Carnet d'une randonnée chamelière réalisée avec Terres d'Aventure dans le Hoggar en Algérie, de l'Atakor à la Taessa. Vaste désert, l'Atakor regroupe les plus hautes montagnes d'Algérie, ce qui lui vaut un paysage démesuré où les sommets ciselés côtoient les roches arrondies modelées par l'érosion. À l'Assekrem, l'ermitage du père Foucauld nous ouvre ses portes vers un monde de spiritualité. Tout simplement déroutant ! En fin de parcours, cap pour Tamanrasset en passant par la Taessa, véritable château en ruine de granit rose. Bienvenue dans le désert minéral du Hoggar, lieu d’errance par excellence…
Deux mots sur le Hoggar
Situé au sud de l'Algérie et traversé par le Tropique du Cancer, le Hoggar est un désert montagneux d'une superficie de 554 000 km², soit aussi grand que la France. Ses frontières sont limitées au nord par le plateau de Tidikelt et la cuvette de Touât, à l'est par le tassili n'Ajer, à l'ouest par la plaine de Tazefrout et au sud par l'Adrar des Ifoghas au Mali.
L'Ahaggar (Hoggar en Tamahaq la langue des Touaregs) se découpe en plusieurs régions naturelles, Parmi lesquelles :
- les massifs montagneux et cristallins de l'Atakor où culminent les plus hauts sommets d'Algérie,
- le massif de la Tefedest rendu célèbre par Frison-Roche et le Garet el Djenoun,
- l'Anhet et l'Immidir, deux petits joyaux sur la route entre Tamanrasset et In Salah,
- le Tassili du Hoggar et ses pitons de grès émergeant du sable,
Trop vaste pour une randonnée chamelière d'une semaine, il faut obligatoirement se cantonner à une zone précise du Hoggar. Cap vers l'Atakor et le massif de la Taessa… En complément de ce récit, je vous invite à lire le récit de Bernard sur son trekking dans le Hoggar.
Attention, chiens errants
Le train file pour Paris. Non loin de moi, des directeurs financiers montent un plan de restrictions budgétaires pour faire face à la crise des places financières. Se doutent-ils que la crise va jusqu'à toucher le Sahara ? Le sud de l'Algérie semble moins touché que la Mauritanie au regard de l'avion plein au trois quarts.
Les lumières de Tamanrasset illuminent la ville dans la nuit noire ; l'atterrissage est imminent. Plus que quelques mètres avant de poser les roues mais l'avion remet les gaz et se déploie de nouveau dans le ciel étoilé. « Ceci est une procédure normale » expliquera le commandant « des chiens errants étaient sur la piste ».
« Ne te lasse pas de crier ta joie d’être en vie et tu n’entendras plus d’autres cris ». (Proverbe Touareg)
Premier contact avec l'Atakor
+ 200 m / – 80 m4h30. Les formalités douanières commencent. En fin de nuit, Borha, notre guide Touareg, et les chauffeurs nous conduisent au campement qu'ils ont installé près de l'aéroport au milieu du désert. Quelques heures de sommeil avant de prendre la route vers le Hoggar.
Les 4×4 roulent vers les contreforts rocailleux qui s'étirent à l'horizon. Nous dépassons le poste de Tagmart Fougani du parc national du Hoggar. Le paysage défile sans être ennuyeux. Après le village de Terhenânet, pique-nique sous un abser (acacia en Tamahaq) dans l'oued Outoul. Le voyage débute à peine et les paysages arides nous semblent déjà fabuleux.
L'après-midi, c'est le premier contact à pied avec l'Atakor. Nous progressons dans un extraordinaire chaos géologique. Des boules de billards géantes semblent s'être déposées ici et là, plus loin, c'est une tête et un oiseau qu'a formé l'érosion.
L'équipe chamelière nous accueille chaleureusement au campement qui s'est installé au pied d'Ilâmane, une des plus hautes montagnes du plateau de l'Atakor.
Ascension du Mont Tahat
+ 950 m / – 670 mNous quittons le campement par l'oued d'Ilâmane ; les chameliers n'ont pas encore chargé les dromadaires. Après quelques heures de marche, nous nous dirigeons vers le Mont Tahat, point culminant de l'Algérie avec ses 2918 mètres. Certains autres relevés le situent à plus de 3000 mètres. Peu importe, le désert n’est pas un lieu de record.
Nous troquons le fond sablonneux de l'oued pour un terrain de caillasse caractéristique du plateau de l'Atakor. A mi-parcours, un pique-nique s'organise près d'un gros rocher. L'après-midi, la fin de la progression se déroule sur une pente raide rocailleuse dont le sentier est à peine tracé. Le vent balaie une brise fraîche qui nous évite de trop souffrir de la chaleur. Le groupe s'étire, chacun monte à son rythme. A l'arrière du peloton, je rumine dans mes dents car le diaphragme de mon objectif s'est bloqué ; impossible de faire la moindre photo ! Les jambes deviennent plus lourdes et le sac pèse davantage sur les épaules. Je porte mon fardeau. Errance psychologique du photographe.
L'effort est réel mais la vue depuis le sommet sur le massif du Hoggar en vaut la chandelle. Entre deux rochers, je nettoie les contacts de mon objectif. Comme par miracle, la bécane rugit à nouveau. Quelques clichés pourront solder cette fin de journée.
Nous descendons vers le campement qui s'est installé dans l'oued Titourtourine. L'immense plateau de l'Assekrem est face à nous. Demain, nous y serons. Inch Allah !
« Mieux vaut marcher sans savoir où aller que rester assis sans rien faire ». (Proverbe Touareg)
L'Assekrem du père Foucauld
+ 720 m / – 575 mJe m'extirpe de la tente lorsque le soleil pose ses premiers rayons sur le mont Talek au pied duquel le bivouac a été installé. Magie solennelle du petit matin.
Nous remontons l'erahar (oued en Tamahaq) Titourtourine, passons un premier col ; une chamelle entravée ouvre le chemin. Nous ne la récupérerons qu'une heure après notre mise en route. Au second col, trois gazelles gambadent sur le flanc rocailleux d'un pic. Le paysage est diablement dantesque. Errance avec l'enfer !
Nous entrons dans les gorges d'Immoudou qui nous apportent le rafraîchissement nécessaire au repas du midi et à la sieste. Dans le creux des rochers, quelques poches d'aguelmam (eau naturelle résidu de pluie) suffisent à apporter l'eau nécessaire aux nomades de passage et aux animaux vivants dans les entourages. Nous remontons la gorge jusqu'au plateau de l'Assekrem et l'ermitage du Père Foucauld.
Né en 1858 à Strasbourg dans une famille aristocrate, Charles de Foucauld perd la foi vers l’âge de seize ans. A sa majorité, il entre dans l’armée qu’il quitte en 1882 pour préparer un voyage de reconnaissance scientifique au Maroc. Pendant quatre années, au contact des musulmans, sa perception de Dieu évolue. Fin octobre 1886, il rentre dans l'église Saint Augustin à Paris pour recevoir une éducation religieuse. De ses réflexions, il se sent appelé à vivre “la vie cachée de l'humble et pauvre ouvrier de Nazareth”. C'est la Trappe qui lui semble le mieux convenir. En septembre 1901, il s'établit à Beni-Abbès où il construit une fraternité pour fonder une communauté de Petits Frères du Sacré-Coeur de Jésus selon un Règlement “monastique”. Ici commence sa grande histoire avec le sud de l’Algérie. L'ermitage du père Foucauld est construit en 1910 et accueille son instigateur en juillet 1911 avec 16 mois de vivres mais n'y resta que 5 mois. Il y retourna deux autres fois sans s'y arrêter. Après sa mort en 1916, l'ermitage fut abandonné et tomba en ruine. Il fut restauré en 1939 puis en 1954 et fut de nouveau occupé par les Petits Frères de Jésus en 1955.
Le frère Edouard nous accueille chaleureusement avec un thé. Il vit ici depuis 36 ans ; trois autres frères sont aujourd'hui avec lui. Avec gentillesse et passion, il nous parle de Charles de Foucauld, de l'ermitage, du Hoggar et de ses habitants, les Touaregs.
Je suis touché par cette rencontre dans ce lieu d'une beauté originelle, chargé d'histoires. 36 ans de vie d'ermite ; mon âge à peu de chose près. Ça impose le respect et la réflexion. Du bout des doigts, nous touchons l'éternité et avons l'impression de naviguer hors du temps. N'est-ce pas un sentiment proche de celui là que le randonneur recherche dans ses escapades chez Mère Nature ? Errance spirituelle de fin de journée…
Le frère Edouard nous laisse vivre notre coucher de soleil sur l'Assekrem. Dans une ultime étincelle de vie, le soleil décline et propulse ses derniers éclats rougeoyant sur les pitons ciselés. Fascinant !
Eclairée par la lune, nous rejoignons le cœur léger le bivouac à Segueïka.
« La vue est belle qu'on ne peut le dire ou l'imaginer. Rien ne peut donner une idée de la forêt de pics et d'aiguilles rocheuses qu'on a à ses pieds ; c'est une merveille. On ne peut la voir sans penser à Dieu ; j'ai peine à détacher mes yeux de cette vue admirable, dont la beauté et l'impression d'infini rapprochent tant du créateur, en même temps que sa solitude et son aspect sauvage montrent combien on est seul avec lui et qu'on n'est qu'une goutte d'eau dans la mer. » (Charles de Foucauld)
Vers la Taessa
+ 500 m / – 710 mHier fut une journée de transition entre l'Assekrem et la Taessa. Nous avons traversé plusieurs oueds, découvert les peintures rupestres d'Amezeroug, les hauts plateaux rocailleux et les gravures rupestres de Tikemtine près d'un campement nomade inutilisé lors de notre passage.
Chacun vit le désert à sa manière. Là où certains palabrent à l'arrière du groupe sur le désert et le monde à refaire, d'autres vivent le désert en silence. André n'aime pas les paysages minéraux. Etrange décision (qui lui appartient) de venir dans le Hoggar, le désert minéral par excellence. Louis revient au Hoggar 25 ans après sa première immersion en moto ; Peut-être un pélerinage personnel ? Jacky, Hubert, Jean et Mario voyagent entre amis. Le désert s'expérimente et se vit aussi collectivement. L'errance peut prendre des formes si différentes. A chacun son Sahara, à chacun son Hoggar…
Bivouac à Erha au pied de la Taessa.
Taessa, la rose
+ 285 m / – 390 m6h40, je m'extirpe de la tente et rejoint, avec Jean-Pierre, mes amis Touaregs réunies autour du feu. Le vent est vif et l'air bien frais. Tous ont les mains tendues vers les flammes ; le feu réchauffe et redonne un peu de vie aux corps endormis qui se réveillent. Le thé du matin, le meilleur selon moi, est partagé. L'équipe Touareg boit un peu de lait en poudre à défaut de disposer de zrig (lait de chamelle). Comme pour le thé, il est transvasé d'un récipient à un autre pour libérer le goût. 7h15, Borha sonne l'heure du réveil. Il est temps de plier la tente.
Nous passons la journée à serpenter à travers d'énormes blocs de granit rose semblables à ceux rencontrés sur la côte bretonne près de Perros-Guirec. Nous ne faisons que monter et descendre. Les points de vue sur les oueds, les vallées encaissées et même l'Assekrem sont nombreux. Le paysage n'est jamais monotone et très différent de l'Atakor.
La Taessa subit un climat de type méditerranéen. On y retrouve une végétation typique : oliviers, pistachiers de l'Atlas, lauriers roses, palmiers dattiers, tamaris pour les espèces arborées ; astragale, souci, chrysanthème, souchet, jonc, oseille sauvage pour les herbacées.
Les empilements de blocs de granit rose dans l'oued Tin Teralguiwine forment un véritable chaos. Les rochers se sont sans doute décrochés par les vagues successives des écarts thermiques entre le jour et la nuit.
Après le best-seller “Comment chier dans les bois“, deux membres du groupe se sont investis d'une nouvelle mission, celle d'écrire la suite : Comment chier dans le désert sans y perdre sa polaire ? Et n'insistez pas, je ne donnerai pas les noms de mes camarades…
Un peu plus tard, nous arrivons à la guelta Talmest non loin duquel le campement s'est installé. C'est la première fois que les dromadaires boivent à grosses gorgées depuis notre départ. Nous en profitons aussi pour effectuer une toilette plus poussée…
« Les années ne peuvent se cacher dans un sac ». (Proverbe Touareg)
Retour sur Tamanrasset
+ 100 m / – 480 mCe matin, nous restons en lisière de la Taessa en empruntant une hamada jonchée de petites pierres de basalte. Nous descendons plusieurs plateaux successifs. A l'un d'entre-eux, nous apercevons même l'aéroport de Tamanrasset.
Le silence s'installe un peu plus dans ces paysages infernaux. Le désert conduit à l'introspection.
Retour sur les derniers contreforts orientaux de la Taessa en passant par l'oued Tanesmeguiaq où subsistent quelques gravures rupestres représentant un berger et son troupeau de vaches.
Habitant toujours le désert près de la montagne d’Akarakar, Borha est à l’image du Touareg qu’on s’imagine : grand, fin, calme, sage et observateur. Il porte une attention toute naturelle à ses dépenses énergétiques. Chaque geste semble être mesuré pour ne pas le laisser s'envoler dans l'atmosphère. C’est que dans le désert, eau et nourriture, valent de l’or.
Pique-nique dans le cirque de Tédékelt, littéralement en Tamahaq la paume de la main. Lors de la sieste, un troupeau de chèvres s'est silencieusement approché des restes de notre pique-nique et l'a dévoré. La bouteille d'assaisonnement en a même fait les frais.
Courte marche l'après-midi pour rejoindre le campement au pied de l'adrar Hegrine. Dernier bivouac sous un acacia. Demain, après une courte marche, nous retrouverons les 4×4 à Illignanen pour rejoindre Tamanrasset et prendre notre vol pour Paris.
Avant de nous dire au revoir, Khiya et Souleymane improvisent une course de dromadaire. Khiya siffle le départ et les chameaux partent au galop. Nous les observons s’approcher de la ligne d’arrivée. Ils sont perchés sur leur monture tels des acrobates, les fesses sur la scelle, un pied sur le coup de la bête et l’autre dans le vide. Ils filent vers nous avec une dextérité surprenante. Dans un mouchoir de poche, Rhiya, déjà vainqueur de la course de Tamanrasset en 2001, remporte la course.
Ici s'achève cette parenthèse dans le Hoggar. Demain, chacun retrouvera ses occupations quotidiennes pour peut être revenir au Hoggar comme on vient en pèlerinage. C'est aussi un peu ça le désert !
« Les chameaux ne se moquent pas réciproquement de leurs bosses ». (Proverbe Touareg)
Informations pratiques
Avec qui partir ?
Cette randonnée a été organisée par Terres d'Aventure, spécialiste du voyage à pied dans le monde.
Roadbook
J1 et J2 : Vol Paris/Tamanrasset. Départ immédiat pour Ilamane. Pique–nique dans l´oued Outoul, puis rencontre avec la caravane et les chameliers. 2h de marche
J3 : Départ d'Ilamane pour le mont Tahat, au relief tourmenté. Pique–nique au pied du mont. Ascension facultative du Tahat (point culminant de l´Algérie, 2918 m) puis cap vers l´oued Titourtourine. 6h de marche.
J4 : Par de très belles gorges, arrivée à l´Assekrem. Balade l´après–midi vers l´ermitage du Père de Foucauld au cœur de l´Atakor. Bivouac à Segueïka. 6h de marche.
J5 : Amezeroug et ses peintures, Aouknet le pain de sucre, Tikemtine, les grottes et bivouac à Erha. 5h de marche.
J6 : Traversée du massif de la Taessa, déjeuner, descente de l´oued Tin Teralguiwine (beaux empilements) puis guelta Talmest. 6h de marche.
J7 : Oued Tanesmeguiaq, puis descente dans le cirque d´Edikel. Pique–nique, Tin Zezéré, et oued Bersou pour le dernier bivouac au pied de l´Adrar Hegrine. 5h de marche.
J8 : Traversée du plateau volcanique de Tessa N´Aguenna, avant de retrouver les véhicules à Illignanen. Retour au campement à Tamanrasset en milieu d'après–midi. 4h de marche.
J9 : Vol pour Paris.
Quand partir ?
Traversée par le Tropique du Cancer, le Hoggar subit deux régimes climatiques :
- Un régime tempéré méditerranéen
- Un régime tropical soudanais
Les pluies sont rares et irrégulières mais 70% des pluies tombent entre mai et septembre, ce qui confirme le caractère moussonal de la région.
Le meilleur moment se situe donc d’octobre à avril.
Qu’emportez dans son sac de voyage ?
D’une manière générale, reportez-vous à la fiche pratique « L’équipement du trekkeur au Sahara ».
Plus spécifiquement pour le Hoggar, prendre une paire de chaussure de randonnée tige mid ou haute et un sac de couchage adapté aux basses températures. A titre d’exemple, il peut faire -10°C à l’Assekrem en décembre ou janvier.
Bibliothèque
Voici quelques livres que je conseille pour un voyage dans le Hoggar :
- Hommes des montagnes du Hoggar d'Odette Bernezat
- Campements Touaregs d'Odette Bernezat
- Djebel Amour de Roger Frison-Roche
- L'appel du Hoggar de Roger Frison-Roche
- Les Touaregs du Hoggar par Henri Lhote
- Passion Sahara de Jean-Marc Durou
- Les Touaregs par Edmon Bernus