Précisons tout de suite que nous parlons ici de kayak de mer de randonnée. Il s’agit d’une embarcation fermée, rigide ou démontable, toujours longue d’environ 5 m, et destinée à naviguer en itinérance, parfois à distance d’un abri. Elle doit être homologuée pour cela par les autorités. Il existe diverses pratiques possibles avec un kayak de mer (surf, rock-hopping, …). Certains kayaks sont plus adaptés à telle ou telle pratique et nos conseils, ici, privilégient la pratique de la randonnée.
1/ Ne pas précipiter son achat
Le kayak de mer n’est pas une activité extrêmement technique. Mais contrairement à la marche, la maîtrise des bases n’est pas innée. Prendre le temps de quelques jours d’apprentissage auprès d’un professionnel, c’est s’assurer d’apprendre les bons gestes de bases, mieux appréhender le milieu, ses dangers mais aussi les possibilités offertes par ce navire. Ne pas prendre ce temps d’apprentissage c’est aussi prendre le risque de faire un mauvais achat. Celui d’un kayak dont on n’aura pas été capable d’appréhender les défauts, celui d’un kayak de débutant avec lequel on ne pourra pas progresser ou, au contraire, d’un kayak trop technique dans lequel on ne sera pas à l’aise. S’il n’y avait qu’un conseil à suivre, ce serait celui-là car acheter un kayak est un investissement conséquent, que l’on fait généralement pour de nombreuses années.
2/ Définir son programme
Un bon choix part forcément d’une bonne analyse de ses besoins. Une analyse aussi objective que possible qui prenne en compte la durée des navigations que vous envisagez (à la journée avec quelques weekends de temps à autres ou sur plusieurs semaines), le type de navigation que vous aimez (plutôt de grandes traversées au large ou alors au plus près de la côte, à explorer chaque recoin), le niveau de votre maîtrise technique (vous cherchez un kayak très performant ou plutôt rassurant), …
3/ Prendre le temps de l’essai
Rares sont, aujourd’hui, les mauvais kayaks. Mais ceux qui ne vous conviendront pas sont innombrables. Question de feeling, de confort, de comportement du kayak face à telle ou telle conditions. Les vendeurs sérieux proposent toujours des essais. Alors essayez avant d’acheter. Prenez le temps d’une balade sur l’eau, si possible par conditions un peu agitées et ventées, comparez plusieurs modèles si possible, cela facilitera votre choix.
4/ Choisir un kayak court, long, large, étroit ?
Les dimensions d’un kayak conditionnent ses aptitudes. Plus il sera large, plus il sera stable mais plus il demandera d’énergie à propulser. Un kayak possédant un grande longueur de ligne d’eau – ligne de flottaison – sera peu manœuvrant mais demandera moins d’efforts qu’un kayak court pour avancer et garder son cap. Pour randonner, les kayaks longs d’environ 5m sont à privilégier. Non seulement pour leurs capacités à « aller droit » mais aussi pour leurs capacités de charge. Attention quelques centimètres de plus ou de moins peuvent énormément changer de choses ! La hauteur de pont – hauteur entre le fond et le haut de la coque – définit aussi les capacités de charge d’un kayak, ainsi que la place pour les cuisses et donc le confort pour les grands gabarits. Mais un kayak haut de pont offre une plus forte prise au vent, ce qui est un réel problème quand les conditions deviennent délicates. Les pagayeurs les plus aguerris n’oublierons pas qu’un pont arrière bas facilite l’esquimautage.
5/ Bien choisir sa coque ?
A chaque forme de coque ses caractéristiques. Plus le fond de la coque est plat, plus la sensation de stabilité à l’arrêt est grande. On parle de grande stabilité primaire. Hélas les coques très plates deviennent instables lorsque la mer s’agite. Il faudra donc chercher du côté des coques arrondies pour obtenir une bonne stabilité secondaire. La coque à bouchain vif, quant à elle, est directement héritée des formes inuits. Ses flancs très marqués permettent de facilement « poser le kayak sur la gîte », un geste technique qui consiste à pencher le kayak pour tourner rapidement.
6/ Choisir une forme anglaise, suédoise ou américaine ?
Le milieu de l’hiloire correspond à la partie la plus large du navire. Selon que le designer à positionné cette partie exactement au milieu du kayak, plutôt à l’avant ou plutôt à l’arrière on obtient successivement une forme américaine, anglaise ou suédoise. Cette position influe aussi sur le caractère du kayak. Les formes américaines donnent des kayaks faciles à manœuvrer, stables, peu directeurs – c.a.d qui ne vont pas facilement droit – et peu rapides. Les formes anglaises – dites aussi fish form -donnent des kayaks directeurs, peu stables et au rendement efficace tandis que les suédoises offrent une meilleure stabilité et manœuvrabilité au détriment du rendement. Attention, une marque anglaise ne produit pas forcément que des formes anglaises !
7/ kayak gironé ou pas ?
On dit d’un kayak qu’il est banané ou gironné (rocker en anglais) quand ses lignes se relèvent aux pointes. Un kayak gironné offre une entrée dans les vagues plus douce, tape moins dans la houle mais cette caractéristique provoque également un caractère plus manœuvrier pas toujours idéal en randonnée, c’est une question de goût personnel.
8/ Gouvernail ou dérive ?
Le gouvernail, manipulé à l’aide de pédales sert à tourner le kayak. Avec un tout petit peu de technique on peut facilement apprendre à se passer de cet accessoire qui constitue un point de fragilité et ralentit la progression. La dérive, quant à elle, a une toute autre utilité. Quand le vent souffle à l’arrière ou de côté, le kayak a naturellement tendance a se mettre travers au vent, voire à se mettre face au vent. Il n’y a rien d’anormal mais pour pouvoir naviguer confortablement la dérive vient ajouter un ancrage à l’arrière du kayak et réduire cet effet. Accessoire fragile et qui demande un peu d’entretien, la dérive doit être prévue à la fabrication du kayak car elle est complexe à installer. Une complexité qui a un coût.
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9 Kayak en fibres, en plastique ou démontable ?
Le choix du matériau de construction déchaîne les passions sur les sites spécialisés. Pourtant chaque matière présente avantages et inconvénients. Les kayaks en fibres – de verre ou de carbone – avec leurs finitions lisses et flatteuses à l’œil ont la préférence des passionnés. La rigidité du matériau lui offre une excellente glisse et chaque coup de pagaie est transformé en mouvement. Leurs caissons sont en général parfaitement étanches. Au rang des défauts, les kayaks en fibre sont plus fragiles et nécessitent plus de soin. Leur coût est significativement plus élevés et leur bilan écologique guère brillant puisqu’ils ne sont pas recyclables.
Recyclables, les kayaks en plastiques (polyéthylène ou abs) le sont, eux. Ils sont également moins chers grâce à une production plus industrielle. Ils pardonnent plus les petits chocs ou un caractère moins soigneux du propriétaire. Autant d’atouts qui se paient par un moins bon rendement, il faut plus pagayer pour avancer, un look indéniablement moins flatteur, mais surtout un matériau très difficilement réparable.
Les kayaks démontables sont conçus sur la base d’une armature (bois, alu ou carbone) sur laquelle se glisse une « peau synthétique » en pvc ou hypalon. Ils offrent l’avantage d’être transportables dans une – grosse – valise et d’être plus facilement stockables que leurs cousins rigides. Plus solides qu’ils ne paraissent, ils demandent tout de même un peu de soin. Mais c’est surtout leurs tarifs et bien moindre efficacité qui constituent leurs points faibles.
10 Vérifier la qualité de fabrication et les accessoires
Il existe, surtout sur les modèles en fibres, jusqu’à 50 % de différence sur la facture entre deux modèles à priori équivalents. Pourtant … un kayak en fibre est un produit artisanal dont la qualité dépend du savoir faire d’équipes ultra-expérimentées qu’il faut correctement rémunérer, a fortiori quand elles travaillent en occident. La qualité dépend également des matières premières et des finitions. Si le procédé de fabrication est plus industriel pour les kayaks en plastique, toutes les matières premières ne se valent pas. Certaines marques offrant longévité, rigidité et résistance par l’emploi de matières plastiques de premier choix. Au-delà de la qualité de fabrication de la coque, c’est la qualité des accessoires – siège, cales-pieds, cales-cuisses, trappes, couvercles de trappes, élastiques, lignes de vies, … – qu’il faut vérifier. Sans oublier de s’assurer que le modèle de votre choix est bien homologué (conforme à la Div. 240).
11/ Et les kayaks doubles
Ils mériteraient un article à part entière mais retenons qu’ils sont moins manœuvrants et joueurs que les kayaks une place, qu’ils présentent une capacité de charge beaucoup plus réduite. Mais aussi qu’ils sont un choix judicieux et intéressant lorsqu’il s’agit de réduire l’effort à produire car avec deux “moteurs”, ils sont en général très efficaces.
12/ Garder un budget pour l’équipement
N’oubliez pas qu’après le kayak il vous faudra acheter tout le reste de l’équipement obligatoire et de confort : Un gilet, des feux, une pagaie, un bout de remorquage, etc. Tout ce matériel choisi avec soin contribuera tout autant que le kayak lui-même a votre sécurité et votre plaisir. Si votre budget est un peu limite, n’oubliez pas qu’il existe un petit marché de l’occasion.
Pour faire simple ?
Pour faire simple, mes conseils pourraient se résumer en un seul : prenez le temps ! Le temps d’acquérir quelques bases techniques, prenez le temps d’essayer plusieurs longueurs, largeurs, formes de coques par des conditions de mer différentes, prenez le temps de bien définir votre programme de navigation et jetez-vous à l’eau … enfin … sur l’eau !
Pour en savoir plus: Le kayak de mer, de Bernard Moulin, Ed. Le Canotier, mai 2014. La référence en français, pour tout apprendre sur le kayak de mer.
Pour faire ses premiers pas en kayak de randonnée : Unghalak
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka
Et les kayaks gonflables..?
Bonjour Grr,
Merci pour votre message. Je n’ai pas abordé les modèles gonflables car rares sont ceux à être homologués pour pratiquer la randonnée itinérante et donc permettre de s’éloigner jusqu’à 6 milles nautiques d’un abri. Au-delà de la réglementation, quelques heures de navigation avec un rigide puis avec un gonflable vous permettront de rapidement mesurer le fossé qui sépare les deux. Plus haut sur l’eau donc moins manœuvrant au vent, plus court donc moins rapide, plus large donc demandant plus d’efforts pour avancer, avec une assise moins “calée” donc ne permettant pas une gîte confortable le kayak gonflable peut toutefois être une solution ponctuelle, en lac ou par mer calme. Dans mon cercle de connaissances, pratiquant l’itinérance, je ne connais personne ayant acheté un gonflable qui ne l’ait pas revendu un an plus tard pour passer à un kayak rigide. Avant tout achat je vous invite à essayer et bien peser vos besoins. Bien cordialement