l’ambiguïté des parisiens avec leur nouveau voisinage. En les écoutant, l’intégration fut en effet difficile. A juste titre, des natifs continuent à les voir d’un mauvais œil, créant diverses situations saugrenues.
Des grillades furent au menu du soir. La femme d’origine portugaise prépara avec enthousiasme une des spécialités de son pays. Fan de foot, elle délaissa la table pour assister au duel entre les Bleus et le Portugal. J’engageai alors mieux la conversion avec le mari, partageant avec moi la même idée défavorable sur le football.
Ce qui m’a particulièrement séduit dans cette ambiance festive, et non commerciale, fut la continuité de nos échanges amicaux avec mon hôte. Je le suivis au salon où il me fit servir du café bien serré. Encore il me narra son expérience nouvelle, résolument convaincu qu’il s’agit là de la meilleure chance offerte pour l’éducation et l’avenir de leurs enfants. Je pris congé de lui à l’approche de minuit.
Le four extérieur en pleine nuit continuait encore à chauffer que dormir fut insupportable. Contraint à me lever à maintes reprises afin de me déshydrater, je peinais à trouver un sommeil réparateur. Même la fenêtre grande ouverte, je m’agitais en dehors des draps et me tordais dans tous sens pour chercher la position adéquate à mon repos.
Je suis un passionné de montagne. J’aime prendre de l’altitude, à l’instar de ceux qui prennent du recul.
Ma pratique du trek se compose en solitaire depuis de nombreuses années, en semi-autonomie sur plusieurs jours, souvent l’été, rarement l’hiver. Photographe passionné, j’apprécie de faire des reportage-photos pour exprimer la beauté des paysages, à califourchon sur les plus hauts cols. Aussi, je retranscris par écrit toutes mes aventures pédestres, avant de partager ces découvertes par le biais de mes sites dédiés au voyage.
Nul besoin de consulter un spécialiste en cas de déprime ou de crises d’angoisse, la randonnée en montagne est mon médicament naturel !
Mes sites à consulter pour continuer ensemble l’aventure :
* Photos de voyage
* Carnets de voyage
* Annuaire de voyage
* Handi-cv.com sur les sommets