Murat-le-Quaire -> Lac de Servières – 15,5 km

L'Auvergne est comme une femme : à peine est-on dans ses bras chaleureux et verdoyants, ou au creux de ses formes arrondies, qu'on refuse de les quitter...

Focus Rando :Murat-le-Quaire -> Lac de Servières – 15,5 km

Le ciel matinal se couvrait et encourageait moyennement à de longues balades. Il suffit d’à peine une heure, toutefois, pour qu’un léger dégagement fut perceptible, jusqu’à un exil progressif et total de la couche nuageuse, confirmant ainsi la canicule promise.

Sitôt le petit-déjeuner achevé, en même temps que quelques courageux lèves-tôt, je me préparais à solder mon bref séjour auprès du patron, en supplément aux arrhes envoyées deux semaines auparavant. Par simple curiosité, il me questionna sur ma destination du jour. Nous nous lançâmes ainsi dans un dialogue sur les sites touristiques à visiter et je dérivai vite sur mon projet de concevoir des carnets de voyage, sous forme d’un site Internet. L’homme face à moi s’exclama ; il serait ravi de recevoir l’adresse Internet et, sans doute, l’insérer dans les liens du site consacré à « La CaBanne ».

Alourdissant le dos par mon gros sac, j’allais partir. Chose étonnante depuis mon débarquement en Auvergne, je serrai la main au patron. Par accoutumance, je lâchais un simple Au revoir au gérant de l’hébergement en cours, sans autre cordialité excessive. Or, avec ce gîte-auberge de montagne ne ressemblant à aucun autre, je me surpris à accomplir un geste amical. Se pourrait-il qu’une occasion de revenir interviendrait prochainement ?

Je pris congé du patron et m’en retournai d’un pas vif. A la sortie de l’auberge, je débouchai sur la route par laquelle j’étais arrivé la veille. Ainsi m’élançai-je dans ma première journée de circuit libre, n’ayant réservé moi-même que les hébergements à venir. Le lac du Pré Cohadon devint visible dès le détour de quelques bosquets. Ce petit plan d’eau est un régal pour les yeux et pour la pêche.

A quelques pas de là, une voie coupait un sous-bois dont l’odeur exaltant des sapins me chatouillait agréablement les narines. A une embouchure, la forêt dominicale de Murat-le-Quaire s’ouvrait sur une pente montante à pic. Cette traversée s’effectuait par un chemin étroit et raviné. A son terme, une clôture longeait des pâturages d’estive de moutons.

Après ce passage et celui d’un champ, j’entamai l’escalade d’une inclinaison herbeuse qui supportait la Banne d’Ordanche, reste d’une cheminée centrale d’un ancien volcan. D’une altitude de 1500 mètres, ce haut lieu touristique était également un terrain privilégié pour l’aéromodélisme. Atteignant le sommet du pic rocheux par des escaliers aménagés, dans la foulée de plusieurs autres dizaines de curieux, je m’installai sur un bloc de pierre près d’une table d’orientation au milieu des hauts pâturages. Ayant déchargé ma lourdeur sur mes épaules, je croquai une pomme avant de pouvoir visiter les alentours. Un vent fort et frais soufflait en abondance sur les hauteurs. Plus que jamais, le soleil prenait possession des paysages et imposait son ciel azur. Hélas, les mouches et les guêpes imposaient également leur présence. La pomme croquée jusqu’à son trognon tellement j’étais assoiffé, j’amorçai mon tour d’horizon des vues plongeantes. Je fus saisi par l’immensité des perspectives. Au sud-est, je reconnus de loin les sites déjà visités, depuis Murat-le-Quaire jusqu’au Sancy. En dépit d’une brume légère stagnant au-dessus des plaines, s’étirait la Bourboule. Au nord, je scrutai les sites à explorer les prochains jours. Je me rendis compte ici tout le chemin parcouru et à parcourir. J’acquis la certitude que la folie s’était définitivement emparée de mon âme meurtrie.

Du coup, je me saucissonnai à nouveau avec mon sac et poursuivis mon pèlerinage. Descendu de la Banne d’Ordanche, je me baladai sur un chemin campagnard qui menait au lieu-dit « Ferme du Puy May », longeant le puy du même nom. Face à une ferme en piteux état, exhibant ses ruines éventrées, un troupeau de vaches salers s’occupaient à paître dans un champ. Elles me fixèrent du regard, m’examinèrent, scrutèrent tous mes mouvements. Leur curiosité débordante m’amusait au point de sceller sur pellicule leurs mimiques qui se mariaient admirablement avec leur faciès. Dans la même lignée du chemin présent plus loin, je fis la connaissance de nouvelles races de vaches, toujours aussi ébahies par ma venue.

En début d’après-midi, j’abordai la rive ouest du lac de Guéry. Proche d’un départ de randonnée-découverte, la Maison des Fleurs s’illustrait derrière une rangée d’arbres. L’occasion me fut donnée de découvrir de long en large ce musée floral, recelant de nombreuses variétés d’espèce de fleurs de montagne. Je jouissais d’une bonne luminosité pour procéder à de la macro. Je parcourus ce jardin extraordinaire et écologique, entre un florilège de plantes et les feuillages majestueux. Flâner dans cet ensemble fleuri et coloré par temps clair équivalait à évoluer dans une jungle tropicale.

En fin de visite, un nouveau tour s’effectua jusqu’au lac de Guéry. Trois circuits étaient fléchés pour longer l’étendue d’eau : je décidai d’emprunter le sentier le plus court, non sans d’abord engloutir le sandwich préparé par le patron de « La CaBanne ». Je m’interrompis sous un sous-bois, pour me déchausser. Quel délice de laisser tremper ses pieds dans une eau fraîche ! J’ai dû patauger une dizaine de minutes à quinze mètres environ de la rive. L’heure ne cessant de tourner, il me fallut abandonner ma baignade à mi-genoux pour partir à la recherche d’une troisième curiosité locale. En remontant du côté de la Maison de la Flore, je gagnai une aire de stationnement.

Finalement, j’aboutissais au but secret de mon pèlerinage. En cela, je vais vous présenter, cher lecteur, deux grandes dames. Certes, elles bénéficient d’un âge très respectable, environ des milliers d’années d’existence, et ont subi nombre de déformations à travers les époques et par l’usure du temps.

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Or elles se tiennent encore droites et conservent toute leur fierté. Elles ont tant à raconter sur leurs origines et leur histoire exceptionnelle, qu’elles en deviennent bavardes ! Leur mémoire est si excellente que, secrètement, elles doivent déjà connaître notre avenir à tous ! Du coup, elles évoquent parfois deux sentinelles veillant jalousement sur un trésor inestimable.

Face à moi, deux roches se dressaient hardiment dans un horizon parsemé d’éclaircies et dominé par le lac de Guéry. Voici à ma gauche la roche Tuilière et à ma droite, la roche Sanadoire. A elles seules, elles dominent une ancienne vallée glacière ; elles-mêmes proviennent des restes d’une cheminée de deux anciens volcans. La particularité de ces roches, ressemblant à de gigantesques canines, est d’ailleurs leur composition chimique différente, les estimant comme deux fausses jumelles.

L’une de ces roches a même fait l’objet d’un unique chapitre de mon roman en cours d’écriture. Il est amusant de constater comment la Nature peut être capable de produire des merveilles : est-il pensable qu’une forteresse ait pu être construite sur Sanadoire, durant la guerre de cent ans, sachant qu’aujourd’hui le sommet de ce cône est jonché de fissures et de pics rocailleux ? La sensation qui m’enivrait à l’instant, lors de mon observation de ces monuments rocheux, me donnait l’impression de retourner à des milliers d’années en arrière, au moment de leur formation. Juchées l’une face à l’autre, protégeant l’entrée à une vallée mythique, elles renvoyaient une image solide, bien cadrée, imprenable. De belles inspirations me traversait l’esprit, agrémentées d’une créativité sans borne quant au tableau s’imposant magnifiquement à mes yeux. Sur leurs flancs, de superbes orgues basaltiques reflétaient leur beauté unique et, à leurs pieds, pullulait une dense végétation.

Je soupirais : il était temps maintenant de songer à joindre le gîte suivant. Ma carte indiquait six kilomètres en direction du nord. J’attaquais ce nouveau circuit par un sentier du GR 30, à partir du col de Guéry. Un dénivelé ardu traversait un bois d’épicéas jusqu’à une propriété privée. Selon mon topo-guide, l’autorisation de passage, en longeant la clôture de gauche, n’est valable que pour les randonneurs pédestres. Le balisage sur un chemin très boueux s’enchaîna au col de l’Ouire (1436 m). D’ici, je découvris, sur la perspective du Puy de l’Ouire, les fameuses roches Tuilières et Sanadoire.

Par une pente inégale et caillouteuse, je gagnai avec peine un plateau qui, plus loin, ouvrait sur la lisière supérieure de la forêt de Guéry. Je me permis une pause, le temps d’observer le ciel chargé de semences grises. Avec dégoût, je reniflais une atmosphère orageuse. Puis, reprenant ma folle route, j’entamai un long itinéraire aux abords de cette dense forêt. Ce trajet m’apparaissait interminable ; de temps à autre le chemin effectuait des percées dans le bois et se poursuivait au ras d’une clôture de fils barbelés. L’odeur des pins emplissait mes bronches d’un parfum délicat. Le ciel s’obscurcissant crachait son venin mais se faisait vite supplanter par la générosité de quelques éclaircies. Ce combat céleste allait durer un sacré bout de temps. Qu’il pleuve légèrement, cela ne me gênait absolument pas dans la mesure où cela me rafraîchissait ; par contre je dénigrais vigoureusement toute forme d’averses soudaines et étendues.

Une zone verte, vide de taillis, m’encercla à l’issue de la forêt. L’immensité et le silence du champ me poussèrent dans une solitude extrême. Je me crus perdu, la fatigue me saisissant, pleine de traîtrise. Depuis quelques kilomètres déjà, je n’apercevais plus les rappels directionnels faisant la fierté des GR. A peine distinguais-je le balisage des pastilles jaunes presque effacées sur les grosses pierres. J’étais si pressé d’atteindre ma prochaine étape, que je ne faisais plus attention à ce qui m’entourait. Seul un escabeau gravissant une clôture, à ma droite, me précisait la route à suivre. La pente descendante à pic rejoignait, une fois encore, la lisière de la forêt de Guéry. En contrebas, un nouvel escabeau m’invita à longer le bois par la gauche. Une nouvelle grimpette m’amena à une butte, d’où il me sembla voir, au-delà des pins, un coin d’eau bleutée vers la vallée : le lac de Servières (1200 m) n’était distant désormais que d’une poignée de mètres. Du haut du chemin, j’étudiai des silhouettes humaines se profiler clairement. J’amorçai ma descente d’un pas léger et la joie au cœur, entre les grosses pierres mouillées et les creux terreux glissants. J’abordai la rive est du lac à 19 heures précisément. En longeant cette magnifique étendue d’eau, enfouie dans un cratère éteint profond de 25 mètres, je me mis à la recherche d’un coin stable et tranquille pour pouvoir barboter mes pieds meurtris.

Une dizaine de minutes passant, je les ôtais du rebord et les laissait sécher sous un soleil déclinant. Cette douceur du soir me permit de partir dans une réflexion surprenante, au sujet des topo-guides. Inutile de les prendre comme valeur d’Evangile : généralement ils manquent de précision ou de repères aux moments où nous avons le plus grand besoin. Leur résumé sur une piste de six kilomètres environ me fait bondir, encore maintenant, de stupéfaction ! Leur manière d’indiquer la direction est simpliste par rapport au terrain réel.

Je me chaussai et me chargeai aussitôt les épaules de mon sac : il devenait urgent de débarquer à mon hébergement du soir. Le gîte d’étape était localisé en bordure de la D 983, face à la forêt qui conduisait au lac de Servières. Les portes et fenêtres étaient grandes ouvertes. A peine avais-je traversé la route, qu’un éclat de voix jaillit depuis ce qui semblait être la cuisine. La propriétaire du gîte m’accueillit par des engueulades qui, d’une voix tonnante, braillait ainsi : « Ah ! Le voilà qui arrive ! » Etait-ce mon retard qui la mettait de cette sorte en émoi ? J’entrai dans une vaste salle où des randonneurs prenaient leurs repas. Au comptoir, je me présentai. Depuis la cuisine, une femme sortit en coup de vent. Je reconnus sa voix : la même qui me reçut en écho dehors. Conservant toujours son intonation grave et bruyante, elle me reprocha ma venue tardive et m’expliqua qu’en étant une communauté, tout le monde devait prendre ses repas ensemble, à la même heure. J’avais juste le temps de me doucher alors. « Non ! Vous n’aurez pas le temps de vous doucher ! » m’assura-t-elle expressément en me demandant de la suivre.

Sur ce, elle m’accompagna au sous-sol par une arrière-salle vitrée. A l’entrée des chambres, je me déchaussai sur son insistance et elle me fit pénétrer dans un couloir donnant sur trois chambres comprenant chacune cinq lits. La mienne était située au bout du couloir. Un lit superposé était proche des toilettes, tandis qu’un second lit superposé était adjacent à la porte de sortie donnant sur l’extérieur ; enfin le cinquième lit était ajusté perpendiculairement au précédent. En s’en allant, la patronne m’octroya cinq minutes de répit avant de prendre mon repas en commun avec le reste des randonneurs. Passé ce délai, après m’être rapidement changé et en conservant ma sueur de la journée, je revenais dans l’immense salle à manger. Je m’installais, selon les directives de la femme, à une table en bois. Je compris vite qu’un couple de randonneurs était également attendu. Accablé par huit heures de marche, je m’effondrai sur la chaise ; je me désaltérai avec le pichet de vin servi par défaut. Mes deux compagnons de table pointèrent leur nez immédiatement, s’installant face à moi. Nous entamâmes tardivement la conversation car nous essayions de reprendre notre souffle. Je les sentais éreintés par une longue étape à l’instar de la mienne. L’homme et la femme me semblaient bien ancrés au cœur de la quarantaine. En les écoutant parler sans encore m’adresser la parole, il était possible de comprendre qu’ils n’étaient pas mariés, tout en ayant, chacun de leur côté, une vie de famille et des enfants.

Par des indiscrétions, j’en sus davantage sur leur compte. Ils débarquaient directement de Paris en voiture et avaient atterri à la Bourboule dans la matinée. Ils étaient partis en randonnée en début d’après-midi, pour accéder au lac de Guéry. Visiblement, à partir de ce plan d’eau, nous avions suivi le même parcours du GR 30. Je les avais devancés à un quart-d’heure près. Au cours de notre dîner de raclette, accompagné du Bleu d’Auvergne, nous nous échangeâmes quelques paroles d’amabilité, afin d’entretenir la conversation. Leur prochaine destination s’orientait différemment de la mienne, bien que nos routes seraient identiques dans les premiers kilomètres. Notre but commun et caché, en revanche, était de savourer un repos fort mérité ce soir. Je percevais un excès de fatigue poindre à mon horizon.

En fin de repas, j’allais traverser la véranda pour descendre aux chambres. Soudain, à travers la baie vitrée, je fus ébloui par une amorce de coucher de soleil. La patronne cria : « Hé ! Venez tous ici ! Venez voir le plus beau coucher de soleil de la région ! » Enthousiasmé par ce spectacle, je courus à mon dortoir et préparai à la hâte mon matériel de photo, étalé sur le lit. Ensuite, mon trépied planté sur la dalle à l’extérieur, surmonté de mon Réflex, me voilà paré à saisir ces instants inoubliables. Hélas ! le temps me manquait pour élaborer mes réglages et, de surcroît, des résidus de nuages isolés plombèrent parfois la descente de ce rare phénomène astral. Quelques clics, nouvelle pellicule et, hop ! tout était dans la boîte.

Il était superflu de consacrer ma soirée ou mes pensées à l’étape suivante : tout était déjà défini, l’itinéraire comportait peu de dénivelé mais beaucoup de marche. Cette nuit, je m’endormis facilement comme une masse.

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