24 décembre, 4h30. Le réveil sonne comme une chape de plomb. Je me traîne pour l’éteindre. Trop énervé à l’idée de revenir en Mauritanie, j’ai mal dormi. La nuit a été courte.
8h20, l’avion d’ASL Airlines affrétée par Point-Afrique quitte le T3 de l’aéroport CDG.
12h00. Nous nous posons sur le tarmac de l’aéroport d’Atar en Mauritanie. Toute une délégation officielle nous attend dont la ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, Mme Naha Mint Hamdi Ould Mouknass. L’aéroport s’est doté d’un tout nouveau système biométrique pour le passage de la douane et le retour des touristes sahariens. L’amélioration de la sécurité en Mauritanie a permis aujourd’hui de faire revenir les vols vers Atar. Sur ce premier vol, tout n’est pas aussi fluide que tout le monde l’aimerait. Je suis à l’avant de l’appareil, je sors donc rapidement. Il faudra un peu plus de 3 heures à l’ensemble de l’avion pour passer les formalités. Ça m’a permis de retrouver des amis mauritaniens avec qui j’ai pu faire un bout de chemin lors de mes précédents voyages : Salek dans le banc d’Arguin, Kady un peu partout en Adrar.
15h10. Je fais la connaissance avec le reste du groupe de randonneurs La Balaguère. Nous quittons l’aéroport pour Ouadane que nous rejoignons un peu avant la nuit pour nous installer à l’auberge Verani.
Le ksour d’Ouadane
25 décembre. Ouadane, l’une des quatre cités antiques de Mauritanie, fondée en 1141 par les trois Hajj Yacoub, Ali et Ethman, s’étend à flanc de falaise sur le plateau du Dhar au pied duquel coulent les oueds Slil et Afeizi. A moitié en ruine mais elle fait la fierté de ses habitants. Le vieux ksour est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Nous déambulons dans la vieille ville : la rue des 40 savants, la maison de Yacoub et dans le bas de la cité aux alentours du puits, source de vie pendant plusieurs siècles. L’eau c’est la vie…
Boulla, notre guide pour cette semaine de randonnée chamelière rappelle à ma mémoire qu’Ouadane signifie les deux oueds : celui du savoir et celui des dattes.
C’est d’ailleurs par la palmeraie que nous quittons Ouadane pour nous enfoncer dans le désert. L’aventure saharienne (re)commence…
En route pour la palmeraie de Tanouchert
Toute cette première journée, nous marchons dans ce qui ressemble à un reg qui s’ensable tout doucement. De temps à autre, nous croisons un acacia ou quelques arbustes sur lesquels les dromadaires tentent de soutirer une branche bien sèche. Notre caravane est composée de sept dromadaires guidés par Da et Eli, nos deux chameliers. L’équipe est complétée par Ahmed, le cuisinier, Cheikh Ahmed, un guide en formation et Boulla, notre guide.
Aujourd’hui, nous sommes le 25 décembre. Ici Noël ne semble pas avoir de prise…
Vent dans le dos, nous finissons cette première journée de marche en plantant le campement au milieu de quelques acacias. Après avoir monté les tentes Igloo et les deux Khaimas, nous nous retrouvons autour du feu aussi bien pour nous réchauffer que de profiter de l’expérience du désert. Ça sera dorénavant notre rituel chaque soir.
26 décembre. Le vent a soufflé toute la nuit, j’ai bien fait de dormir sous la khaïma et pas à la belle étoile. Nous partons bien couverts car le vent d’est est froid. Malgré la température, je continue à marcher pieds nus dans mes sandalettes comme il y a 10 ans. Mes pieds ont besoin d’être à l’air libre dans le Sahara. J’ai la sensation d’être plus libre et de m’abandonner au désert.
Avec la chaleur qui monte, le vent s’intensifie. Il souffle si fort que des lignes de sable se forment sur le sol et se déplacent à grande vitesse.
Nous posons le bivouac aux abords de l’oasis de Tanouchert où je suis déjà passé à deux reprises lors de mes précédents voyages. Quelques habitants passent au campement lorsque la nuit tombe. Il y a peu d’échanges verbaux mais que je me sens bien ici et maintenant !
Le vent nous poursuit
27 décembre. Nous partons par la palmeraie de Tanouchert dont la principale activité est la culture de la datte dont la récolte s’étend de juin à août quand les journées sont les plus chaudes de l’année, au-delà des 40°C. Sidi Ahmed et son fils Cheikh nous font la visite de leur jardin : carottes, aubergines, betteraves, blé noir, tomates, navets. Tout semble pousser grâce à l’irrigation. Cheikh était passé nous voir la veille au soir sur le camp, lunettes de soleil sur le front, il m’avait frappé avec son petit air bad boy sympathique.
Le vent semble nous poursuivre dans cette vaste étendue plane. Il faut vraiment faire attention au matériel photo car le vent transporte le sable et lui s’immisce partout où il peut. Satané sable ! Mon cuir chevelu en est rempli comme mes oreilles.
Nous posons le bivouac sur un site qui s’appelle Agmomaje. Je découvre une petite barkhane. Je décide d’y installer mon matelas pour ma première nuit à la belle étoile. Ce soir Ahmed nous a préparé des louksours, des crêpes à base de farine d’orge et de blé agrémentées d’une sauce à la viande. C’est un plat typique d’Ouadane. Au moment où j’écris ces lignes, je suis allongé sur mon matelas dans mon sac de couchage. Je scrute le ciel étoilé et m’endors le cœur libre.
28 décembre. J’ai passé la nuit dehors, sans vent. Ça l’a rendue agréable. Ce matin, le soleil se lève. Ça peut sembler anodin. Il se lève tous les jours mais aujourd’hui, il se lève à nous alors que les jours précédents il restait caché sous une brume poussiéreuse créée par le vent. Nous sommes plusieurs à profiter du crépuscule pendant que quelques autres finissent leur rêve.
Marcher dans le désert, c’est marcher le coeur léger sans les poids qui pèsent sur notre quotidien !
Nous marchons la matinée sous une légère brise. Le ciel semble avoir été nettoyé et la vue porte loin. La caravane avance à son rythme à un peu moins de 4 km/h de moyenne. Une certaine monotonie s’installe. Je l’attendais comme à chacun de mes voyages sahariens. Sans surprise, elle se transforme en mélancolie poétique.
A midi, la caravane s’arrête à l’abri de dunettes. J’en suis ravi, la faim me tiraillait. Nous sommes à Lehreythat. Un traquet nous rend visite et attend sagement que nous partions pour trouver quelques restes de nourriture. Nous avons fait un heureux je pense. Le ventre plein, nous reprenons notre marche dans cette grande mer de sable. Des dunes éclosent du paysage telles des navires échoués en mer. Au pied de l’une d’elles, nous posons le bivouac. Au loin l’erg Ouarane se détache de l’horizon.
Erg Ouarane et Chinguetti
29 décembre. Il a fait froid cette nuit. Les chameliers ont allumé un feu et discuté dès cinq heures du matin. La température est descendue proche de 0°c, peut-être aux environs de 3°C en fin de nuit. Dès que les premiers rayons du soleil arrivent, je monte sur la dune pour photographier les premiers éclats de lumière.
La caravane se met en route vers 9h15 dans cet océan de sable. Toute la journée, nous croisons ces navires échoués, les Elmezrougate du nom du campement. Nous les gravissons et les descendons comme si nous passions de la cale aux cabines d’un bateau.
Je finis par marcher par automatisme, un pied devant l’autre, la tête vide. A un moment à force de regarder les dromadaires marcher à l’amble, je me mets aussi à marcher comme eux en balançant le bras droit en même temps que la jambe droite. J’ai l’air ridicule à gesticuler comme un robot. Laurence et Jean-Yves m’accompagnent dans ce petit délire. L’amble va bien mieux au dromadaire qu’à nous si bien que nous arrêtons assez vite.
J’ai beaucoup lu ce midi blotti dans l’oued de Chinguetti à Khaweyeb, pas vraiment un livre de circonstance puisqu’il s’agit de Bettý, un polar islandais d’Arnaldur Indridason. J’y retrouve néanmoins le même sens de l’économie et de l’essentiel que dans le désert. L’après-midi, nous marchons peu et installons le dernier campement à quelques kilomètres de Chinguetti.
30 décembre. Chinguetti n’est pas très loin. Nous n’y allons pas directement par l’oued mais passons par les dunes de l’erg Ouarane. Nous traversons la palmeraie d’ Entkemkemt et poursuivons au milieu des dunes jusqu’à Chinguetti. On distingue trois Chinguetti. Abeir, l’ancienne cité qui signifie « puits ». On y trouve un joli minaret récemment rénové. Situé au pied d’une dune, il symbolise à lui seul la lutte perdue d’avance de Chinguetti contre l’ensablement.
Nous entrons dans la vieille-ville de Chinguetti construite au XIIIème siècle et qui vaut à la cité d’être classée par l’UNESCO. Nous déambulons dans les ruelles. Que c’est vide par rapport à il y a 10 ans. A l’approche de la mosquée, il y a toujours le petit marché et les vendeuses de souvenirs. Les touristes sont encore rares. Nous nous rendons dans l’une des bibliothèques de Chinguetti animée et gérée par Seif Heba. Ce trésor littéraire traite autant de la religion que des mathématiques ou de la poésie.
En traversant l’oued de Chinguetti, nous nous rendons à notre auberge dans la nouvelle ville de Chinguetti. La douche sonne le glas de la fin du voyage. Demain nous rentrons en France.
Je suis heureux d’être revenu en Mauritanie pour la cinquième fois. J’ai ici un attachement aux gens, aux paysages et à l’imperceptible qui me fera revenir encore j’en suis sûr.
Informations pratiques
Avec qui partir ?
Cette randonnée chamelière a été réalisée avec La Balaguère qui propose cinq voyages en Mauritanie.
Les étapes de la randonnée
- Ouadane – Lemheïdes : 15,6 km – 5h00
- Lemheïdes – Tanouchert : 21,8 km – 6h00
- Tanouchert – Agmomaje : 22 km – 6h00
- Agmomaje – Elmezrougate : 15,3 km – 4h30
- Elmezrougate – Entkemkemt : 18 km – 5h15
- Entkemkemt – Chinguetti : 9,6 km – 3h00
Un peu de lecture
Fondateur d’I-Trekkings et des blogs I-Voyages et My Wildlife, j’apprécie le rythme lent de la marche et des activités outdoor non motorisés pour découvrir des territoires montagneux et désertiques, observer la faune sauvage et rencontrer les populations locales. Je marche aussi bien seul, qu’entre amis ou avec des agences françaises ou locales. J’accompagne également des voyages photo animaliers qui associent le plaisir d’être dans la nature et l’apprentissage ou le perfectionnement de la photographie animalière.