+1700m/-825m
Il est des itinéraires que l’on rêve de faire, des projets que l’on trouve fous. Traverser les Pyrénées avec des sacs de moins de 8kg en empruntant des itinéraires comme celui d’aujourd’hui en fait partie. Une journée pleine de moments forts, tantôt stressants tantôt exaltants terminée par un bivouac magnifique.
Vignemale, grimpette et moments forts.
Comme d’hab’, débout à 6h20, départ 7h20. La montée au col d’Arratille est rapide, le lac est vraiment quelques mètres sous le col et on ne voit aucun lieu de bivouac alentour.
Voici le Vignemale. Il se rapproche et mon coeur commence à battre plus fort. J’ai vraiment envie de le grimper aujourd’hui mais il y a tellement d’incertitudes (météo, technicité de l’ascension) que j’essaie de ne pas me faire trop d’illusions. Mon genou me fait toujours mal lorsque je force dessus, pourtant je me gave d’eau depuis deux jours pour faire passer cette tendinite – si s’en est une… On verra.
Le chemin à flanc entre le col d’Arratille et les col des Mulets est une aubaine: il passe à flanc dans des éboulis, la pente est forte c’est à se demander comment le chemin s’est construit et pourquoi il n’a pas encore été emporté !
Encore des névés à descendre aujourd’hui: glissades ! Après avoir réglé mes bâtons suffisamment longs, c’est nickel: stabilisé par les bâtons en appui derrière je glisse en me faisant plaisir.
1200m entre le sommet et la vallée, 800m de paroi, Nico n’est pas impressionné, tout juste s’il prend le temps d’admirer quand on s’arrête au refuge des Oulettes. Dommage je trouve.
On rencontre des mecs qui suivent la même route que nous: ils prévoient de dormir à la brèche de Roland demain soir, comme nous !
C’est reparti: direction la Hourquette d’Ossoue 600m plus haut, mais cette montée je ne l’ai pas sentie passer, obnubilé par la vue sur le Vignemale et ses voisins durant toute la montée. Le petit Vignemale, la Pointe Chausenque, Le Piton Carré et la Pique Longue: cette crête m’obsède depuis quelques temps déjà, j’irai la voir de plus près… Mais un autre jour!
On ne s’arrête pas à la Hourquette d’Ossoue, nous voici au refuge de Baysellance, rénové. Je le visite sans savoir ce qui a changé (la cuisine je crois), l’intérieur est superbe. Tout en bois, rustique mais très agréable. Des mecs sont en train de bidouiller sur un ordi portable, le contraste est marrant. Nico s’en fout, il n’entre pas, dommage (bis).
Près du refuge on écoute un connaisseur du coin nous parler d’un moyen de rejoindre le glacier en traversant l’arête du Petit Vignemale pour éviter d’avoir à descendre 150m pour la contourner. Mais il nous décrit un terrain "un peu pourri", pas d’hésitation on choisit de… contourner !
La météo? Ensoleillé avec risque d’orages l’après-midi.
On descend donc jusqu’à l’embranchement (plutôt facile à repérer) puis à droite. Quelques dalles pentues où il faut faire attention, la moraine puis nous voilà au bas du glacier. Il est 13h30, la plupart des gens ont déjà fait le sommet et redescendent, aucun n’est encordé. Ils enlèvent leurs crampons et rangent leurs piolets en nous regardant monter en basquets avec nos sacs de pic-nique. Je crois qu’ils se posent des questions !
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En même temps il faudra qu’on observe l’état général du glacier pour savoir par où redescendre demain matin: le glacier ou la crête.
Quelques randonneurs sont aussi sur le chemin de l’ascension, ils passent par le glacier. Nous prenons par les rochers à gauche et à voir la différence de progression, ça monte mieux sur la caillasse! Nous dépassons plusieurs cordées en train de peiner sur la neige molle, mais je sais que le plaisir de cette ascension c’est aussi de remonter tout le glacier.
En fait on se rend compte que lorsqu’il n’y a pas trop de neige, il est possible de monter très haut par les rochers avant d’emprunter le glacier.
Le Montferrat et sa crête Est.
Toute la zone rocheuse au bas du glacier où nous sommes est traversée par des torrents qui créent des pièges: en passant sous les névés ils les creusent et les fragilisent, il faut faire attention quand on passe dessus: mieux vaut ne pas y tomber…
Difficile d’avoir une vue d’ensemble mais ça passe quasiment partout, on fait quelques petits pas d’escalade quand même. Pendant un moment on suit des cairns, je m’aperçois un peu trop tard qu’ils montent vers le glacier plutôt que d’aller vers l’arête alors on bifurque à gauche, naviguant à l’estime vers elle.
Le coeur accélère encore un peu, pas d’orage en vue, on y va. Après quelques pas en adhérence on rejoint une veine plus sombre sur la droite où ça devient plus facile. Nous voilà sur la crête, c’est superbe. Le glacier à droite, la vallée qui mène à Gavarnie derrière, on est sur un nuage.
Le Montferrat est face à nous, une grande pente qui semble facile nous attend. Mais on ne sait jamais, je passe en mode "attention": il faut maintenant être attentif à ne monter que ce qu’on pourra descendre. Cela semble simple, mais en pratique il faut être capable de prendre du recul par rapport à la situation: surtout ne pas se laisser emporter par l’envie de monter.
Après avoir longé un névé, on laisse la crête sur notre droite: difficile à atteindre et constituée de blocs elle semble plus difficile à négocier que la grande pente de caillasses à sa gauche. Au début on monte rapidement plus ou moins à quatre pattes. Le rocher n’est pas très sûr, mais comme la pente n’est pas très prononcée, ça va. Plus haut ça se redresse, on verra. Avant de continuer je dis à Nico: "si tu as le moindre doute, si tu commences à croire que ça va pas le faire quelque soit la raison, tu me le dis, ok?". Je sais que dans ce genre de situation, le mental est l’essentiel. Si on commence à flipper, c’est grave. Il faut s’arrêter avant.
"Ok" il me répond.
On y va, ni stressé, ni cool, sans oublier de prendre des photos cette fois!
La pente s’accentue encore et ça commence à craindre, aucun des cailloux qui tombent ne s’arrêtent… On ralenti pour prendre un maximum de précaution, il faut tester chaque prise et faire attention à rester décalés pour ne pas qu’une caillasse déséquilibre ou blesse celui qui est dessous.
Nico descelle un bloc gros comme son sac et le remet sans le faire tomber. Bon visiblement ça craint. Je prends une photo puis décide de traverser sur la droite: la crête a l’air plus praticable maintenant.
La traversée n’est pas évidente mais une fois sur la crête on ne le regrette pas: le rocher est bon, on peut enfin grimper en se faisant plaisir.
Plus haut on quitte à nouveau la crête pour aller vers le sommet par des pentes faciles.
On se tape dans les mains comme à la Table des Trois Rois, Nico a assuré un max sur ce coup là. 3219m, record battu pour Nico !
"Que du bonheur": on marche sur un fil tendu entre des abimes à gauche (2400m de vide) et le glacier d’Ossoue à droite. Les quelques passages délicats rajoutent un peu de piquant, personnes sujettent au vertige s’abstenir !
Personne sur toute la crête, le glacier s’est presque vidé.
Seules deux personnes restent curieusement perchées à mi-chemin entre Le Vignemale et le Pic du Clot de la Hount, sur la crête.
On passe par le Cerbillona, encore un 3000m, quand on arrive aux grottes Russel situées tout en haut du glacier, tout le monde est reparti sauf ces deux là qui sont en train de redescendre lentement.
Sur la photo on distingue le sommet du Vignemale à droite et le Pic du Clot de la Hount à gauche ainsi que les trois grottes Russel 150m sous le Pic tout près du glacier. Une quatrième grotte se trouve juste sous le sommet du Vignemale.
La grotte du bas est accessible, on y laisse nos sacs pour aller au sommet. Nico soupire qu’il se serait bien passé d’avoir à y aller… Je ne le comprends pas des fois.
150m d’escalade, c’est la deuxième fois que j’y viens. Après la première dalle il faut rester bien à droite et surtout ne pas aller vers les rochers rouges à gauche où c’est plus délicat.
Nous voici au sommet, 3298m. Personne sauf nous. Dommage pour la vue, la visibilité est mauvaise mais on est heureux d’y être arrivés.
On regarde notre itinéraire d’aujourd’hui et celui de demain, normalement on ira jusqu’à la brèche de Roland que l’on distingue à peine à l’est. Sur la crête, on a observé le glacier d’Ossoue, c’est ok demain matin on redescendra par là.
Du sommet on entend les gars se parler, apparemment tout ne se passe pas comme voulu. On redescend et arrivés en bas un des mecs attend l’autre qui ne tarde pas à arriver. Ils ont dû mettre 45 minutes pour désescalader les 150m… Il est 16h30.
Ca commence très fort, le premier nous demande:
– "c’est lequel le sommet du Vignemale ?"
Après un moment de stupéfaction, je le lui désigne du doigt.
– "mince encore raté. Deuxième fois, deuxième échec". Il me répond.
Là je me dis qu’il déconne mais je veux en être sûr.
– "Deuxième échec?"
– "Ben la dernière fois on est partis par la vallée de Gaube, après le refuge s’est trompé, on a été au col des Mulets. Là on a compris qu’on s’était trompés…"
Ouch. On encaisse sans s’écrouler de rire en moment, mais c’est plus fort que nous. Il rajoute:
– "faut croire que je sais pas me servir d’une carte".
Donc en plus ils ont la carte ! On se met à rire franchement mais les mecs ne se prennent pas au sérieux (heureusement) et rigolent avec nous.
"ouai ouai c’est ça foutez vous de notre gueule".
Le deuxième met ses crampons 12 pointes et sort son piolet.
On leur demande s’il dorment ici, "non non on redescend dormir au chaud" puis à quelle heure ils sont partis.
– "Ah non, ça c’est pas la question à nous poser" dit-il en rigolant.
– "On est partis du barrage à 7h15, au lieu des 4h que des potes nous avaient annoncé, on a mis 7h30…"
– "Et loupé le sommet" on rajoute. Ils rigolent: "la honte".
Quand on leur répond qu’on est Brestois et qu’ils voient nos godasses, ils répètent "Rhooo la hooonte…".
Le deuxième nous raconte quelques anecdotes marantes sur une expé qu’il a faite au Népal, puis à 17h on se sépare en rigolant avec d’autres vannes: "Ne vous perdez pas hein !".
– "Putain ils sont stupéfiants ces mecs, comment il ne leur est rien arrivé de grave encore ?"
– "En tout cas super sympas".
De retour à la grotte il va nous falloir accomplir le rituel: la toilette du soir…
Pas le choix, il faudra se laver avec la neige. On a finit depuis longtemps toute l’eau et le gaz est trop précieux: on en aura besoin pour faire fondre suffisamment de neige et avoir 4L d’eau ce soir.
Nico s’y colle en premier et pose pour la photo.
On se marre bien, mais c’est pas évident, surtout pour ce rincer !
Dans la grotte il fait frais et on a envie de voir le coucher de soleil. On décide donc de bivouaquer au col entre le Cerbillona et le Pic du Clot de la Hount.
Vers 18h un brouillard soufflé par le couloir de Gaube arrive et enveloppe tout le glacier ainsi que les crêtes alentour.
Nous sommes juste à l’interface, des remontées d’air sec du côté espagnol nous protègent.
Pendant 30 minutes, alors qu’on dîne, on entend des voix dans le brouillard sans savoir si c’est des grimpeurs qui viennent de la face nord ou des randonneurs sur le glacier.
Peut-être ont-ils besoin d’aide, je vais voir: deux randonneurs cherchent la grotte sous le sommet pour y bivouaquer, je leur indique le chemin et redescend.
Le coucher de soleil est brumeux mais beau, on se couche sans monter l’abri, les yeux dans les étoiles: le ciel s’est dégagé en soirée.