Pendant 5 jours, j’ai randonné sur le Balkan Trail, la version améliorée par le voyagiste Travelbase du sentier « The Peaks of the Balkans », aux confins du Monténégro et de l’Albanie. Un magnifique trek dans des paysages étonnants et changeants, dans une nature préservée, loin de tout. Une rando en itinérance et nuits sous tente, avec transfert de bagages, où chaque jour réserve son lot de panoramas incomparables.
Voilà longtemps que je regarde de temps à autre les cartes de cette partie des Balkans en me disant qu’un jour peut-être… Eh ben, me voilà au bord du lac de Plav, dans le nord-est du Monténégro, et y a plus qu’à ! En arrivant hier en fin d’aprem, je trouve ma tente déjà montée. C’est un modèle individuel, une Vaude 3 saisons. Ne reste plus qu’à dérouler le matelas et le duvet -que j’ai loués sur place tout comme la tente auprès de Travelbase- et installer mes affaires. Car les groupes de randonneurs de Travelbase se succèdent tout l’été sur le Balkan trail, de semaine en semaine, sur le même itinéraire. Moi aussi, à la fin de ma rando, je la laisserai ici sans plus y toucher si ce n’est pour la nettoyer. L’organisation du Balkan Trail est incroyablement bien préparée et rodée.
Toutes les photographies de l’article sont de Jeroen Berends Photography. Vous pouvez aussi vous abonner à son compte Instagram.
Jour 1, de Plav à Vusanje (Monténégro)
+ 806 m / – 1288 m 16,1 kmCe matin, avant le départ, il faut peser les sacs de ceux qui ont choisi l’option transfert de bagages, c’est à dire presque tout le monde : pas plus de 12 kg, tente comprise. Car ils sont portés deux jours durant sur des sentiers escarpés et étroits par des mulets. Donc, pas question de les surcharger. Puis, c’est la remise de la balise GPS qui permet d’être localisé à tout moment durant ce Balkan trail et, pour moi, de déclencher les secours en cas de besoin. Enfin, les dernières consignes, le topo de journée. Et hop, on embarque dans des minibus. Visiblement, ceux-là ont déjà connu des jours meilleurs. Peu importe, ils ont le mérite de nous amener à pied d’œuvre en nous épargnant la longue traversée du village de Plav, puis une morne route caillouteuse.
D’emblée, le Balkan Trail me séduit. Le décor me dépayse complètement. Tout est nouveau pour moi dans cette partie des Alpes dinariques, à leur extrémité sud parfois aussi appelées les Dolomites albanaises. Dans le ciel, loin au-dessus de nos têtes, plane un aigle. L’entrée en matière est gentillette, avec de courtes montées entre de hautes plantes aux fleurs pourpres du meilleur effet -des épilobes en épi- qui alternent avec des plateaux tranquilles. Puis les choses se corsent : droit dans la pente qui plus est, particulièrement raide ! Par moments, les genoux se retrouvent à l’équerre, c’est dire.
La récompense est une admirable ligne de crête. Ce sera la salle à manger de notre premier pique-nique, face au pic Zla Kolata, le plus haut sommet du pays avec ses 2 534 m. Il émerge d’un massif formidable, impressionnant avec ses allures de premier jour du monde, dont rien ni personne ne vient troubler la rugueuse et sauvage beauté. Ce sera le terrain de jeu de nos prochains jours, ça promet !
En attendant, on descend par paliers successifs. En chemin, je croise un premier, puis un second troupeau de moutons. Oh pas bien importants, quelques dizaines de bêtes. Gardés, l’un comme l’autre, par un berger flanqué de trois ou quatre énormes chiens. A la différence des patous rencontrés dans les Pyrénées ou les Alpes, ceux-là nous laissent traverser le troupeau sans montrer aucune animosité. Mais leur présence me rappelle que les prédateurs ne sont jamais bien loin. Ici, dans cette nature sauvage des Balkans vivent l’ours, le loup et le lynx boréal !
Plus loin, les flancs de montagne sont garnis -comme souvent- de myrtilliers. En abondance. Des cueilleurs, sans doute professionnels en tout cas bien équipés, y font une véritable razzia sans que cela y paraisse. Avec leurs peignes, ils remplissent leurs seaux en un rien de temps pour ensuite les déverser dans les paniers accrochés au dos des ânes qui broutent tranquillement au bas des pentes. L’après-midi est déjà largement entamée lorsqu’on s’arrête au… bar. Bon, d’accord, le terme est quelque peu exagéré : quelques bancs disposés au carré sous une bâche de plastique. Des paysans installés ici arrondissent ainsi leurs fins de mois en proposant boissons fraîches, disposées dans une vieille baignoire sous un tuyau amenant l’eau de la source, et du café. Chaque jour, nous trouverons de tels bistros de fortune sur le sentier des « Peaks of the Balkans ». Celui-ci est, de loin, le plus rustique. Mais, tout comme les autres randonneurs, j’aime bien ces escales.
Jour 2, de Vusanje à Theth (Albanie)
+ 1127 m / – 1173 m 18,4 kmLa rando commence en beauté, dans le parc national de Prokletije -le parc des Monts Maudits- le plus récent du Monténégro, très spectaculaire. Nous remontons la longue et étroite vallée de Ropojana, encaissée entre de hautes falaises verticales. Pour arriver, presque tout de suite, sur un joli petit lac aux eaux translucides. Malgré l’heure matinale, un ou deux courageux se jettent à l’eau sans sourciller. Puis sur un second lac, plus grand et entièrement à sec, comme souvent en été. Au bout, c’est la frontière avec l’Albanie, marquée par une banale borne en béton. Sans autre formalité que la photo souvenir, on attaque une longue montée dans la forêt pour parvenir à un autre plateau, lui aussi tout en longueur.
Ici règne une ambiance de bout du monde. Dans des cahutes construites près de la falaise, trois vieux bergers au visage buriné s’affairent autour de marmites posées sur un feu de bois. Ils confectionnent du fromage avec le lait de leurs chèvres. Et nous le font goûter : délicieux ! Avec en prime, pour ceux que ça tente, une bonne rasade de raki, un alcool fort fait maison.
Après le pique-nique, une belle montée dans la rocaille jusqu’au col de Pejës, à 1 796 m, au pied du mont Harapit. De l’autre côté s’ouvre le parc national de Theh, dans la très belle vallée du même nom. D’en haut, j’ai une belle vue plongeante sur notre destination du jour, dans ce Balkan trail. Et pour cause, la descente est abrupte, vertigineuse ! Presque 1 000 m de dénivelé le long d’une grande casse, une gigantesque entaille en forme de V, absolument verticale. Pour corser les choses, le sentier qui tournicote en lacets bien réguliers est glissant comme tout, avec de petits graviers traîtres au possible. Plusieurs fois, je m’approche du bord pour tenter de contempler l’abîme. Mais pas trop non plus et, en fait, je ne verrai rien. Ce n’est qu’une fois arrivé au terme, tout en bas, que je prends la mesure de cette face impressionnante.
Jour 3, de Theth à Valbona
+ 1311 m / – 1188 m 13,1 kmEncore une journée de sensations fortes dans ce Balkan trail ! Sans doute même la plus riche. En tout cas, l’étape est aussi la plus fréquentée. Pour la première fois, nous croisons bien d’autres marcheurs. La raison en est simple : les villages de départ et d’arrivée sont jolis, faciles d’accès et touristiques. Theth, qui s’est visiblement bien agrandi ces derniers temps, offre d’ailleurs un petit centre historique remarquable.
Et, justement, l’itinéraire est réputé spectaculaire. Il commence par une longue montée tranquille, d’abord le long de pâturages. Puis dans une belle forêt de beaux hêtres et chênes aux dimensions impressionnantes. Après un peu plus de deux heures de marche, se découvre un bistro sympa en pleine nature, accroché à la montagne. Qui affiche quasiment complet en ce milieu de matinée ! Randonneurs ainsi que muletiers font escale ici. Oui, le transfert de bagages n’est plus possible autrement qu’à dos d’animaux qui ne craignent pas d’emprunter d’étroits sentiers taillés au-dessus du vide, à flanc de falaise. Sinon, en voiture, il faut compter une grande journée de 4×4 avec même une traversée en ferry sur un grand lac.
Ces passages délicats sont aussi beaux qu’ébouriffants. Mais -je veille quand même à ne croiser personne, ni homme ni bête- même pas peur ! Parvenu au col de Valbona à près de 1 800 m, où le fond de l’air est très frais, je m’offre du rab : un pic bien pointu, où, dans les derniers mètres, il faut mettre les mains. Il offre une vue saisissante sur la vallée de Valbona. Et sur la longue descente… Elle débute par un chemin en balcon, particulièrement plaisant. Puis, tout comme la veille, le sentier plonge. Les lacets s’enchaînent, bien serrés. Pas de cailloux pour me faire chuter, donc je profite de la balade, tranquillos.
Jour 4, de Valbona à Dobërdol
+ 1031 m / – 372 m 16,6 kmAprès la gym -chaque matin sans exception, séance d’échauffement musculaire d’une 10aine de minutes- c’est parti pour une longue et belle journée. Encore ! Oui, chaque étape de ce Balkan Trail est un éblouissement continu mais celle-ci fait date. Le matin, le sentier des Peaks of the Balkans nous fait faire un crochet par le Monténégro avant de revenir en Albanie. La plupart d’entre nous ne s’en rend même pas compte, tant les bornes sont discrètes. Mais tout le monde est conscient du charme des lieux traversés.
Comme envoûtés, nous voici dans une forêt primaire inscrite à l’Unesco. Elle débouche sur une grande vallée, dans le parc national de la rivière Gashit. Voici d’abord un village, Balqin. En fait, quelques petites fermes avec leur étable et leur potager qui s’étalent avec indolence sur une large pente. Le sentier des Peaks of the Balkans passe juste devant. Quelques unes des maisons ont encore un toit en bardage de bois et non pas en tôle comme les autres : pour un peu, on se croirait plongé dans une autre époque. Plus loin, sur le sentier tranquille qui serpente en balcon entre les buissons, sans même m’en rendre compte, je ralentis. Comme pour mieux m’imprégner de cette sérénité.
Encore un franchissement de vallée -en clair, descente puis remontée plutôt gratinée- et nous arrivons devant un immense cirque ceinturé par une abrupte crête montagneuse, sans aucun arbre et une végétation rase. Voici Dobërdol. De larges pâturages où cohabitent vaches et moutons, chèvres et poules. Pas tout à fait l’impression d’arriver au bout du monde, il y a quand même trop de guesthouses pour ça, mais presque. « J’en ai pleuré tellement ça m’a émue » me dit plus tard l’une de mes nouvelles amies de la rando.
5ème jour, de Dobërdol (Albanie) à Plav (Monténégro)
+ 824 m / – 1121 m 17,9 kmComme démarrage, ça se pose là : droit dans la pente, et pendant un long bout de temps encore ! On traverse les derniers pâturages devant la guesthouse où nous avons posé nos tentes hier soir à la sortie de Dobërdol, un ou deux ruisseaux aussi, et presque tout de suite il faut grimper dur. En fait, on prend son temps. Ne serait-ce que pour profiter du paysage, admirer encore cet étonnant cirque s’étalant à nos pieds.
Sur la crête, personne pour réclamer les passeports mais c’est la frontière. Derrière nous l’Albanie, devant, le Monténégro. Et sur notre main droite, le Kosovo. Nous allons en effet faire une courte incursion dans ce pays. Le point culminant de cette crête s’y trouve, peut-être une dizaine de m au-dessus des quelque 2 410 m qu’affiche l’altimètre. Le crochet s’impose. D’autant que c’est le point culminant de ma rando, ainsi d’ailleurs que de l’itinéraire Peaks of the Balkans. Ce que je vois du Kosovo, dans les vallées qui s’ouvrent devant nous avec au fond le mont Djeravita, son plus haut sommet, a l’air bien sauvage : ni route ni construction, aucun trace humaine. En tout cas, ça donne envie d’y faire un tour… Là-dessus, un aigle, encore, vient nous saluer.
D’ici, je vois aussi la plus grande partie de l’itinéraire suivi tout au long de cette semaine. Il recouvre tout ou presque de ce que j’ai dans le champ de vision, un superbe panorama. Franchement, les distances du Balkan trail ont l’air énormes, ça me paraît stupéfiant tout ce chemin parcouru. Mais si, nous l’avons fait, bel et bien. Une sacrée rando !
Informations pratiques sur le Balkan Trail et Travelbase
Le Balkan Trail est une version raccourcie et améliorée par le voyagiste belge Travelbase de l’itinéraire de trekking transfrontalier The peaks of the Balkans qui court entre le Monténégro, l’Albanie et le Kosovo. Long de 192 km, cet itinéraire a été créé en 2013 pour développer le tourisme de montagne dans ces régions reculées et isolées.
Dans sa totalité, il faut compter au minimum une dizaine de jours pour le parcourir. The Peaks of the Balkans fait passer dans des endroits tout à fait extraordinaires, avec des paysages somptueux. A l’inverse, il comporte aussi des tronçons de liaison qui ne sont pas très sexy et que Travelbase gomme dans son programme avec des transferts en minibus. Ainsi dans le Balkan Trail ne subsistent que les endroits inoubliables !
D’une durée de 7 jours, le Balkan Trail est accessible à partir de 520€. Ce prix comprend l’encadrement par des guides francophones et l’organisation (notamment le prêt de balises GPS pour déclencher les secours, la fourniture des traces GPX etc.) A cela s’ajoute une série d’options : le vol depuis Paris avec les transferts depuis et vers l’aéroport de Podgorica, le transfert des bagages chaque jour d’un site de bivouac à l’autre, la location du matériel de camping (tente, matelas, duvet et drap de sac), la fourniture des repas, l’assurance, la location des bâtons de marche, la dernière nuit à l’hôtel. Chacun compose son « menu » en fonction de ses besoins et de ses possibilités.
Travelbase est un voyagiste belge qui depuis 2010 emmène ses aventuriers de clients dans différentes régions du monde en leur proposant des voyages hors du commun. Aujourd’hui, les Balkans mais aussi la Jordanie, le Maroc, l’Islande, la Norvège ou la Suède figurent ainsi à son catalogue pour y randonner à pied ou en kayak. C’est aussi avec Travelbase qu’on avait réalisé le Canoë Trip en Suède.
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !