Le prix de la combativité est attribué à … (pour celui de la bêtise, pas de suspens, il est pour moi)

Le prix de la combativité est attribué à ... (pour celui de la bêtise, pas de suspens, il est pour moi) - Trek entre Kerlingarfjöll et Dreki

Focus Rando :Le prix de la combativité est attribué à … (pour celui de la bêtise, pas de suspens, il est pour moi)

A ma grande surprise, je me réveille assez tard. Bien après l’ultimatum des 8h00.

Le vent s’est arrêté. Arrêté un bien grand mot. Juste il ne secoue plus le refuge comme un prunier. Rasséréné (rassénéré???) par ce calme nouveau, j’abondonne l’idée de déclencher les secours. Surprise au thermomètre, il fait 3°C dehors. Trois jours qu’il n’a pas fait aussi chaud. Le risque de neige est en train de s’éloigner. Le baromètre aussi commence à remonter. Au plus bas, j’étais à 992 hPa. A 994 maintenant, y a pas à dire, le beau temps revient.

Dehors, l’impression est plus mitigée. le brouillard est pour le moins intense, autant que hier après midi. Je dois absolument sortir aujourd’hui si je veux boucler mes 70 bornes d’ici vendredi aprèm.

J’attends le milieu de matinée pour me lancer.

Pas de pluie, quasiment plus de vent, le brouillard est très épais. Mon premier point gps est à 7 km vers l’est. j’ai décidé de ne pas faire fonctionner mon gps en continu pour économiser les batteries. On ne sait jamais combien de temps le brouillard pourrait durer. Dans le silence, enfin le premier moment calme depuis trois jours, j’entends couler une petite source à une cinquantaine de mètres du refuge. La source. L’eau sort de la roche en un petit filet sur une dizaine de mètres avant de redisparaitre, absorbée par le sable. Je n’arrive à la découvrir qu’au bruit, le brouillard est tellement intense que la visibilité est inférieure à 50 mètres. Sans mes traces de pas, je serais déjà incapable de retourner au refuge. Je remplis ma gourde, car j’ai déjà fortement entamé les réserves que j’ai faites hier. En fait, j’ai plus rien. Je ne remplis que la gourde. On fera avec 1.5 litre. Faudra économiser.

Je chausse le sac à dos. Allume le gps, prends le cap, l’éteind. On voit à peine la lueur du soleil à travers le brouillard; il est à l’est, dans la direction que je veux prendre. ca va m’aider pour tenir le cap. Je pars presque en courant. Mission commando. The great escape. Ne pas se retourner, je sais que ça va être flippant dans ce fantastique champ de lave. immédiatement, je perds les balises de la piste. Ce n’est pas grave, je ne me faisais aucune illusion sur la possibilité de suivre la trace. Je sais juste qu’il me faut atteindre le prochain point gps avant de passer au suivant et ainsi de suite jusqu’à ce que je descende assez bas pour sortir de la purée.

Je marche sur les blocs de lave. J’essaie d’aller le plus droit possible. De temps en temps je tombe sur une balise, me confortant sur le chemin que je suis tel une phalène attiré par la vague lueur du soleil. Une heure dans le chaos le plus absolu, c’est démentiel. Il est temps de faire un point gps, voir si j’ai bien progressé. Le point était à 7 km du refuge. Voyons voir…

9 km. Le coup de massue. J’en tombe par terre. Comment j’ai pu me tromper autant? Que j’avance pas très droit, certes, mais de là à faire demi tour…

Je suis nul. Je suis allé jusqu’à avoir la flemme de ne pas sortir la boussole du sac. Je me suis pris pour un oiseau migrateur au-dessus de l’océan, un saumon remontant les rivières pour aller frayer, une tortue de mer se précipitant vers l’eau. Comme si j’avais un compas dans le crane. Sans doute que j’en ai un, mais j’ai dû l’enfoncer un peu trop loin dans le cervelet. Quelle stupidité. La bêtise absolue! j’ai commis des erreurs jusqu’à maintenant, mais rien de semblable à celle-là. Là, c’est l’erreur de la négligeance. Je suis tellement sûr de moi dans mes facultés d’orientation que je n’ai fait aucun effort de préparation à la sortie.

Et je suis à 1000 mètres d’altitudes, à moins de trois kilomètres du Vatnajökull, le plus grand glacier d’europe. Une visibilité inférieure à cinquante mètres. Je n’y vois que du blanc et du noir. Rien qui puisse accrocher mon regard et me situer sur la carte. La première âme qui vive est à 70 bornes. Je suis paumé, complètement paumé, comme jamais je ne l’ai été. Je suis petit, très très petit.

Je ne sais pas où je suis. Marquons déjà ce point au gps et tentons de retourner au refuge. j’ai le moral dans les chaussettes. Je suis une buse. Jamais je n’ai été autant en colère contre moi-même. Ce coup-ci, gps allumé, fixé sur mon gant gauche, je pars droit sur le refuge. On abandonne l’idée de la grande évasion. En arrivant,je déclencherai la balise. Je suis trop nul, trop fatigué, trop démoralisé.

Déjà je comprends la source de mes erreurs de repérage. En fait, ce n’est pas la lumière du soleil que j’ai suivie, c’est la lueur des névés qui m’a attirée. Et j’ai tourné en rond.

Là le problème n’est plus le même. Je sais exactement où je vais, droit dessus. Bien sûr,ce matin je commettrai toutes les erreurs imaginables en orientation. Il y’a une montagne entre le refuge et moi. Je commence à l’escalader sans consulter la carte, puis vu mon cap, je me souviens que le refuge est situé sur le versant opposé et qu’il me suffit de la contourner. Elle n’est pas très grande dans mon souvenir. Ok pour le contournement.

800 mètres du refuge, 820, 840, 860, 880, 920, 980. Stop, je ne me souviens pas qu’elle était si imposante. Et je n’ai pas encore amorcé le virage. Merde. T’est un boulet. Plein le dos de marcher. T’y vas droit dessus. C’est ta punition. Tant pis pour ta gueule si tu dois faire mille mètres de déniv.

Je me contenterai de 300 mètres de montée, de quelques belles gamelles mémorables sur des pentes à 45° que je traverse latéralement. La roche est à nu. De grandes parois juste recouvertes par quelques centimètres de sable. Une erreur de pose du pied et zip, c’est la chute assurée. Ceci dit, je m’en sors pas trop mal et arrive au refuge en fin de matinée totalement nase et mon amour-propre décomposé. Honteux, penaud, minable.

 

Repos, réflexion. Déclenchement de la balise ou pas?

Suis je en danger? non

Je suis à l’abri, au sec. Une source dehors pour l’eau. J’ai de quoi manger pour trois jours encore sans me rationner.

En fait quel est mon problème? je suis coincé ici et les jours passent. Mon seul vrai problème est que je risque de rater mon avion.

Ai-je le droit de déclencher ma balise et appeler à l’aide pour ne pas rater mon avion?

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De mettre en danger des types qui viendront me chercher pour ce seul problème? Parce que les types qui vont venir vont devoir se frapper neige, brouillard, vent et je ne sais quelles autres difficultés pour venir chercher un gugusse qui s’est foutu là tout seul, qui est nul, incapable malgré ses outils de navigation de se barrer de là, et tout ça pour qu’il rate pas son avion.

Je me demande comment j’ai pu un seul instant avoir cette réflexion.

Enfin, un embryon de jugeotte. Le retour à la raison et à l’intelligence.

D’abord sortir la carte. Etablir davantage de points gps. Pas simple car pas de règle avant de me souvenir que ma boussole en a une. Il était temps que je la sorte du sac, quand même. Un point tous les km établi.

Ensuite rassemblement de toutes les piles à dispo. L’appareil photo est vraiment un objet secondaire, j’ai d’autres chats à fouetter aujourd’hui. Des piles neuves dans le gps. Deux autres jeux de piles neuves et un autre d’usagées dans la poche de ma parka. Les plus anciennes dans l’appareil photo. Ma balise de détresse a l’air de tenir le choc et continue à envoyer ces messages régulièrement: OK: tout va bien. Tu parles Charles, s’ils savaient… Curieux d’ailleurs de savoir comment mes proches interprêtent mon immobilité depuis trois jours. Mon téléphone ne passe pas depuis Gaesavötn.

Une grosse respiration. Ma folie est retombée. Enfin lucide, je repars à 14h00 pour une nouvelle tentative. Aucun doute, cette fois. Tous les instruments dans la main. Le gps en fonctionnement constant, je ne peux plus me tromper.

En effet malgré le brouillard, ma progression vers l’est est rapide. Mes points se succèdent les uns aux autres. J’arrive rapidement à la hauteur du cratère de Urðarals que je ne peux qu’entrevoir dans l’opacité de la brume. Dommage, j’aurai raté toutes les belles choses de cet endroit. Pas la lave, Que c’est dur de marcher au cap là dedans. Heureusement qu’après le cratère on amorce la descente et le brouillard commence à se dissiper comme je l’avais espéré. Je retrouve enfin les jalons de la piste. La piste, elle n’existe pas. A chacun de rallier comme il peut les piquets dans le dédale.

Oui, comme on peut. Dans la descente, je découvre un autre phénomène islandais inconnu jusqu’à maintenant: les sables mouvants. J’ai parlé de sables mouvants à divers endroits de mon cheminement. C’était une franche rigolade. Ils étaient pas mouvants, juste mous. Juste pour s’enfoncer jusqu’aux chevilles, ralentir la marche, fracasser les mollets et faire monter des crampes dans les cuisses.

Ici, c’est une autre histoire. Le brouillard s’est dissipé, certes, mais la pluie l’a remplacé avec une sacrée vigueur. Donc entre la pluie et la fonte de la neige de ces derniers jours, les passages dans le sable sont d’une difficulté incroyable. Sur certains passages, je suis obligé de sonder le sol en aval de mes pas avec mes bâtons, comme je pourrais le faire dans un gué. Par endroits, ils s’enfoncent de 50 cm. Pour avancer, je marche sur de gros blocs de pierre qui s’enfoncent sous mon poids dans le sable de même que mes pieds jusqu’aux chevilles. Je suis obligé de sauter donc de blocs en blocs pour ne pas m’enliser. C’est incroyable. Je finis par me résoudre à ne plus marcher que sur les blocs de lave et éviter le sable.

Quatre heures depuis le refuge, quand je tombe sur une piste tracée au bulldozer, descendant droit sur une immense vallée où serpente plusieurs bras d’une rivière. Je sais qu’en bas il y a la bifurcation entre les deux f910. Je prendrai celle du sud, beaucoup plus courte pour rejoindre Askja. Je me retourne vers Kistufell en le défiant. Je me suis échappé. J’ai envie de lui crier toute ma rage. Mais je garde mes insultes en moi, au cas où il aurait encore les moyens de m’atteindre. Je marche d’un bon pas sur cette piste. Ca y’est, j’ai vaincu. Y’a plus qu’à lacher le frein à main et finir d’arriver. Je me rappellerai de cette expérience.

Kistufell doit être télépathe et n’a pas dû apprécier mes insultes à son encontre. La piste, en arrivant dans la plaine, est barrée par un immense gué. Pas plus de deux km de large. Une broutille en sorte. Un panneau à moitié ensablé prévient du danger au cas où on ne s’en douterait pas. Même pas je pense une seconde à tenter de le franchir. Nouveau coup de bambou. Pffff… Il ne me sera rien épargné.

En dehors de la largeur, ce qui est vraiment impressionnant, c’est que le débit de l’eau n’est pas continu. Ce sont des vagues successives qui arrivent et qui viennent mourir sur les rives. Le niveau n’a pas l’air très important. Le courant pas excessivement fort mais ces vagues me dissuadent instantanément de prendre le risque.

De toute façon, pourquoi traverser, je suis sur la bonne rive. La piste passe juste par là pour éviter les champs de lave sur les rives. Donc on va longer la berge jusqu’à ce que la piste daigne revenir du bon côté.

Il pleut vraiment très fort en cette fin d’après midi. Je ne me lasse pas de marcher dans ces coulées de lave, tellement leurs formes sont belles, si ce n ‘est que la progression est vraiment difficile. Heureusement, elles sont ensablées et on peut avancer relativement vite.

Au bout de deux heures, je rejoins le sandur. Ici, malgré l’eau, la pluie, pas de sables mouvants. Au contraire, dans certaines zones, le sol est dur comme du béton. Les batons et les pieds n’y laissent aucune trace. Le vent a certainement chassé le sable en surface et je marche sur de l’argile. C’est vraiment le désert ici. Le désert de sable tel qu’on pourrait l’imaginer dans le sahara. Des images magiques, d’une beauté rare, d’autant plus que la pluie a cessé et que les premiers rayons de soleil apparaissent enfin après ces quatre jours de tempête. En train de me dire qu’aujourd’hui, s’il y en a un qui a mérité le prix de la combativité, c’est bien moi, quand je tombe sur une petite plante, la seule à des kilomètres à la ronde. Seul élément vert dans ce paysage d’ocres et de noir, c’est elle qui mérite le prix, pas moi. Je n’ai lutté que trois jours. Elle se bat depuis qu’elle est là. Comment peut elle survivre ici?

Après un petit col, fatigué, et saisi par la beauté du paysage, je décide de planter ma tente au milieu de rien. J’avais envie depuis tellement longtemps de camper dans le désert de sable.

A l’entrée d’une petite gorge, du sable à perte de vue, l’endroit est divin. Mais je sais que si jamais les conditions se dégradent et que le vent refait son apparition, je vais regretter amèrement mon choix. Mais bon, ça va, j’ai donné depuis quelques jours, il est temps que la roue tourne.

Je vais me promener une heure dans le sandur, c’est magique.

La nuit l’est aussi, mais pour d’autres raisons. En fait pas magique, c’est plutôt de la sorcellerie. Mais jamais le sort ne va cesser de s’acharner sur moi?

Pauvre caliméro.

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