Une randonnée mythique : Collioure-Cadaqués est sans aucun doute l’une des randos les plus célèbres en France. Depuis sa création, voici un quart de siècle par le voyagiste à pied Randonades, son succès ne se dément pas. Ce n’est pas un hasard : Collioure-Cadaqués est vraiment un bel itinéraire, imaginatif et varié. Comme beaucoup, je m’attendais à marcher le long de la côte pour découvrir quelques ports et des calanques plus ou moins secrètes avant d’aboutir dans le fief de l’excentrique peintre Salvador Dali. Certes, mais pas seulement.
Jour 1, de Sorède à Collioure
+ 622 m / – 805 m 16,4 kmLa rando s’appelle Collioure-Cadaqués mais Collioure nous ne l’atteindrons que ce soir. La rando débute en fait sur les hauteurs d’Argelès, près du village de Sorède, en pleine campagne. Plus exactement en pleine forêt. Bien belle d’ailleurs : des chênes verts et des chênes lièges. Comme entrée en matière, ça se pose là ! Même si les raidillons s’enchaînent les uns après les autres. Cette première journée est sans doute la plus grosse de la semaine, ou pas loin.
Passée une première crête, les sentiers -balisés en jaune, des itinéraires de « petite randonnée »- deviennent franchement plaisants. La mer apparaît parfois au loin, dans une trouée de la végétation, à main gauche. De l’autre côté, le décor est très sauvage : de profonds ravins et un maquis qui semble impénétrable. En ce beau dimanche de début d’automne, les promeneurs sont assez nombreux. Les trailers aussi. Et tout ce petit monde a comme but, ou en revient, la tour de la Massane. D’ailleurs nous l’apercevons bientôt. Plantée sur l’un des sommets du massif des Albères, elle veille là depuis sept ou huit siècles. Je laisse mon sac à dos et mes bâtons au bord du chemin pour la contempler de près. Et profiter du beau panorama qu’elle offre sur le massif du Canigou.
Après le pic-nic, commence la longue descente vers la côte. Agréable et tranquille. Par des chemins oubliés, on traverse une nouvelle fois une suberaie -une plantation de chênes- qui vient d’être remise en exploitation. Un peu plus bas, au sortir d’un virage, apparaît une table de camping recouverte d’une nappe et garnie de pots de confiture et autre gelée de pommes. Un libre-service : l’amateur se sert et met les sous dans une boîte. Sympa !
L’entrée dans Collioure n’est pas bien drôle : les files de voitures garées font penser à l’afflux dans un vide-grenier du dimanche ! Qu’est-ce que ce doit être en pleine saison et hors pandémie… Mais les premiers mètres entre les bâtisses font oublier cela instantanément. Quel charme ! Et puis, divine surprise : ce soir, nous dormons à l’auberge des Templiers ! Dans l’établissement historique au cœur du village, où en temps habituel il est seulement question d’y dîner. Là où ont séjourné Picasso, Derain, Matisse et tant d’autres peintres. Un monument de Collioure, peut-être même aussi connu que son imposant château des Rois de Majorque.
Jour 2, de Collioure à Banyuls
+ 651 m / – 658 m 15,2 kmQu’est-ce que ce village est beau ! Même dans la lumière blafarde de ce matin d’automne où le ciel hésite beaucoup. Je comprends la passion de tous ces peintres pour Collioure, leur enthousiasme. Dernière promenade au pied des impressionnants remparts du château, le long des petites plages jusqu’à l’admirable église ND-des-Anges avec son gigantesque rétable du XVIIIe s. Une balade sous l’égide d’Henri Matisse et André Derain qui ont fait naître ici, à l’été 1905, une révolution nommée fauvisme dans une explosion de couleurs.
Trêve de poésie, on ré-attaque. D’abord jusqu’au fort de Madeloc, sur la première ligne de crête, en passant sous le fort de St-Elme par le petit col de Mollo. Rien de bien rude. C’est ensuite que la montée devient plus piquante. Ça grimpe sec, le long de vignes ! Pas besoin de longues explications pour comprendre pourquoi le vin de Collioure et de Banyuls est aussi cher : aucune machine n’est possible ici. C’est la main de l’homme qui fait tout le travail. Et jusqu’au sentier sur lequel nous marchons ensuite, sur un bon km et demi. Les promoteurs du Collioure-Cadaquès l’ont en effet aménagé pour la beauté de leur circuit. Chapeau ! Tout comme d’ailleurs encore quelques autres tronçons plus loin que je découvrirai au fil de la semaine. En attendant, je ne me prive pas de faire quelques incursions entre les rangées de vignes. Çà et là, les vendangeurs ont laissé pas mal de grappes de raisin et elles sont incroyablement sucrées. Un régal. Le soleil tape dur, d’odorantes effluves de thym et de serpolet me montent aux narines.
Plus j’avance, plus je trouve la rando sympa. Les sentiers se succèdent d’abord en balcon autour de la montagne, puis carrément sur l’arrête ou presque. La vue est super dégagée. Au loin apparaissent ainsi les ports de Collioure et Port-Vendres, minuscules mais reconnaissables. Et c’est la longue et agréable descente vers Banuyls, sur le GR 10. A l’arrivée dans la cité viticole, les rondeurs d’une magnifique statue d’Aristide Maillol -un grand sculpteur né ici et qui y a un beau musée- nous accueillent face à la mer.
Collioure-Cadaqués : une histoire d’amitié
Le Collioure-Cadaqués est vraiment un circuit mythique, celui dont le succès ne se dément pas depuis sa création en 1996. Année après année, il figure dans le top 5 en France, celui qui draine le plus de randonneurs, presque à égalité avec le tour du Mont-Blanc. Le Collioure-Cadaqués a donné son nom à une collection de vêtements. Même à une carte au 1/50 000ème, sans doute la première dont le nom n’est pas l’indication géographique!
L’un des quatre fondateurs de l’agence pyrénéenne Randonades, Bruno Marin, en est le créateur. Sportif d’excellent niveau, Bruno Marin s’est fait un nom dans le cyclisme avant de plonger dans le monde du tourisme. Où il a enfin réalisé son projet. Catalan dans l’âme, ayant toujours vécu entre Collioure -où il a appris à nager- et Cadaqués, il explique que ce circuit était pour lui “une évidence”. Avec quelques copains, Bruno s’est attelé à la tâche avec enthousiasme. Sans rechigner, même lorsqu’il a fallu manier pelle et pioche! Quelques tronçons du circuit sont nés ainsi.
Entre le cap de Creus et Cadaqués, Bruno Marin, toujours avec ses copains, a réaménagé un vieux sentier côtier qu’un berger lui avait expliqué. Pas une mince affaire, car il s’agissait de débroussailler et terrasser sur plusieurs kilomètres! Quelle n’a été leur surprise de tomber sur des habitants de Cadaqués qui dégageaient le chemin en sens inverse. “On s’est retrouvés à mi-chemin, raconte Bruno Marin, car le conseil municipal avait décidé la remise en état. Une sacrée coincidence.” En ajoutant que le Collioure-Cadaqués est aussi une grande histoire d’amitié. “Le circuit n’aurait pas pu se faire, dit-il,”si un certain nombre de gens n’y avaient pas cru aussi. A commencer par des hôteliers, et non des moindres, qui se sont engagés en prenant un sacré pari.”
Jour 3, de Banuyls (Colera) à Llança
+ 407 m / – 403 m 16,6 kmJournée de transition, au propre comme au figuré. Elle voit en effet le passage de frontière. En minibus, car le groupe est transféré de Banuyls jusqu’à Colera, en Espagne, par-delà l’imposante gare ferroviaire de Port-Bou. Une version plus « musclée » de ce Collioure-Cadaquès, donc sans transfert, est à l’étude. Dans un proche avenir, qui sait. En attendant, c’est déjà pas mal du tout. Ici, la rando débute dans la zone naturelle protégée du massif des Albères. Après la traversée d’un hameau, abandonné mais dont l’une ou l’autre maison reprend vie, nous voici dans le maquis parsemé de pins. C’est un joli dégradé de verts dans tous les tons, ça sent bon la sauge et le romarin.
Ce jour-là, la « salle à manger » du pic-nic est tout bonnement extraordinaire : nous sommes installés en haut d’un amphithéâtre naturel de mamelons rocheux et de vallons dévalant jusqu’à la mer d’un bleu azur, loin devant moi. J’ai du mal à m’arracher au panorama ! La descente ensuite vers le bourg de Llança est sympa. Des sentiers en balcon, offrant une large vue dégagée, survolés par des nuées d’hirondelles. Des centaines et des centaines d’hirondelles. Je n’en ai jamais vu autant à la fois, quel spectacle fascinant.
En arrivant sur les hauteurs de Llança, la vue porte très loin depuis les montagnes. A main droite, s’étale la plaine de Rosas, à gauche la baie du même nom, qui est tout simplement la plus grande d’Europe.
Jour 4, de Llança à Port de la Selva
+ 663 m / – 645 m 16,4 kmL’évènement de la journée, c’est la visite du monastère bénédictin Sant Pere de Rodes. Cet imposant et magnifique ensemble, dont je ne soupçonnais mème pas l’existence, domine la plaine de l’Empourdan. La montée vers les ruines est longue mais agréable, sur l’ancien chemin empierré qui le desservait depuis Llança, au Moyen Age. Voilà qui donne une idée de l’importance de l’abbaye en son temps. Elle a été érigée à partir du Xe siècle sur les premiers contreforts des Pyrénées. En marchant, je peux d’ailleurs encore voir le Canigou, auréolé de nuages.
Lorsque le monastère m’apparaît, en toute fin de matinée, je suis stupéfait : de grandes constructions massives, ramassées sur elles-mêmes et surmontées de hautes tours et clochers. C’est immense, tout à fait inattendu. Je prends beaucoup de plaisir à arpenter les lieux pendant un bon moment, à admirer là des bas-reliefs, là un chapiteau de colonne joliment sculpté dans le cloître. Mais avant cela, j’ai encore grimpé au château de Verdura, un autre ensemble de ruines médiévales qui dominent Sant Pere de Rodes.
Dans l’après-midi, le cœur léger et l’esprit repu, j’entame la descente. Une belle et agréable marche. Au passage, un tout petit détour pour admirer un dolmen. Vieux de 4 000 ans, il présente une table creusée de cupules toutes reliées entre elles et qui représentent une constellation. Il y en a pas mal dans la région. Nous sommes déjà dans le parc naturel du Cap Creus, dont le siège administratif se trouve d’ailleurs au monastère. Arrivé à Port de la Selva, un village riant et coloré, la journée est déjà bien avancée. Se pose alors une grave alternative : assister à la criée, au retour des pêcheurs, ou aller se baigner ? Le choix est vite fait : plouf !
Jour 5, de Port de la Selva à Cadaqués
+ 412 m / – 363 m 13,7 kmAu loin, la figure tutélaire du monastère semble encore veiller sur nous pendant que nous nous enfonçons dans le massif du cap de Créus. D’abord sur des chemins carrossables qui courent entre des murs de pierre sèche, de part et d’autre. Ils ont deux, parfois trois mètres de haut : je me dis que ceux-là ne sont pas nés du jour au lendemain, qu’ils ont nécessité pas mal d’huile de coude ! Puis sur d’agréables sentiers. Notre petit groupe passe juste devant un immense micocoulier. L’arbre dissimule presque une belle et ancienne construction, l’ermitage Sant Baldiri.
Parvenu au sommet des collines, s’ouvre devant nous une vue magnifique : la mer, d’un bleu profond, s’aventure dans des criques plus ou moins profondes entre des langues de maquis, une terre sauvage. Le genre de panorama où naît une vocation de marin ou d’explorateur. « C’est la photo qui fait vendre le Collioure-Cadaqués » me lance le guide, Philippe. Lui qui est déjà venu là des dizaines et des dizaines de fois, est une fois de plus sous le charme. Tout comme nous, évidemment. Puis, avant ou après le pic-nic suivant l’humeur de chacun, séance baignade à la plage de Taballera . Presque personne à part notre groupe, sinon une famille naturiste que notre arrivée ne gène aucunement.
La progression vers Cadaqués reprend. Bientôt apparaissent les premières maisons : Port Lligat. Des barques se balancent sur l’eau devant quelques maisons tranquilles. Le hameau est mondialement connu : c’est ici qu’avait élu domicile le génialissime Salvador Dali. Grâce à lui, le temps n’a pas eu de prise sur les lieux. Le grand maître s’opposait à tout ce qui pouvait gâcher le paysage.
Jour 6, de Cadaqués au Cap Creus et retour
+ 330 m / – 374 m 18 kmLe cap Creus: un endroit phare -au propre comme au figuré- et emblématique. C’est l’endroit le plus à l’est de toute la péninsule ibérique, coiffé d’un phare. Aussi un endroit clé dans la vie, il a passé de longues années ici, et l’oeuvre de Salvador Dali. Autant le dire d’emblée, moi aussi j’ai adoré. Voilà qui clôt en beauté cette magnifique randonnée Collioure-Cadaqués!
Devenu une réserve intégrale dans le parc naturel du cap Creus, Tudella est particulièrement spectaculaire. Le vent a sculpté la végétation. Les genèvriers, particulièrement nombreux, poussent couchés. C’est là qu’était installé, en bord de mer -aujourd’hui démontée et couverte de moutons- un Club Med jusqu’au début des années 2000. Il n’en reste plus rien, si ce n’est trois pieux métalliques, symboliques. La région Catalogne a expurgé toute trace, pour laisser un site originel. Celui qu’a connu Dali dans les années 1930 avec ses rochers aux formes torturées et évocatrices que l’on retrouve dans ses toiles.
Au retour, le sentier dévoile quelques mignonnes criques. Derrière de beaux oliviers, se laissent deviner des propriétés somptueuses. Cette côte ne laisse personne indifférent.
Informations pratiques
Ce reportage a été réalisé dans le cadre du Collioure-Cadaqués, un circuit accompagné de niveau 3 au départ de Perpignan, d’une durée de 7 jours/6 nuits. Il est proposé par Randonades, une agence indépendante et artisanale. Basée à Prades (66), elle est spécialiste des séjours de rando avec ou sans guide dans toutes les Pyrénées et rien que dans les Pyrénées. Elle a été fondée par quatre accompagnateurs pyrénéens qui conçoivent, et encadrent, tous les circuits proposés.
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !
Hello ! Superbe chronique.
Bivouac possible le long de l’itinéraire ? Et quid des points d’eau ?
Merci Minacz ! Oui, il y a des possibilités de bivouac tout le long de l’itinéraire et même près des principaux hauts lieux touristiques comme Collioure.
Pour les points d’eau, dans la traversée des villages (cimetière par exemple), mais assez rares de fait.