5 jours de randonnée en Basilicate

Récit de 5 jours de randonnée en Basilicate en Italie autour de Matera classés sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité établie par l'Unesco.



Focus Rando :5 jours de randonnée en Basilicate
5 jours +2669 m/-2197 m 3
Randonnée Etoile Hôtel
Campagne et Montagne Mai, Juin, Septembre, et Octobre

Dans le sud de l’Italie, la Basilicate est une région attachante, l’une des moins peuplées du pays. Entre belles randos et découvertes culturelles, je l’ai arpentée avec Chemins du Sud. Inscrite à l’Unesco, la ville de Matera en est le phare : extraordinaire. Aux alentours, j’ai visité quelques villages perchés et écrasés de soleil, dont le nom ne dit rien à personne mais aux charmes évidents. Une Italie profonde où j’ai randonné dans une nature éclatante. Récit de mes 5 jours de randonnée en Basilicate.

Matera, un choc, point de départ de ma randonnée en Basilicate

Matera, c’est un choc. En ouvrant la fenêtre de ma chambre d’hôtel, je découvre dans la nuit un incroyable enchevêtrement de maisons indistinctes. Tout cela est faiblement éclairé, assez cependant pour me faire comprendre que Matera va me marquer. Je suis arrivé dans une petite ville italienne, charmante mais pas plus qu’une autre. Et là, je me retrouve au Moyen Age. En fait, il y a deux Matera. L’une est le chef lieu de la région Basilicate. L’autre, une ville envoûtante.

Les « sassi » de Matera, qui justifient l’inscription de la ville au Patrimoine mondial de l’Unesco, je les découvre plus avant le lendemain. Ce sont des empilements d’habitations sur plusieurs hauteurs, des maisons troglodytes utilisant la roche. Les unes sont construites sur les autres, quand ce n’est pas la venelle -ici il n’y a pas de rues, et pas de voitures non plus- qui passe sur leur toit. Pendant des siècles s’y est entassé le quart-monde du sud de l’Italie dans des conditions qui défient l’entendement. Dans la première moitié du XXe, malaria et tuberculose déciment sa population, toujours plus nombreuse. Jusqu’à 20 000 ha. La mortalité infantile atteint les 40 %. «C’est ainsi qu’à l’école nous nous représentions l’enfer de Dante», écrit Carlo Levi, l’auteur de « Le Christ s’est arrêté à Eboli » qui y a habité. En 1948, les sassi sont déclarés « honte nationale » puis évacués.

Longtemps abandonnés, les sassi sont peu à peu rénovés à partir des années 1990. Aujourd’hui, toutes les maisons du centre sont restaurées : elles sont devenues hôtels ou locations airbnb. Et le mouvement s’étend, grâce aux subventions étatiques. A l’honneur dans plusieurs films, depuis Pasolini jusqu’au dernier James Bond en 2022, la ville de Matera est sacrée Capitale européenne de la culture en 2019.

Jour 1, le parc des églises rupestres de Matera

+ 476 m / – 431 m 12 km

Si Matera est une ville fascinante, ses environs sont intéressants aussi. A moins de 100 m des maisons s’étalent des gorges spectaculaires entre d’abruptes falaises tombant à pic sur la rivière Gravina, que j’ai découvertes lors de cette première journée de randonnée. Comme le jour suivant, celle-ci se déroule en étoile à la différence du reste du circuit qui est prévu en itinérant. La rando débute sur un long pont de singe qui en impressionne plus d’un et nous fait passer d’une falaise à l’autre. Commence alors un intéressant circuit sur le plateau de la Murgia Timone, jalonné de beaux points de vue et surtout de magnifiques chapelles : le parc des églises rupestres, d’ailleurs également inscrit à l’Unesco. Pour la plupart édifiées entre le VIIIe et le XIVe s, il y en a plus de 150 éparpillées dans les alentours. Je n’en verrai que quelques unes, bien sûr.

La petite rando, qui me fait cheminer sur des causses rocailleuses où fleurissent la sarriette, la campanule bleue et le crocus, avec de temps en temps des pistachiers, est bien agréable. Beaucoup de ces vestiges, dont l’un ou l’autre ancien ermitage, sont complètement obturés et il m’est difficile d’y apercevoir les fresques ou sculptures qu’elles recèlent. Comme l’église de Ste-Marie des Trois Portes, qui est franchement admirable. Tant pis : je préfère les savoir à l’abri des vandales ! Sur le chemin du retour, après un crochet par les maigres vestiges d’un village du néolithique, j’arrive à l’endroit où étaient plantées les fameuses croix du film de Mel Gibson, « La Passion du Christ ». Chaque année, vers Pâques, elles sont d’ailleurs remises en place.

Jour 2, de Matera à la grotte Cristo la Selva

+ 190 m / – 490 m 12,6 km

Jusque dans sa partie médiévale, Matera est bien plus étendue que je me l’imaginais. J’en ai la démonstration ce matin, en longeant la Gravina pour quitter la ville jusque dans le quartier des Albanais. Ainsi nommé pour les Albanais qui, à partir du XVIe s, y travaillaient le vin, il se trouve en pleine rénovation. Puis nous voilà dans les causses. A main droite, une large plaine agricole, dont les champs ondulent très loin, de mamelon en mamelon. De l’autre, la gorge, franchement sauvage, qui offre de belles vues plongeantes. La falaise qui me fait face est percée de grottes, visiblement agrandies et aménagées pour servir d’ermitages. Ici, plus d’autres promeneurs que nous.

En fin de matinée, le parcours se fait nettement plus accidenté : le sentier plonge dans la gorge. Voilà qui n’est pas fait pour me déplaire, les passages sont vraiment chouettes. Parfois quelques longues volées de marches, taillées dans la roche et visiblement très anciennes, facilitent la descente. Puis, c’est une bien belle surprise qui nous attend. Une enfilade de grottes, dont une franchement spacieuse que l’érosion a ramené à une plateforme couverte : Cristo la Selva. Un balcon avec vue, l’endroit rêvé pour un pique-nique. Puis, avant de repartir, un long moment contemplatif devant l’église rupestre, qui ne fait qu’un avec la falaise. Ici vivait une petite communauté de moines, depuis le VIIIe ou IXe s.

En fin d’après-midi, c’est un endroit franchement exceptionnel que je contemple, franchement ému : la crypte dite du Péché originel. Considérée comme la chapelle Sixtine de l’art rupestre, elle offre de délicates fresques colorées qui décrivent des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, réalisées dans la première moitié du IXe s. Une splendeur ! Les peintures délicates ont le don de transporter dans un autre monde, un autre temps. Et c’est dans un état second que je sors de cette large grotte, dans l’un des ravins qui entaillent le haut plateau de la Murgia, à une 15aine de km de Matera.

Jour 3, de Pisticci à Craco

+ 439 m / – 134 m 13,32 km

Les paysages sont tout particulièrement expressifs, aujourd’hui. Dans les environs de Pisticci, un petit village déjà bien au sud, je découvre un décor étonnant : les « calanchi ». Des espèces de bourrelets fait d’argiles et de sable, ravinés par les eaux, qui dévalent des collines dans des dégradés de couleurs. Même dans la lumière crue de cette matinée automnale et pourtant écrasée de soleil, ils sont du meilleur effet.

La rando se poursuit entre petites collines et champs bien trop rocailleux pour être fertiles. Pas une habitation, pas une ferme à l’horizon même s’il y en a forcément. D’ailleurs, deux paysans passent bientôt -en camionnette- et nous demandent si nous avons besoin de quelque chose, ce qu’on peut bien faire là ?

Nous, eh bien, nous allons à Craco, un endroit mémorable. Et pour cause : un village fantôme, complètement déserté. Ses églises et palais, ses belles maisons historiques, construites pour beaucoup durant le Moyen Age, sont maintenant en ruines. Au somment de la colline -et c’est d’ailleurs une sacrée grimpette pour y parvenir- ne subsistent plus que façades lézardées, toitures éventrées. Une vision d’apocalypse. J’ai beau être prévenu, ça fait un choc, l’impression d’arriver après une catastrophe. Longtemps après, la route qui y mène est envahie par les mauvaises herbes. Menacé par des glissements de terrains, Craco a été entièrement évacué dans les années 1960. Son histoire, les tentatives de sauvetage, tout cela est expliqué dans un beau centre d’interprétation aménagé dans un ancien couvent franciscain du XVIIe s, au pied de la colline où, à défaut de marcher dans Craco -l’accès en est bien sûr interdit- je me suis longuement attardé.

Jour 4, d’Oliveto Luccano à Acceturra

+ 803 m / – 579 m 12,6 km

C’est un village sympa et très typique, Oliveto Lucano, qui est le point de départ. Perché sur une colline, comme tous les villages ici, il se singularise avec ses belles portes de maisons. Très anciennes ou très récentes, elles ont toutes la particularité d’être joliment ouvragées. Remontant dans la rue en colimaçon vers l’église qui coiffe le village, j’ai l’impression d’un jeu de piste.

C’est la porte d’entrée du parc naturel des petites Dolomiti Lucane, une chaîne de moyennes montagnes -à partir d’aujourd’hui, on change de registre- très boisées. De fait, survolés par un beau milan royal, nous nous enfonçons rapidement dans la forêt de Gallipoli. Et la plus grande partie de la rando se déroule à l’ombre de grands chênes et autres hêtres, sur des chemins de bergers. Car c’est aussi une terre d’élevage. Le pique-nique se déroule ainsi devant une paisible assemblée de vaches, quelques cochons aussi, qui paissent dans une trouée de la forêt autour d’un bel abreuvoir en pierre. La rando se poursuit tranquillement et assez tôt j’aperçois déjà le but, Accetura. Perché sur sa montagne, le bourg paraît bien loin… et ce n’est pas une impression ! D’autant que la montée pour y parvenir n’épargne pas les gambettes. En fait, le village est très sympa. En fin d’après-midi, malgré la fraîcheur, il y a encore du monde dans les rues, les commerces sont bien vivants. Et je fais comme beaucoup : m’attabler sur une terrasse.

Jour 5, d’Accetura à Castelmezzano

+ 1053 m / – 917 m 20 km

Autant la montée est rude, autant la descente est casse-pattes ! Il n’y en a pas pour longtemps sur ces longues marches en béton à la sortie d’Accetura, heureusement, avant de repartir vers les hauteurs. Et puis, il y a eu l’escale au marché et chez le boulanger -qui cuit son pain au feu de bois- pour mettre du cœur à l’ouvrage. Il n’en faut pas tant que ça, cette journée est sans aucun doute la plus belle de la semaine.

Ici, rapidement je ne vois plus de trace humaine, plus aucune habitation. La Basilicate est vraiment l’une des régions italiennes les moins denses. Une enivrante sérénité m’envahit. La marche est facile, laissant tout loisir d’admirer le paysage. Dès la fin de matinée, elle nous fait cheminer sur la ligne de crête, entre bosquets de pins et hauts amas de grès aux formes acérées. Ceux qui valent à la région le nom de Dolomiti Lucane. Un peu partout fleurissent des bouquets d’immortelles, d’une belle couleur dorée. La vie est belle !

Retour aux réalités en descendant sur Pietrapertosa : un bien joli village, d’ailleurs classé parmi les « plus beaux villages d’Italie » qui s’étale sur un col à près de 1 100 m, au pied des montagnes. Souvent les maisons sont carrément adossées au rocher, les ruelles du centre autour de la vieille église, sous les ruines du château, sont pavées. Et, de l’autre côté de la vallée m’attend Castelmezzano, encore un autre « plus beau village d’Italie ». Pas bien loin, mais il se mérite : le « chemin des 7 pierres » qui les relie est aussi photogénique que raide ! Castelmezzano, un village d’un peu plus de 800 ha qui se résume presque à une seule rue, est mimi comme tout avec ses anciennes demeures. Et même quelques petits palais, que je découvre en marchant jusqu’aux ruines du château normand, sur les hauteurs. Je ne saurai rêver meilleure conclusion à cette rando.

Informations pratiques – randonnée en Basilicate

Ce reportage a été réalisé lors d’une randonnée avec Chemins du Sud intitulée « Basilicate, de Matera aux Dolomiti Lucane ». D’une durée de 8 jours, classée niveau 3 sur une échelle de 5, elle part de Matera, une ville inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco et capitale européenne de la Culure en 2019, jusqu’au cœur des Dolomiti Lucane, dans cette magnifique région qu’est la Basilicate. La rando fait bien sûr la part belle à la nature mais sait aussi rendre hommage au riche patrimoine culturel de la région. Le séjour se commence et se termine à Bari (transferts compris), dans les Pouilles, où l’accès aérien est très facile. La première partie de la rando se déroule en étoile au départ de Matera puis en itinérant, avec transfert de bagages. Nuitées en hôtel 3* et dans une « azienda agricola » très confortable.

Établie dans le Vaucluse, l’agence de voyages Chemins du Sud est spécialisée depuis de longues années dans les destinations du sud, comme son nom l’indique, et plus particulièrement l’Italie. Ses accompagnateurs en ont une excellente connaissance, y compris sur le plan culturel et patrimonial.

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