Bonjour Vincent. Moniteur-guide pour Camino kayak en Bretagne, co-fondateur de l’agence Unghalak, vous n’êtes pas un inconnu dans le petit univers du kayak de mer. Vous revenez, il y a peu d’une expédition exceptionnelle en Patagonie où vous avez passé, avec vos 5 compagnons, le cap Horn en kayak de mer. Comment est né ce projet insensé ?
Ce « Projet Cap Horn » vient de Florent, c’est un rêve d’enfant. Il en a parlé à Cédric qui a tout de suite été emballé, ensuite Raph puis David, Boris, Stan et enfin moi qui ai remplacé Julien qui s’est blessé avant le départ. Tous kayakistes passionnés, le grand Sud en général et le Horn en particulier font partie des terres mythiques qui construisent notre imaginaire et nos envies. Pour ma part, je me souviens enfant des récits d’un oncle, engagé sur le Marion Dufresne, de photos de manchots … Bien sûr, ce projet est également un hommage à l’expédition “Valley” de Mortlock, Matthews, Smith & Goodman qui s’était déroulée en 1977 avec un matériel autrement moins performant que le nôtre.
Nos lecteurs n’attendent que ça, alors ne les faisons pas languir et racontez-nous cette aventure.
La difficulté majeure de cette partie du globe est sa météo pour le moins imprévisible et violente. Il n’y a, à vrai dire, jamais de “créneau” idéal et il faut composer en permanence avec les éléments. Cela contraint à s’engager sur de longues étapes et accepter d’affronter de grosses conditions de mer. Partis de Puerto Williams le 7 décembre, nous avons aussitôt commencé par deux longues étapes dans le canal de Beagle, le Paso Picton et le Paso Goree. 65 km en deux jours, ceux qui sont déjà partis en itinérance avec des kayaks chargés savent que c’est beaucoup mais cela nous a conduit aux portes de la baie de Nassau.
Puis nous avons alors dû nous mettre à l’abri pour laisser passer la tempête avant la traversée de la baie de Nassau. Cette baie était une des difficultés majeure de l’aventure. De l’ouest, les vents canalisés par les reliefs y prennent de la puissance sur un boulevard de plus de 30 milles nautiques. Au sud-ouest, le Paseo Montellero laisse rentrer la houle antarctique. Au nord, les reliefs créent une vraie météo de montagne. Et à l’est ? Rien. Mille kilomètres d’océan avant les prochaines terres … Le 12 décembre David, notre routeur, nous annonçait une fenêtre météo qui allait nous permettre de traverser la baie et d’atteindre la crique Middle sur l’île Wollaston, après une étape de 11h. Le bivouac et le casse-croûte étaient alors plus que bienvenus. De là nous avons pris l’option d’emprunter le “Canal Washington”, un petit détroit au sud-est de l’île Bayly, et d’exploiter ainsi le vent de secteur nord et les courants de marée pour descendre sur le Horn. Malgré les creux de plus de deux mètres, cela nous a permis d’avancer au surf et de progresser de 46 km.
Le 14 décembre, après notre étape de 15h de la veille nous arrivions en vue du cap. Vent dans le dos nous progressions à près de 10km/h. Au passage du Horn, en début de soirée, les conditions de mer étaient dantesques, une houle terrible et des vents de près de 100 km/h. Le même jour, à quelques milles seulement, le navigateur Yves Le Blevec, chavirait avec son trimaran alors qu’il tentait de faire le tour du monde contre vents et marées en moins de 90 jours. Voilà qui prouve les capacités marines exceptionnelles des kayaks de mer !
Pour ma part je pense que cela témoigne surtout des exceptionnels marins que vous êtes ! Mais vous n’étiez là qu’à mi-chemin et restait à revenir à Puerto Williams. Le retour s’est-il déroulé sans encombre ?
Les choix de parcours ne se sont pas toujours avérés évident et nous avons dû affronter des conditions de vents de face difficiles, avec des rafales mesurées jusqu’à 160 km/h qui nous ont conduit plusieurs fois à nous poser à terre. Le 18 décembre, nous passions une journée sur l’île Wollaston avant de pouvoir retraverser la baie de Nassau. Une petite erreur de cap lors de cette traversée et des vents résolument contraires nous ont coûté cher en terme d’efforts. Des efforts que nous avons dû maintenir jusqu’à notre arrivée, le 23 décembre, puisque les conditions météo sont restées identiques tout au long des jours.
On imagine qu’un tel projet ne s’improvise pas ? Comment se sont déroulés les préparatifs ?
Nous sommes tous moniteurs-guides de kayak. Notre activité professionnelle quotidienne a donc suffit en guise de préparation physique. Notre éloignement géographique ne nous permettait en outre pas de nous voir régulièrement.
Comme souvent dans ce type d’aventure le bouclage du budget constitue une bonne part des préparatifs et je dois tout particulièrement remercier les clients de Camino-kayak, l’association Ck/mer, le magazine Outdoor go et l’agence Unghalak qui nous ont fortement aidés.
Côté matos nos partenaires nous ont équipé, notamment, de tentes Nammatj 2 de chez Hilleberg, de matelas thermarest et sac Western mountaineering pour garantir le confort à terre. Sandiline nous a fourni sous-vêtements thermiques et polaires des pieds à la tête pour ces mers froides et également spécialement conçu des combinaisons sèches pour nous, tandis que nous portions des gilets et chaussons Astral. Côté kayak, Tahe nous a fourni des Zegul arrow Empower. Pour les communications, nous possédions VHF et téléphones Crosscall. Bien sûr, il a fallu faire acheminer tout cela depuis l’Europe par voie maritime. Mais ce ne fut pas le plus compliqué !
Vous voulez dire que vous avez rencontré des difficultés ?
Oui, tout d’abord administratives. Bien que nous ayions entamé les démarches un an auparavant, les autorisations des autorités chiliennes pour bivouaquer dans le Parc national du Horn furent difficiles à obtenir. La veille de notre mise à l’eau, nous ne savions toujours pas si nous pourrions partir. Cela venait s’ajouter à une obligation imprévue d’avoir un navire de sécurité prêt à intervenir en cas d’accident, à des droits de douanes exorbitants, mais aussi s’ajouter au vol d’une partie de notre matériel (pagaies et une partie de l’alimentation lyophilisée qui composait nos menus) et à l’arrivée de notre équipement dans le mauvais port (Valparaiso au lieu de Punta arenas). Cela a entraîné énormément de tensions et un budget qui a explosé. Il a fallu beaucoup de persévérance et toute l’aide locale – d’une agence de kayak et de l’association objectifvoile.org – pour solutionner cela.
De cette aventure, quel meilleurs et pires souvenirs garderez-vous ?
Comment soutenir I-Trekkings ? En partageant cet article par exemple ou en effectuant vos achats chez nos partenaires (Merci de ne pas cliquer pour cliquer. N’achetez que si vous avez un besoin et pensez à accepter les cookies de nos partenaires dès l’arrivée sur leur site). Il y a bien d’autres façons de soutenir I-Trekkings. Pour en savoir plus, c’est par ici.
Le top de nos partenaires pour vous équiper :
- Alltricks : BlackWeek sur plus de 22 000 produits
- CimAlp : Jusqu’à -40% sur les vestes techniques et les doudounes jusqu’au 18 novembre
- Direct-Running : Before Black Friday – jusqu’à-70%
- Ekosport : 20€ offert par tranche de 100€ d’achat
- I-Run : Running Weeks. Jusqu’à -40% sur le site
- Les petits Baroudeurs : La Boutique Outdoor pour équiper vos enfants et petits enfants.
- Lyophilise & Co : Lyofolies jusqu’à -15%
- Snowleader, The Reblochon Company : C’est la rentrée, -15% supplémentaire sur tout les accessoires snow
- Trekkinn : 10 000 bons plans
Le top de nos partenaires pour partir en rando et en trekking :
- Allibert Trekking (Agence de voyage basée dans les Alpes, spécialiste rando, trekking et voyages d’aventure)
- Atalante (Spécialiste du voyage d’aventure, de la randonnée et du trek)
- La Balaguère (randonnées dans les Pyrénées et à travers le monde)
- Randonades (Randonnées dans les Pyrénées et rien que les Pyrénées)
- Travelbase (Agence de voyage pour des aventures à vivre en groupe ou en solo, et avec l’esprit Travelbase)
Plus qu’un meilleur souvenir c’est un sentiment : l’émerveillement. Devant la beauté de ces paysages, devant la richesse de la faune avec laquelle nous avons navigué. Pour moi la plus belle journée fut celle de la veille du Horn. Une navigation au portant, passant par l’île Ermite. La vue sur ces paysages riches de couleurs, avec les sommets des Wollaston enneigés était à couper le souffle ! Mais je ne renie pas l’émotion au passage du cap Horn et la vue sur ce phare du bout du monde, littéralement.
lI n’y a pas, à proprement parler de mauvais souvenir durant l’expédition elle-même. Mais j’admets avoir beaucoup appris sur les relations humaines à cette occasion. Ce type de voyage induit, obligatoirement, un huis clos. Huis clos d’autant plus compliqué qu’il se déroule avec des personnes habituées, notamment du fait de leur métier, à être leader. Définir le leadership dans un tel groupe est forcément complexe … et passionnant.
Mais s’il fallait impérativement évoquer “le moins bon” souvenir, la traversée retour de la baie de Nassau serait sans doute ce moment. Sur cette traversée d’environ trente cinq kilomètres, une erreur d’alignement a provoqué une déviation de plus de cinq kilomètres de notre route. Avec un vent de face forcissant jusqu’à 30 noeuds nous avons fini par ne progresser qu’à 1 ou 2 km/h. Terrible pour le moral !
Dans vos meilleurs souvenirs vous évoquiez la faune. Quelles ont été les rencontres les plus mémorables ?
C’est tout d’abord l’abondance et la diversité de cette faune qui marque. Bien sûr nous avons vu énormément d’oiseaux de mer, des manchots papous et de magellan, des cormorans, des pétrels… Mais aussi de nombreux rapaces et tout particulièrement des condors ! Mais de toutes les rencontres, trois espèces m’ont tout particulièrement marqué. Tout d’abord les grands albatros. D’une envergure inouïe (3,5 m [NDLR]), c’est surtout leur curiosité envers nous qui était fascinante. Bien sûr les dauphins qui venaient suivre les kayaks, sauter autour, ne laissent pas indifférent. D’autant que ceux de nos côtes françaises sont bien plus farouches. Mais la rencontre la plus impressionnante était sans conteste celle avec les lions de mer. Ces mammifères dont les mâles peuvent atteindre des dimensions très impressionnantes (2,5m pour 350 kg [NDLR]) n’ont pas l’habitude de voir des kayaks et leur curiosité à notre égard imposait le respect. Je me souviens très bien du visage Stan lorsque l’un d’eux a rugit – ce qui leur vaut leur surnom de “lion de mer” – à un mètre de son kayak.
Quel bilan tirez-vous de cette aventure ? Envie d’emmener des clients en Patagonie, de repartir en expédition ?
Je rentre chargé d’envies. De poursuivre l’accompagnement de mes clients vers de nouveaux horizons comme les Lofoten (Norvège), l’Islande ou des territoires plus inattendus comme l’Algarve (Portugal). Bien sûr, du fait du caractère “extrême” des navigations et de la dureté des conditions de bivouac, le Horn n’est pas une destination où l’on peut envisager organiser des séjours. Mais la Patagonie offre d’innombrables autres possibilités. Avec Unghalak, nous travaillons déjà sur des projets là-bas mais je n’en dit pas plus, ce sera la surprise ! Pour ma part, l’envie d’expédition est intacte mais il faut se donner le temps de la préparation avant d’évoquer une destination précise …
Et du côté équipement, quel bilan tirez-vous ?
Je tire la satisfaction d’un équipement de qualité fourni par nos partenaires et choisi avec justesse. Les kayaks Zegul Empower se sont révélés très marins. Ce sont des très bons kayaks de rando. Tout le matériel a parfaitement résisté et rempli ses fonctions. Rien n’a été inutile ni manquant.
Parmi vos partenaires, il en est un plus inhabituel. Une ONG dont votre expédition est l’ambassadrice : Océans sans Plastiques. Pouvez vous nous en dire un peu plus ?
La question de la pollution par les plastiques est une préoccupation planétaire. Un souci dont nous prendrons rapidement conscience qu’il est aussi important que le réchauffement climatique. En tant que pagayeur j’y suis confronté en permanence et même là, au cap Horn, tout au bout du monde, le plastique est omni-présent. Avec plus de 35 millions de tonnes de déchets plastiques déversés chaque année, toutes les mers, tous les océans sont concernés. Et il suffit de savoir que 85 % de cette pollution est d’origine terrestre et qu’elle est aux deux tiers composée d’emballages de nos achats pour se rendre compte à quel point cela doit toucher chacun d’entre nous. Océans sans plastiques, c’est une ONG qui s’attache à promouvoir et mettre en oeuvre des solutions pour éviter ces pollutions. Des solutions comme l’interdiction de mise sur le marché des emballages non recyclables, la consigne pour permettre la récupération de tous les emballages usagés … Je ne peux que vous inviter à découvrir ce travail sur www.océans-sans-plastiques.org et à vous engager à ses côtés.
Au-delà de cette interview, aurons-nous la possibilité d’en savoir plus sur cette aventure ? Comment avez-vous prévu de la faire connaître ?
Nous avons d’ores et déjà des demandes pour des conférences et même si l’exercice ne nous est pas très naturel, c’est avec plaisir que nous partagerons notre aventure. Nous avons, de plus, la chance d’avoir deux professionnels de l’image dans l’équipe. Boris réalise un film dont vous pourrez notamment découvrir la diffusion sur son site https://borisdoye.com/ tandis que Raph, notre photographe freelance alimentera les futures publications presse. Et il y a aussi la page Facebook de l’expédition.
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka