Un retour à l’essentiel
Salam alikoum – alikoum salam, bikhir ? accueillis chez lui, dans la haute vallée des Aït Bougmez – Bikhir, Hamdou lilla.
Six heures du matin, nous arrivons sur le plateau d’Izourar pour rejoindre la famille de nomades dont nous saluons chacun des douze membres. Ali, petit monsieur déjà âgé au sourire de bambin, nous accompagne. Il est la clef de voûte de ce voyage. Il connaît bien cette famille qui passe chaque année l’estive sur ce plateau, à deux heures de marche de sa maison.
La veille, il nous a accueillis chez lui, dans la haute vallée des Aït Bougmez. Soirée inoubliable avec un repas gargantuesque et des anecdotes sur son métier : il est l’arracheur de dents de la vallée ! Nous sommes au mois d’octobre et c’est le mois du ramadan. Lorsque Saïd et moi avons décidé de réaliser ce vieux rêve de partager une tranche de vie avec des nomades berbères, nous ne savions pas exactement quand cela aurait lieu. La date a été plusieurs fois reportée : On part dans trois semaines. Non, finalement pas avant un bon mois. On part dans quinze jours, il a plu, il y a de quoi brouter pour les bêtes ! Mais ce sera pendant le ramadan…
Le but de notre voyage étant de vivre avec et comme eux, la transhumance dans les montagnes de l’Atlas, il faudra donc jeûner pendant les six jours. Saïd est guide de montagne, berbère, musulman vivant actuellement en France. Je sens bien que ce retour aux sources travaille les tripes de ce fervent défenseur de la culture berbère. Moi je suis français, athée et passionné par l’Afrique.
Lorsque nous rejoignons la famille sur le plateau, c’est le jour du grand départ. La kaïma, la tente des nomades berbères, est démontée. Elle ne sera pas remontée durant toute la transhumance. Longue de plus de dix mètres, sa mise en place prendrait trop de temps. Les lieux de campement sont toujours les mêmes d’une année sur l’autre. Plutôt rudimentaires, un petit muret en cercle pour le foyer de la cuisine et nuit à la belle étoile. Toute la petite troupe s’affaire, chacun connaissant son rôle. Le dernier dromadaire, un peu récalcitrant après cette longue période de chômage technique (peut-être craint-il le long chemin qui l’attend), est chargé, et nous voilà partis. Adieux émus à notre arracheur de dents préféré, généreux et attentionné. Au fil de ce voyage, je me rends vite compte que ce sont les deux adjectifs qui qualifient le mieux le peuple berbère.
Premiers contacts timides
Notre famille d’accueil se compose donc de douze membres : Lahcen, le chef de famille, qui a accepté de partager un bout de chemin avec nous, sa femme et leurs neuf enfants. Brahim, son beau-frère, dont la famille est restée dans le djebel Saghro cette année, mais dont le troupeau a transhumé.
Une deuxième famille fait partie du voyage : Loho, la mère, et ses deux fils, Mouhend et Idir ainsi que les deux jeunes enfants de ce dernier.
Les premiers contacts pour ma part sont timides. Il faut que je trouve ma place, que je me fasse discret. J’apprends vite le berbère de sur- vie : Bonjour, merci, comment ça va, de l’eau, du pain, je suis fatigué… C’est sans doute la première fois qu’ils côtoient de si près un Occidental, je deviens une petite curiosité.
En effet, quelle drôle d’idée de parcourir les montagnes avec eux et en plus, je fais le ramadan. Mais je crois que le respect de leur culture a contribué à l’excellent accueil qu’ils m’ont accordé. L’adoption est scellée lorsque dès le deuxième jour, au coin du feu, sous les étoiles, et, transis de froid, ils m’ont rebaptisé Moha. Assez vite Saïd et moi avons revêtu le burnous (sorte de djellaba épaisse) pour les soirées très fraîches.
Même si la météo a été parfaite durant ce périple, comme dans toutes les montagnes entre 2 500 et 3 300 m d’altitude, dès que le soleil se couche le froid s’empare de celles-ci. Et là commence la bataille. Notre équipement, que nous avons voulu relativement succinct, ne suffisant pas. Alors, gentiment, nos hôtes nous recouvrent d’épaisses et piquantes couvertures de laine de dromadaire et de mouton qu’ils tissent eux-mêmes. La veillée éclairée par l’astre lunaire est le moment d’échange et de chaleur humaine dans tous les sens du terme.
Les hommes sont ensemble, les uns contre les autres pour se tenir chaud, recouverts de couvertures. Ils se racontent l’étape de la journée, celle du lendemain. Dans le coin cuisine du campement, là où il y a le feu, ce sont les femmes et les jeunes enfants qui parlent et rigolent.
Un mode de vie ancestral
Le troupeau familial compte 400 têtes : 200 chèvres et 200 moutons à l’épaisse toison. La caravane, elle, comprend quinze dromadaires et trois ânes. Chaque étape de la transhumance se fait sur le même rythme. Réveil à 4 heures pour manger avant le lever du soleil, puis chargement des bêtes de somme pour un départ vers 7 heures, caravane et troupeau confondus. La caravane, en tête, rejoint vers 14 heures le campement du soir d’une seule traite, hormis quelques arrêts nécessaires pour resserrer le chargement avant d’aborder les descentes. Arrivés au bivouac, les animaux sont déchargés et après un court moment de repos, les tâches
sont réparties.
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Le fils aîné, Mouhend, s’occupe de praire les dromadaires tandis que les filles vont chercher des steppes sèches pour la cuisson et préparer le repas du soir. Les hommes partent en montagne couper des coussinets épineux mais encore verts (steppes à xérophytes épineuses qu’on ne trouve qu’entre 2 000 et 3 500 m). La partie sèche de la plante est brûlée avant d’être chargée sur le dos pour redescendre au campe- ment. En fin d’après-midi, la famille participe ensuite à l’écrasement des plantes qui serviront à nourrir les dromadaires.
Saïd discute beaucoup avec Lahcen et Brahim sur leur mode de vie. Ce nomadisme est sans doute amené à disparaître. Les Berbères Aït Atta sont les plus renommés parmi les nomades, même si certains sont devenus des cultivateurs sédentaires exploitant des jardins et des vergers dans le massif du Saghro. Mais la pluie a été rare ces dernières années. Du coup, l’absence de pâturages dans les régions traversées à pied pour rejoindre les terres du sud les a forcés à s’adapter en utilisant d’autres moyens de transhumance : les troupeaux sont acheminés par camions jusqu’à Sous (sud-ouest) où l’herbe là- bas est assurée.
L’hiver, ils bougent selon la pluie et les pâturages pour nourrir leur troupeau. C’est pour préparer cette saison d’hiver que les nomades se retrouvent une fois par an vers la ville de Tinghir. C’est un immense marché où ils se rencontrent, échangent leurs troupeaux contre des dromadaires, ou le contraire, achètent des vêtements et font des provisions pour toute la saison d’hiver.
Quelques tentatives de scolarisation des enfants ont été faites notamment en les confiant à des proches sédentarisés. Mais en vain. Au bout d’une semaine de classe, les enfants prenaient la fuite pour retourner sous la tente familiale. Et lorsque nous les voyons vivre tellement à l’aise en parcourant les montagnes, nous comprenons qu’ils puissent avoir le senti- ment de perdre leur indépendance. Leur vie est dehors, dans la nature qu’ils connaissent parfaitement dès le plus jeune âge. Questionnées sur une éventuelle sédentarisation, les trois générations présentes disent non sans hésitation, qu’elles tiennent à rester fidèles à leur mode de vie, à leurs ancêtres et aux traditions familiales.
L’endurance et dîner frugal
Al maghrib, le couchant, il est 18 heures. Le bêlement du troupeau se rapproche, avec l’arrivée des bergers, la famille sera au complet. La rupture du jeûne est dans l’esprit de chacun.
Le menu est toujours le même, plutôt frugal : galettes de pain (préparées quotidiennement), huile d’olive, thé, beurre et soupe à base de farine de lentilles. Rarement de légumes car leur conservation est trop difficile. Parfois un agneau est égorgé pour être cuisiné. Et voilà comment perdre quatre kilos en six jours, je pense qu’il y a un concept à développer pour la presse féminine occidentale : Perdez vos kilos en vous rapprochant des peuples.
Durant la nuit, la garde est montée. Les bêtes n’étant pas enfermées dans un enclos, ils doivent veiller à ce qu’elles ne s’éloignent pas, et qu’elles ne se fassent pas attaquer par les chacals présents dans la région. L’endurance et la force de cette famille m’impressionnent. Des paysages lunaires à plus de 3 000 m d’altitude, aux gorges rouges annonciatrices de la vallée de Dades, en passant par des fonds de vallées verdoyantes, plus d’une centaine de kilomètres ont été par- courus en six jours. Le rythme de marche est le même que s’il avait été fait en dehors du rama- dan. Parfois Lahcen, le chef de famille, doit faire deux étapes en une pour déposer des rations de ravitaillement, afin d’alléger les bêtes de somme. Sans compter toutes les tâches journalières inhérentes à la vie des nomades, toutes plus physiques les unes que les autres.
L’approche de la traversée de la route goudronnée commence à nous rendre nostalgiques, Saïd et moi. C’est là que nous repartirons sur Marrakech tandis qu’eux, poursuivront leur transhumance dans les montagnes du djebel Sahgro. Ces jours passés loin de tout dans ce désert minéral, avec pour seules rencontres d’autres familles de nomades, ont fait écho en nous, à des besoins vitaux d’espaces et d’abandon du superflu. Le regard bien-faiteur permanent de Lahcen et sa famille nous ont permis de vivre une expérience pleine d’humilité, d’humanité et de liberté.
D’ailleurs le mot berbère ne veut-il pas dire homme libre ? Saha veut dire « merci » : Tanmerte Lahcen.