Kosovo, un territoire autoproclamé état le 17 février 2008 reconnu à ce jour par 96 des 193 pays de l’ONU. Kosovo, trois syllabes souvent associées à la guerre et aux trafics en tout genre. La situation s’est pourtant apaisée sur place. Reste un pays à construire et un tourisme proche de zéro. I-Trekkings y était pour le premier voyage de randonneurs français organisé par Yves Fouque, accompagnateur en montagne et formateur au CRET. Dans le cadre de projets de coopération décentralisée, il intervient sur le tourisme de montagne dans les Balkans depuis 1999 et au Kosovo depuis 2008.
Construit au milieu des champs cramoisis par un été abominablement chaud, l’avion se pose sur le tarmac de l’aéroport Adem Jashari de Pristina, du nom d’un héros kosovar. Au moment de fouler le sol, le doute s’installe : est-ce bien raisonnable de voyager au Kosovo ?
Incursion dans les Alpes Albanaises
En minibus, cap vers le récent Parc National des Alpes Albanaises à cheval sur le Monténégro, l’Albanie et le Kosovo. Des stèles de l’UCK, l’armée de libération kosovar, jalonnent les bords de route. Le véhicule serpente à travers les gorges karstiques de Rugova situées à l’ouest de Pejë jusqu’à atteindre le petit village de Bogë.
Pas de chance avec la météo. La randonnée sur les hauteurs du village et jusqu’à la frontière avec le Monténégro ne nous délivre pas son tapis de panoramas alpins. Les nuages n’ont pas de frontières. Retour à Bogë. Un peu par hasard, à la sortie du village, la famille Bogai nous invite à nous abriter dans leur cabane en bois bâchée d’un sac plastique. Il y a Halim, l’éleveur de moutons et la plantureuse Afrime, sa femme à qui ça ne dérange pas d’habiter au milieu de dizaine de posters plutôt dénudés. Ils vivent ici, plus que simplement, de mars à novembre. C’est que la guerre a détruit leur maison et ils n’ont pas encore les moyens d’en reconstruire une nouvelle. Une guerre qui a vu s’affronter en 1999 albanais et serbes pendant plus de 100 jours. « Il y a eu plus de 12 000 morts » précise Halim. Et le sort s’acharne sur la famille. Eux qui survivent déjà de l’élevage de moutons et de la vente de fromage ont perdu 30 bêtes il y a quelques jours sur leur cheptel qui en comptait 150. La faute aux loups qui sévissent dans les parages comme de vrais bandits. Sans compter l’inflation de tous les biens de consommation depuis l’adoption de l’euro en 2002. Ils en sont presque à regretter le bon vieux temps du dinar et du deutschemark. Chez tous les oubliés de la société kosovar, la « yougonostalgie » est de mise.
Monastères OrthodoxesLe Kosovo est en très grande partie de religion musulmane (90%). Dans le pays, on trouve pourtant de nombreux édifices religieux orthodoxes chers aux Serbes. C’est le cas du Patriarcat orthodoxe de Peć et du monastère de Visoki Dečani que nous découvrirons lors de ce voyage. En bon visiteur, on salue les pères d’un « dobar den ». Le « Mirëdita » habituellement réservé aux musulmans serait malvenu. Situé à l’entrée des gorges de la Rugova, le Patriarcat de Peć est le centre spirituel de l’Église orthodoxe serbe et sert de mausolée à un grand nombre d’archevêques et de patriarches. En partie pillés par les albanais du Kosovo après la guerre, il figure sur la liste des monuments culturels d’importance exceptionnelle de la République de Serbie. Non loin, le monastère de Dečani, fondé par le roi Stefan Uroš III Dečanski en 1327, a la plus grande cathédrale des Balkans. Elle est remarquable par ses fresques du Nouveau Testament et son style roman. En 2004, le monastère a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et, en 2006, il a été placé sur la liste du patrimoine mondial en péril. Ces deux édifices sont toujours protégés par la KFOR. Depuis la fin de la guerre, le monastère de Dečani a été attaqué à la grenade en 2000, 2004 et 2007 par des extrémistes albanais. Une situation qui n’incite pas le Père Peter à sortir : « Je n’imagine pas me balader en ville avec mon habit religieux. Si je devais le faire, je devrais le quitter. Je préfère donc rester dans l’enceinte du monastère ». Une enclave orthodoxe au milieu d’albanais du Kosovo musulmans. Est-ce la raison des conflits répétés ? Certains le pensent, d’autres non. |
Prizren, le temps de l’espérance
Prizren, ville emblématique du monde albanais. Les ottomans ont laissé bien des traces dans l’ancienne Theranda : pont de pierre, mosquées, échoppes, tout cela à proximité des églises catholiques et orthodoxes.
Il y règne un parfum décontracté, à la fois jeune et traditionnelle, plus ouvert sur le monde extérieur, un dynamisme que je n’ai pas retrouvé sur le reste du Kosovo. Prizren est un bon point de départ pour explorer le massif de Shar.
Massif de Shar : dans les pas de la KFOR
Dans le sud du Kosovo, le Parc National de Shar jouxte la frontière macédonienne où se prolonge le massif.
Depuis le village de Struga, montée à pied au site de la Roche Noire (1600 m) où des bungalows tout juste terminés nous accueillent pour la nuit. Le lendemain, nous explorons le massif en compagnie de Bekim Bypiqi, responsable tourisme au parc national. « Avant la guerre, on voyait des chamois près des villages. Aujourd’hui, avec le braconnage et les activités humaines en expansion, ils se sont éloignés » regrette t-il.
L’idée était de rejoindre le sommet de Skarpa (2407 m), frontière avec la République de Macédoine. Randonnée trop ambitieuse. En cours de route, on décide de changer de cap et de nous diriger vers les lacs Golemo et Maja Ezero. On pique-nique au premier. On ne verra jamais le second. Trop loin aussi. Sur ce, on remonte une piste de la KFOR, la Kosovo Force mise en œuvre par l’OTAN au Kosovo sur mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, jusqu’à la frontière macédonienne. La question des mines est vite éclipsée par un paysan local : « qui marche dans les crottes de brebis ne saute pas sur une mine ». Plus sérieusement, « personne n’a jamais sauté sur une mine au Kosovo depuis que le déminage est terminé » précise Yves Fouque.
Les steppes du pays Gorani
Le village de Restelica est notre point de départ. Là, deux vieux 4×4 Lada VAZ post seconde guerre mondiale nous conduisent sur les hauts plateaux vallonnés du pays Gorani dans le sud du massif de Shar, non loin de l’Albanie. Battue par un vent glacial, la pelouse est pelée comme la peau rugueuse d’un kiwi.
De la glace s’est déposée sur le tapis herbeux jauni par un été brulant, non sans rappeler les steppes kirghizes, les yourtes en moins. Pour l’heure, il gèle sous ce ciel caribéen. Les mains sont dans les poches, les dents flageolent et le nez coule. Tout le monde s’emmitoufle dans ses vêtements les plus épais. Il faut marcher pour se réchauffer…
Paysage austère et fascinant où rien ne semble vivre. Et pourtant, au détour d’un éperon rocheux, une horde de chamois se laisse farouchement observée. Il reste bien quelques troupeaux de moutons mais l’exode rurale a presque mis fin à l’activité.
Vous l’avez sûrement compris, on ne voyage pas au Kosovo comme on voyage ailleurs. Si on s’y rend pour randonner, on y va aussi pour comprendre, un peu, l’Histoire du pays et des Balkans. Une Histoire riche et mouvementée, en plein apaisement, absente de nos programmes d’Histoire.
L’Albanie est à deux pas du Kosovo. C’est aussi une belle terre de treks et de voyage tout simplement. Vanille et Olivier ont écrit un article sur sur les 7 raisons de voyager en Albanie… Si vous n’étiez pas déjà convaincu.
Informations pratiques
Comment s’y rendre ?
Vol régulier Paris – Pristina avec une escale. Pour trouver le meilleur tarif, utilisez notre comparateur de vols.
Avec qui partir ?
Cette découverte à pied du Kosovo a été réalisé avec Destination Queyras. Aujourd’hui, deux circuits sont proposés par l’agence : l’un plutôt rando et l’autre plutôt découverte.
Bibliographie
Aucun guide de voyage en français n’est édité.
- Kosovo [Anglais] de Bradt
- Carte du Kosovo au 1 :150 000
- Voyage au pays des Gorani : Au Kosovo, il y a des Albanais et des Serbes, mais pas seulement… Dans les hautes montagnes qui s’étendent au sud de Prizren, entre Kosovo, Albanie et Macédoine, vivent aussi des Gorani.
- Balkans-Transit de Maspero François
Les grandes dates du Kosovo
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Fondateur d’I-Trekkings et des blogs I-Voyages et My Wildlife, j’apprécie le rythme lent de la marche et des activités outdoor non motorisés pour découvrir des territoires montagneux et désertiques, observer la faune sauvage et rencontrer les populations locales. Je marche aussi bien seul, qu’entre amis ou avec des agences françaises ou locales. J’accompagne également des voyages photo animaliers qui associent le plaisir d’être dans la nature et l’apprentissage ou le perfectionnement de la photographie animalière.