Pacific Crest Trail – Section Californie du Nord

Sprout raconte son aventure sur le Pacific Crest Trail - Section Californie du Nord. En quelques chiffres : 1000km et plus de 30000m de D+. Récit et Trace GPS.


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Focus Rando :Pacific Crest Trail – Section Californie du Nord
17 jours et + +32890 m/-31930 m 1008 km 4
Randonnée Ligne Bivouac
Avion et Bus
Forêt et Montagne Juin, Juillet, et Août

Episode 3 du Pacific Crest Trail, après les sections Washington et Oregon, la Californie m’attends. Je me suis construit tout un imaginaire autour de cet état des Etats-Unis qui me hante. Soleil, magnifiques montagnes, nourriture saine et autres joyeusetés. C’est avec cette musique en boucle dans la tête que j’appréhende ce nouveau passage : Joni Mitchell – California. Selon les randonneurs, la Californie du Nord est un passage long, souvent sujet à la déprime. Il semblerait que les vues sont moins belles, qu’on s’y ennuie un peu, et surtout, que c’est interminable. En effet, quand on commence à la frontière mexicaine, la Californie représente plus de la moitié du sentier. Une moitié entière sans changer d’état. Si les limites sont symbolisées par de simples panneaux, ils sont comme des petites médailles, comme un check-point : on avance. Ne pas en voir durant plusieurs mois peut effectivement générer une certaine fatigue.

Pacific Crest Trail - Section Californie du Nord
Shasta

De mon côté, le Californie, c’est la dernière frontière, la dernière étape, et j’en suis particulièrement excitée. Tout ce qui va se présenter à moi sera nouveau à partir de maintenant : la Sierra Nevada, puis le Désert. Quelle joie !

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De la frontière à Seiad Valley

Depuis quelques jours, impossible de déjeuner le matin. Le sucre me donne des hauts le coeur. Pour autant, cuisiner au petit-déjeuner ne me tente vraiment pas, je suis plutôt du genre rapide : lever-café froid-ranger-partir-petit dej et brossage de dents en marchant. J’ai commencé mes journées tôt, à la fraîche. Un ami me conseille les Hot-Pocket. Des crêpes surgelées donc. J’en achète deux paquets, elles dégongèlent dans mon sac et j’ai de quoi déjeuner le matin.

Adieu végétarisme. Adieu sécurité sanitaire. Je fais confiance à mon estomac.

Je ne croise plus que des têtes connues. Un petit paquet de 10 personnes qui avance au même rythme. C’est agréable de se croiser et d’échanger auprès des cours d’eau et autres lieux de pauses. Mais ce matin là, une nouvelle tête. Old Man River de son pseudonyme. Il est pourtant pas vieux. Qui aurait cru à ce moment là que j’allais passé les deux prochains mois en sa compagnie ?

Et puis, ça y est, après plusieurs heures de marche : la Californie. Sodas, photos, chansons, c’est une mini fête devant le panneau. Puis le chemin continue. Y’a encore un bon bout à faire après tout.

Le sentier est sublime, la terre est rouge, ocre, on marche sur la crête, la vue est splendide : des montagnes bleues à perte de vue là au loin, avec Shasta en son milieu, et puis des flancs asséchés à la terre rougeoyante. Les lézards sont de sortie, des gros, des petits, curieux et vifs, je leur parle, espérant que personne ne me trouvera là.  Et puis je pleure de tant de beauté.

Chassé croisé avec Old Man River durant 48h, et nous voilà à la même table du seul et unique restaurant de Seiad Valley.

Seiad est une ville étrange. Un restaurant, un commerce offrant peu. Et une route. Il fait plus de 30 degrés, je suis liquide. Et puis on atteint les 1000 miles. Waouh.

Pacific Crest Trail - Section Californie du Nord
et puis 1000 miles

Jusqu’à Etna

Comment réagit votre corps à une journée de 50km, sous 35 degrés, sans ombre, sans vent, et avec 3000m de dénivelé ?

Pas pire. Pas super bien non plus à vrai dire. Il fait CHAUD. Chaud, chaud….

On traverse Marble Mountain, comme son nom l’indique, des formations rocheuses qui sont faites de marbre. C’est magnifique, majestueux…

Old Man River me dit qu’il a vu un ours dévalé la montagne comme s’il était saoul. Ca fait plusieurs jours que l’on croise des animaux qui semblent un peu hébétés. Sont-ils eux aussi victimes de la chaleur ?

Une enième pause, sur un énième cailloux, me faisant manger une énième fois par des moustiques, j’entends un craquement, puis un second et quelque chose de lourd qui tombe au sol. Mon cerveau tourne au ralenti, je cherche la provenance du bruit, dans les arbres. Un bel ours me regarde, se secoue et détale, l’air perdu. Je crois bien qu’il vient de chuter de plusieurs mètres après avoir pris appui sur une branche visiblement fébrile.

Je suis parcourrue d’un sentiment étrange. Non pas d’une peur folle d’avoir vu cet animal massif de si près, mais plutôt appaisée. Comme si je faisais partie intégrante de ce paysage dans lequel j’évolue depuis plusieurs mois. Les odeurs, les bruits, les sensations me sont devenues familières, agréables. Je suis bien.

Après une autre journée où mon cerveau n’est que mélasse, nous arrivons à Etna. Nous trouvons un trail angel qui propose de nous accueillir en échange de menus travaux chez elle. Elle nous fera trimer un arbre durant 20 minutes, contre deux nuits et un accès illimité à la douche, la cuisine, la télévision…

Etna est une ville géniale, un petit paradis pour le randonneur. On y trouve tous les commerces dont on a besoin, des cafés et restaurants particulièrement accueillants et délicieux, mais aussi et surtout, la meilleure boulangerie de tous les Etats-Unis !! Du pain au levain, de la brioche, des chocolatines et croissants comme à la maison. ETNA = PARADIS.

Pacific Crest Trail - Section Californie du Nord
Shasta encore et toujours

Autour de Shasta

On se sent forts, très forts avec Old Man River. On veut se dépasser. Alors on regarde la carte, une section semble relativement “plate”, parfaite pour tenter de marcher une grosse journée. Ce sera dans deux jours, le temps donc de vider un peu notre sac de nourriture et d’être plus légers.

En attendant, le sentier se fait toujours plus beau, plus facile, plus majestueux. Trinity Alps, les noms ici sonnent bien. On s’endort aux hurlements de coyotes, paraît-il que cela leur sert à rapatrier les petits le soir, et à les compter, cela influence les futures portées de la femelle. Un système d’autorégulation en somme.

Et puis voilà notre grosse journée, sans s’en rendre compte, nous allons marcher tout autour de Shasta, multipliant les angles de vues sur cette magnifique montagne. Départ à 5h55. 22 miles à midi. La joie est là. Du café et on continue. Les derniers kilomètres font mal, très mal. Il est 19h15, nous trouvons un campement. Au compteur : 40,5 miles, soit 65 km.

Shasta Ville à Burney Falls

Je suis siiiiii fatiguée. Malgré les pauses, rien n’y fait, je suis épuisée. J’ai perdu beaucoup de poids et m’approche doucement de la limite que je me suis donnée : 50kg. Je n’arrive pas à ingurgiter autant de calories que mon corps réclame. Je n’arrive plus du tout à manger sucré le matin, alors je tente de changer de petit-déjeuner. Je prends maintenant des burritos (des galettes de blés fourrés de haricots rouges, maïs, fromage) que je mange décongelé. Ça passe, me redonne de l’énergie.

Le sentier est moins joli sur cette section. Pas de WAOUH toutes les heures. C’est beau quand même hein, qu’on ne se méprenne pas ! On croise des crotales encore, et un énorme ours qui détale sur le sentier, se jetant dans les buissons dans une pente à 45°. Incroyable animal, si je faisais la même chose, je me briserai tous les os.

Doucement, le sentier se transforme, j’ai l’impression d’être dans le sud avec des forêts d’arbres petits et rabougris, tordus, des airs d’oliviers et des odeurs de maquis. Burney Falls est là, un magnifique mur de chutes d’eau entouré de forêts. Le gymnase de Burney est ouvert pour les randonneurs. Douche chaude, vêtements de rechange, repas chaud, bières. Après 6 jours à remuer de la poussière, je suis comblée.

Burney Falls à Belden

Notre groupe passe de deux à trois ! Cheek, se joint à nous. Il est discret et drôle. On se bidonne comme des enfants et rien ne peux me faire plus plaisir. Encore une fois, le décor dans lequel on marche change : plaine aride imprégnée de l’odeur de la sauge, aux roches volcaniques du Lassen National Park.

C’est simplement incroyablement beau. On entend si souvent que la Californie du Nord est ennuyeuse et pas intéressante. Je suis peut-être facile à contenter… Le sentier est facile, nous enchaînons les longues journées et arrivons rapidement à Belden, un ville-rue comme l’amérique sait les faire. Une soirée pour se délecter d’un burger, se ravitailler rapidement et se faire les ongles.

Belden à Sierra City

Endormis à la belle étoile, la pluie nous réveille en pleine nuit. On s’approche de mi-septembre et la météo commence à le faire sentir. On sait qu’on doit se dépêcher pour passer la Sierra avant octobre et le début des chutes de neige.

Belden est connu sur le sentier car au fond d’une vallée. Ce qui veut dire que pour en sortir, il va falloir monter. Pas loin de 1500m de D+ pour quelques 8km. Il paraît que c’est la pente la plus raide de tout le sentier ! Mes jambes sont fortes et la température fraîche. Ce sont des conditions parfaites pour grimper. Pas après pas, zig-zag après zig-zag, je suis déjà en haut.

Le mi-parcours arrive ! Déjà !!!! Et puis en fait, ça veut dire qu’on a fait QUE la moitié… ? On boit plus que de raison pour célébrer cet accomplissement.

1400 miles déjà, et au loin, on commence à voir la Sierra Nevada qui se découpe. Quel spectacle magnifique ! Dans une semaine, on sera en plein dedans. La ville de Sierra City nous motive plus que jamais, on sait qu’on y trouvera un ravitaillement digne de ce nom ainsi que des restaurants, une douche, le confort quoi.

Le soleil se lève de plus en plus tard, et moi aussi. Mine de rien, je m’inquiète : pourrais-je passer la Sierra ?

Sierra City arrive et tient ses promesses. Je m’empiffre d’un burger énorme : le GUT-BUSTER. 500gr de viande, fromage, oignons, tomates, salade….

Sierra City à South Lake Tahoe

Les kilomètres continuent à dérouler, le froid se fait plus pressant chaque nuit et on commence à dormir coller tous ensemble pour avoir plus chaud. 1500 miles. Dingue, ça va de plus en plus vite.

On fait un arrêt ravitaillement dans la ville de Truckee. On achète des épaisseurs supplémentaires pour affronter le froid, et Machine, un nouveau compagnon se joint à la troupe. Quelle équipe !

A peine après notre départ de Truckee, une rumeur se fait de plus en plus pressente : une tempête de neige arrive ! Il nous reste 60 miles à faire jusqu’à la prochaine ville, South Lake Tahoe. Deux choix s’offrent alors à nous : prendre refuge sous notre tente une journée, ou bien marcher bien plus que de raison, jour et nuit pour échapper à la météo.

A ce stade de l’aventure, nous dévorons chaque jour des quantité de nourriture incroyable. Chaque ravitaillement est calculé au plus juste pour tenir jusqu’au prochain, pas vraiment de rab… Passer une journée entière sous la tente, sans nourriture, n’est pas une option viable. Alors nous marchons, marchons, marchons.

Il parait que la Desolation Wilderness est un des lieux les plus beaux du sentier… Nous n’aurons pas la chance de l’admirer, il fait nuit. A minuit, nous nous arrêtons pour quelques heures de sommeil. 4h du matin, les nuages défilent à une vitesse folle au dessus de nos têtes, la tempête est proche. On grapille encore une petite heure de sommeil et nous remettons en route. Je ne suis qu’un zombie, je marche sans lever la tête, essayant de me focaliser sur où je pose mes pieds. J’ai l’impression d’être d’une lenteur d’escargot. Ahhhhhh, la fatiiiigue !

A 10h du matin, nous arrivons à Echo Lake / South Lake Tahoe. Au dessus de nos têtes, d’énormes nuages noirs. On y a échappé de peu. Nous venons de marcher pas loin de 100km en moins de 36h. La tempête gronde et quelques heures plus tard, 20cm de neige auront recouverts le sentier.

Heureux, nous prenons une chambre d’hôtel, mangeons autant qu’il est possible de manger. South Lake Tahoe marque la frontière avec ce qui sera la prochaine étape : LA SIERRA NEVADA !

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