Cauterets / Grust

La marche sur plusieurs jours équivaut à l'école de la vie. Ses obstacles, ses imprévues, ses petits plaisirs, ses récompenses. Construire une itinérance est comme construire sa vie. Choisir ses étapes, les mesurer, les atteindre au fur et à mesure, c'est similaire à notre existence et/ou notre vie professionnelle. Respecter ses objectifs journaliers, c'est s'imposer une discipline. Enjamber les cols ou gravir les plus hauts sommets, c'est braver sa propre peur du vertige, de l'inconnu et de l'insurmontable.

Focus Rando :Cauterets / Grust

Pour joindre Luz-Saint-Sauveur à partir de Cauterets, deux possibilités sont offertes au randonneur : en passant par la Hourquette d’Ossoue (2734 m) et Gavarnie (1365 m), il s’agit d’une traversée de trois jours à travers la haute montagne ; en passant par le col de Riou (1949 m), piste praticable en toute saison, d’une durée environ de 7 heures. Ce fut ce second itinéraire que j’allais suivre en ce jour.

Dès 9 heures, je quittai Cauterets par les hauteurs, derrière l’hôtel “Au Montagnard”, en restant attentif aux bandes horizontales blanches et rouges. A un robinet ouvert, affranchi d’une pancarte “eau potable”, j’humectai mes lèvres.

Sur le bitume en montée douce et boisé s’étalait un tapis de feuilles mortes, qu’aucun vent ne soulevait. L’air était doux, le printemps depuis la veille s’était substitué étrangement à l’automne. Seules les couleurs vives des arbres attestaient une toute autre saison. Or une dépression était attendu dans l’après-midi. A partir de 17 h, m’assura la gérante du précédent hôtel. Je demeurai confiant en ses dires. Qui pourrait douter de la clairvoyance des gens du coin ?

Depuis les hauteurs de Cauterets, la vue plongeante sur la ville et sur la chaîne de montagne est splendide. Peu à peu, les rayons solaires se développaient sur les versants et laissent entrevoir des plis et de hauts sommets enneigés. La piste se prolongeait jusqu’au chalet-restaurant de la Reine Hortense (1211 m). Depuis une pointe au nord-est, une perspective intéressante sur la vallée en direction de Lourdes vous donne une nouvelle dimension des Pyrénées.

Ici, se dessinait l’entrée du bois, sous l’apparence d’une piste forestière. Sous couvert des arbres, la montée se fit agréable jusqu’à une clairière (1475 m), à proximité de la grange Laplagne. Entre-temps, le ciel s’était chargé de germes nuageuses. A mi-chemin du col, en fin de matinée, l’air se refroidit. C’était calme, solitude pesante. Aucun bruit d’animaux, absence de chant d’oiseaux. Des nappes vaporeuses arrivaient par vagues depuis le nord-ouest. La montagne exerçait ainsi sa nature insoumise. Les arbres disparurent, me laissant sans protection.

Désormais, le GR serpentait sur des pentes herbeuses en une succession de lacets. Deux cents mètres plus haut, la voûte céleste se faisait plus menaçante, assombrissant et refroidissant le versant que j’escaladais. En diagonale, je m’approchai du col de Riou, qui se découpait nettement de la crête séparant les vallées de Cauterets et de Luz. De minces gouttelettes d’eau commencèrent à tacher mon ascension. Le vent souffla. Une bruine apparaissait derrière moi, désirant me rattraper à toute vitesse. Coûte que coûte, je devais gagner le col pour entamer ensuite ma descente. Je me dépêchai, je pris des raccourcis et fit de grandes enjambées.

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A 14h45, je foulai le col du Riou sous une pluie fine et abondante, à 1949 mètres d’altitude. Promontoire supposé, avec regard sur la vallée de Cauterets et celle de Luz, ma vision peinait à circonscrire une zone au-delà d’une centaine de mètres : du côté de Luz, un dense brouillard grimpait au détriment de ma volonté et de ma patience. Je devinais difficilement des pistes et une route en contrebas, la station de ski de Luz-Ardiden semblait hors de ma portée visuelle. Comme basculé dans un autre monde, aux confins de l’irréel, il me fallut bien des ressources insoupçonnées intérieures pour affronter cette nouvelle adversité.

J’attaquai alors ma plongée, en longeant les ruines d’une ancienne hôtellerie. Suivant scrupuleusement le GR10, je me dirigeais vers l’est sur une large piste en lacets. Bientôt, la visibilité fut nulle. La douche pluvieuse redoubla, noyant les repères naturels. Je dus m’interrompre maintes fois et revenir en arrière pour maintenir le cap. A regrets, le temps se dégradait à l’infini et m’empêchait une bonne reconnaissance du terrain ; les signalétiques devinrent introuvables. Un froid hivernal engloba tout ce versant. Tout relief disparu, je m’engageais dès lors dans des passages difficilement praticables et dangereux. Plus bas, je tombai sur une allée menant au restaurant de la station de ski. Vide en cette saison. Je pus enfin me mettre à l’abri. D’ici, j’accomplis une estimation de la situation. Les environs continuaient à sombrer dans des méandres brumeuses, impossible d’identifier la route qui descend jusqu’à Grust, ma prochaine étape. Un sentier pourtant partait du restaurant par-derrière et s’enfonçait dans la vallée. Je jetai un oeil désespérant en direction du col de Riou : totalement évaporé dans le brouillard ! Un troupeau de moutons sans berger se manifesta soudain ; il descendait d’une crête difficile à distinguer et, en file indienne, évoluait avec prudence jusqu’à la vallée. Le bétail s’arrêta à ma hauteur. Les premières bêtes me fixèrent du regard, car je bloquais le chemin par lequel elles désiraient certainement prendre. Aussi je descendis moi-même. Parfois je croisai ces moutons sans gardien qui broutaient inconscientes et imperméables sur les pentes.

Je débouchai sur un parking avec une grande satisfaction. Une voiture rouge y était garée, sans propriétaire. A partir d’un escalier à gauche, je pris pied sur une route trempée. Par un temps pareil, il me parut imprudent de suivre le GR à travers les pâturages. Ma seule chance était de longer cette route et d’espérer qu’un véhicule vînt à mon secours. J’en vis surtout qui montait jusqu’à la station de ski de Luz-Ardiden. Patience, sérénité et humilité demeuraient de rigueur au cours de cette épreuve. Dans moins d’une heure, la nuit allait remplacer le brouillard et, sans doute, accompagner la dépression jusqu’à son final magistral. Fallait-il en conséquence redoubler ma cadence de marche, l’ouïe aux aguets.

Une première voiture arriva depuis l’amont ; de couleur rouge elle ralentit suite à mon mouvement régulier de mon pouce. Le conducteur accepta de m’avancer avant de me lâcher cinquante mètres plus bas, afin de bifurquer vers une autre direction. Il travaillait à la station de ski. A un carrefour, je le quittai. Avant de refermer la portière avant, je l’entendis me demander si j’avais vu l’ours. Avec étonnement, je lui répondis par la négative. Il renchérit : un ours avait été aperçu une semaine plus tôt près du col de Riou, non pour chercher une tanière pour hiberner, mais pour trouver de la nourriture. Il ajouta : “Vous avez eu de la chance, alors !” Puis je le vis partir sur une autre route, son véhicule se confondant rapidement avec le paysage brumeux.

Plus tard, une second voiture me prit à son bord. Le chauffeur était monté au col, en début d’après-midi, pour dévaler les pistes en VTT, en compagnie de quelques amis. Devant l’ampleur que prenait la dépression couplée à la brume grandissante, ils décidèrent d’abandonner leur projet et de repartir. Lui aussi, il m’interrogea sur le cas de l’ours. Il confirma sa présence, d’abord dans la forêt de Lisey, puis à la même altitude que le col de Riou. Je me sentis perplexe en apprenant, par deux fois, la même nouvelle. Je me fis le film de mon ascension, depuis Cauterets jusqu’au col. Que serait-il produit si le hasard m’avait mené sur les pas de l’ours ? Le face-à-face aurait-il été incontournable ? Vaut mieux ne rien savoir et s’en tenir à une chance probable.

La personne me déposa dans Grust (975 m), un petit village typique de montagne installé sur une colline exposée sud ouest le long d’une ligne de pente. L’homme m’indiqua la direction pour l’auberge “Les Bruyères”, située à quelques pas de là et orientée plein sud. Je fus content de me trouver enfin au sec. A l’intérieur, aucune foule n’égayait l’établissement. Une fois encore, je serai le seul client. Une grande chambre me fut octroyé. Au dîner, je méditai sur cette journée qui pourtant avait connu un très beau début. La gérante de l’établissement, à ma demande, me fit connaître les prévisions météorologiques du lendemain : cette nuit la neige allait tomber à partir de 1500 mètres d’altitude, le jour suivant serait donc froid, sous un ciel couvert. Des résidus de neige étaient possibles.

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