C’est ma seconde randonnée en Jordanie. Lorsqu’en 2008 je quittais Aman je m’étais juré de revenir pour voir la réserve naturelle de Dana dont on m’avait tant parlé et partager Pétra avec ma femme. Je voulais aussi arriver à Pétra à pied comme pour faire savoir aux monuments et au Nabatéens ainsi qu’à leurs descendants que Pétra se mérite.
Quand j’ai vu qu’Allibert proposait un trekking entre la réserve de Dana et Pétra en 5 jours, le Trek des Nabatéens, ma vieille promesse s’est imposée comme une évidence. Il fallait absolument que je réalise ce trek.
Avec qui partir ?J’ai réalisé le trek des Nabatéens et les six jours de trekking entre Dana la verte et Pétra la rouge avec Allibert. L’agence propose au total 9 circuits en Jordanie. Quand y aller ?Le printemps et l’automne sont les deux meilleurs moments pour s’y rendre. DifficultésCe trek s’adresse à des randonneurs sachant marcher 5h00 par jour pendant 6 jours avec des dénivelés pouvant atteindre 600 à 800 m. C’est accessible à toute personne en bonne condition physique. |
Mont Nébo et mer morte
9 avril 3h15 du matin. En plein milieu de la nuit, le Boeing de la Tarom se pose sur le tarmac de l’aéroport d’Amman. Direction la ville de Madaba pour s’installer à l’hôtel 2 petites heures de sommeil avant de prendre un rapide petit déjeuner et de prendre la route du désert qui descend jusqu’à Aqaba.
Première étape de la journée la visite du Mont Nébo. Comme en 2008 la brume de chaleur envahit déjà la vallée du Jourdain alors qu’il n’est que 10h. Deuxième étape de la journée : tenter de se noyer dans la mer Morte. C’est un joke. Essayer c’est impossible !
Nous reprenons la route vers le sud. Je regarde le paysage qui défile : les vallées sont colorées d’un vert poussiéreux et même d’un joli dégradé de vert lorsque j’y prête attention.
C’est d’ailleurs en m’imprégnant du paysage que j’arrive à observer sur le bord de la route quelques oiseaux : bulbuls, huppes faciès, milans et même faucons crécerelles. Mais bon, il faut être franc, mon regard croise davantage de chiens errants et de sacs plastiques.
Il est 16h30 lorsque le bus nous dépose au cœur du village de Dana précisément au Dana hôtel.
Le village de Dana tout en pierre et en partie détruit. Dans les années 1970, le village fut abandonné par ses habitants qui préférèrent s’installer plus près des possibilités de travail et profiter de maison plus moderne.
Aujourd’hui, c’est grâce à la création de la réserve de Biosphère de Dana en 1989 qui s’étale sur plus de 300 km² que la vie a reprit dans le village de Dana. Il y a encore beaucoup de maisons en ruine mais les deux hôtels et les échoppes redonnent une âme à ce joli village perché au dessus de la vallée du Feinan.
Dana – Wadi Feinan – Wadi Aqaba
+ 268 m / – 1168 m 15,1 km (+15 km en 4×4) 5h00 (+1h en 4×4)Ce sont les bruits de casserole de la cuisine de l’hôtel qui me sortent du sommeil. Le ciel est voilé ce matin au réveil.
Le petit-déjeuner avalé, nous nous mettons en route. Nous traversons le village et entamons la descente du canyon de Feinan au cœur de la réserve de biosphère de Dana.
Le canyon de Feinan
La réserve est la plus grande de Jordanie et comprend une grande variété de terrains depuis les falaises de grès de plus de 1700 m de haut près de Dana jusqu’à Wadai Araba sous le niveau de la mer. Elle comprend environ 600 plantes, 200 espèces d’oiseaux, 45 mammifères y compris le caracal et le loup.
La roche qui nous entoure a vraiment des allures d’Ouest américain mais en plus massif. C’est vraiment dommage que la lumière ne soit pas au rendez-vous.
En descendant, la végétation change. Les arbres se font plus nombreux. Nous faisons une halte de quelques minutes sous un pistachier pour manger un morceau puis reprenons le chemin qui se fait moins raide. L’ambiance minérale s’atténue par la végétation verte. Ici et là, quelques fleurs apportent de la couleur. Plus bas dans un wadi asséché, les lauriers roses qui entament leur floraison attestent de la présence de l’eau en sous-sol.
Ali et le guide bédouin se sont arrêtés sous un genévrier. C’est l’heure de la pause déjeuner. J’en profite pour recharger mon smartphone avec mon panneau solaire Nomad 13 de Goal Zero. Je suis aussi venu avec mon chargeur Sherpa 50 et l’onduleur, ce qui me permettra d’être autonome en photo pendant les 6 jours.
L’après-midi, ils nous restent 1h30 à marcher. Nous passons près de campements de bédouins. Les adultes refusent de se faire photographier à l’inverse des enfants qui ne demandent que ça.
En 4×4 jusqu’au bivouac
Au-delà du lodge de Feinan, deux 4×4 nous attendent pour finir les derniers kilomètres (1h de piste) et nous déposer sur le lieu du bivouac.
Après avoir monté les tentes, nous sommes quelques-uns à gravir un petit sommet. Pas de coucher de soleil à admirer, le soleil est caché derrière un voile nuageux. L’atmosphère est douce. Elle invite à l’introspection.
Après le repas, je m’endors au son des paroles des bédouins qui parlent autour du feu.
Wadi Aqaba – Wadi el Fed
+ 1044 m / – 407 m 11,2 km 7h00Nous quittons la vaste pleine dépressive du wadi Aqaba après avoir plié les tentes pour nous diriger vers le massif qui nous fait face.
Grosses chaleurs
Le sentier monte d’abord graduellement à travers les amas de pierre. Lorsque nous retrouvons un chemin plus évident, il se fait plus raide. Nous entrons dans un canyon étroit jonché de végétations rases et de grosses pierres. Petite pause salvatrice pour tout le groupe sous un genévrier. Il fait très chaud. La montre de Franck indique 33,5°C à l’ombre. Nous prenons bien le temps de nous désaltérer et poursuivons l’ascension.
La végétation se fait de plus en plus rare. Au col sans nom, une légère brise nous accueille sur un panorama splendide sur les montagnes. C’est étrange de constater que de nombreux canyons et montagnes n’ont ici pas de nom. La culture occidentale a besoin de nommer les éléments ; il suffit de regarder une carte IGN pour le vérifier.
Belle descente ensuite jusqu’à une vasque d’eau et sa cascade. Le lieu est parfait pour la pause repas. Le soleil tape fort, nous partons faire une pause à l’ombre d’un saule. Il fait bien trop chaud pour redémarrer de suite.
Wadi el Fed
Après 15h00, nous reprenons le sentier par une succession de canyons plus ou moins verts, plus ou moins escarpés. Nous sommes dans le wadi El Fed. C’est là que nous observons nos premières constructions nabatéennes, la civilisation qui a construit Pétra. Il s’agit de vestiges de canaux d’irrigation.
Nous posons le camp où nous attendent les bédouins sur un vaste plateau d’altitude. Eux font le trajet en 4×4. Comme hier, le ciel est trop couvert pour photographier un coucher de soleil. Demain Inch’Allah.
Ce soir, je prends l’option belle étoile.
Wadi El Fed – Siq Umm al Aldah
+ 759 m / – 573 m 15 km 6h00Ce matin, Johanne découvre un beau scorpion noir sous le sac de rangement de la tente. Hier soir, c’était Alain qui s’était fait piqué par un spécimen jaune. Il marchera toute la journée avec des accès d’échauffement et des engourdissements dans les membres. Mais plus de peur que de mal heureusement.
Nous quittons le camp pour monter sur une crête après avoir traversé un wadi asséché. Les panoramas sur le rift sont exceptionnels malgré les brumes de chaleur et la poussière qui vole dans le ciel. On n’est pas gâté par la lumière.
A 10h, il fait déjà plus de 28°C à l’ombre. Heureusement, sur la crête une brise bien agréable me permet de mieux apprécier la grimpette.
Contre un rocher et à l’abri d’un genévrier, nous prenons le déjeuner et faisons la sieste. On commence à s’y faire à ce petit rituel !
Les roches gruyères
Plus nous progressons, plus nous retrouvons les grès multicolores caractéristiques de Pétra. Tiphaine, Maëlle et Oscar, les trois jeunes du groupe apprécient la nouvelle morphologie des rochers. Ça vaut bien un triple saut ! Il faut dire que je verrais bien un Star Wars ici.
On ne tient plus Oscar. Il court dans tous les sens, escalade les rochers, se fait reprendre par son père mais recommence dès que l’envie se fait trop forte. Il a l’énergie d’un jeune de 18 ans, plein d’entrain, à qui rien ne peut arriver.
Nous croisons nos premiers dromadaires que les chameliers ont entravé pour éviter qu’ils se carapatent. Nous rencontrons aussi sur la fin d’étape nos premiers bergers et leur troupeau de moutons et chèvres. Aucun n’acceptera de se faire photographier. Dommage. Je me rattrape avec un agame joliment posé sur un rocher.
L’atmosphère est orageuse. Tout le monde monte les tentes ce soir.
Ce soir au dîner, c’est mansaf, plat typiquement jordanien à base de poulet, d’arachides, de lait et de riz. Mais on peut le faire avec bien d’autres ingrédients comme de l’agneau.
Siq Umm al Aldah – Little Pétra
+ 506 m / – 553 m 15 km 6h00La nuit a été agitée, pas que pour moi, pour tout le monde. Eole a décidé de nous en faire voir de toutes les couleurs. La toile de tente pliait sous l’effet des bourrasques. J’ai bien crû que les arceaux allaient lâcher. Mais les Ferrino ont tenu malgré les 4 sardines. Il faut dire que nous avons dû lester la tente à l’aide de pierres sur les haubans et la jupe de la toile extérieure.
La mer de roches
Il fait un ciel de plomb quand nous démarrons la journée de randonnée. Pluie et vent s’alternent mais cela me laisse indifférent. Je suis bien.
Les blocs de grès semblent être d’anciennes maisons troglodytes mais il n’en n’est rien. C’est juste le temps, le vent et la pluie qui ont façonné la roche en une multitude d’inselbergs creusés et troués comme du gruyère. Le lieu semble souvent fréquenté par les bergers bédouins.
Little Petra
A la sortie d’un magnifique petit canyon et d’une courte montée, nous débouchons sur « Little Petra », notre premier véritable site nabatéen situé dans le sîq El Bared (canyon froid). Comme son nom l’indique, le site est plus petit que Pétra.
En 2010, un biclinium a été découvert dans une des grottes du site. On l’appelle la Painted House car une fresque a été découverte sous une suie épaisse. On y voit des représentations de raisin (ah le culte de Dionysos) et deux oiseaux. D’un point de vue archéologique, c’est une découverte majeure car les peintures nabatéennes sont rares.
A Little Petra, on trouve aussi un triclinium à colonnades et un temple avec une élégante façade à fronton.
Alors que nous découvrions le site néolithique de Beidha (-6500 avant JC) qui se situe près de Little Petra, l’orage s’abat sur nous. Il nous faut vite déguerpir, monter dans le bus et rejoindre notre hôtel à Wadi Musa. Si vous aimeriez découvrir Pétra en bivouac, allez lire mon article spécifique à la découverte de Pétra à pied et en bivouac.
Pétra : Wadi Musa – Le Sîq – Wadi Farasa – Wadi Mesra
+ 626 m / – 661 m 11,6 km 6h00Me voici de retour à Pétra neuf ans après ma première découverte. Nous quittons Wadi Musa assez tôt pour pénétrer sur le site de Pétra considéré comme la huitième merveille du monde pour beaucoup. Le site est classé par l’UNESCO depuis 1985.
Le Sîq et le Kazneh
Nous pénétrons en douceur dans le siq, le défilé étant assez large au départ. Parmi les premiers vestiges, la tombe des obélisques et le Bab al Siq Triclinium ont ma préférence d’un point de vue esthétique. D’ailleurs visuellement parlant, on dirait qu’il n’y a qu’un monument alors qu’ils sont bien deux. L’obélisque est d’influence égyptienne alors que la niche de la tombe est d’influence gréco-romaine.
Au niveau du point et du wadi Muthlim, le sîq se resserre et devient une gorge spectaculaire d’1,2 km de long encastrée au milieu de parois pouvant atteindre 180 mètres de haut et distantes à certains endroits de 3 mètres seulement. C’est réellement impressionnant. Mieux vaut ne pas y être lors d’un orage comme celui de la veille. Tout le long des parois se succède plusieurs vestiges : canaux d’irrigation, bétiles, niches votives… A la sortie du sîq, le Kazneh, l’édifice le plus célèbre de Pétra se dévoile. L’arrivée est envoutante et inoubliable. La colossale façade du Kazneh, aussi appelé le Trésor, a fière allure dans le flanc de la roche.
Wadi Farasa par le djebel Attuf
Nous restons un moment face au presque 40 m de hauteur du monument richement décoré puis reprenons la randonnée jusqu’aux Voies des Façades. Là plutôt que de poursuivre par le cœur de la cité nabatéenne, nous prenons un sentier en escalier qui part à gauche et monte au djebel Attuf, le haut lieu des sacrifices pour les Dieux nabatéens. Là haut, la vue est imprenable sur tout le site de Pétra.
La descente dans le wadi Farasa est encore plus esthétique. Plusieurs sites se succèdent : le monument du lion, la tombe jardin, le triclinium, la tombe du soldat romain, la tombe de la renaissance et la tombe au fronton cassé. J’aime beaucoup cette vallée car ces monuments sont bien conservés, de tout premier ordre et il y a moins de monde qu’ailleurs à Pétra car il faut un peu marcher pour s’y rendre.
Jusqu’au bivouac dans le wadi Mesra
En sortant du wadi Farasa, nous rejoignons la voie à Colonnades et pénétrons dans le wadi Mesra, une petite vallée déserte où la roche est particulièrement multicolore mais les monuments nabatéens sont mineurs.
Ce soir, c’est un camp fixe. Pas besoin de monter la tente, nous avons une grande tente à disposition dans laquelle nous pouvons tous dormir. Je monte sur un sommet au dessus du camp pour aller voir le paysage au coucher de soleil. Assis sur la roche, je me dis que la semaine a passé à une vitesse folle. Demain, c’est déjà la dernière journée en Jordanie.
Pétra : Wadi Mesra – Deir – Wadi Musa
+ 605 m / – 572 m 9,8 km 4h00Impossible de ne pas me lever tôt pour cette dernière journée en Jordanie. Je suis donc le premier à être debout. Je retourne sur le même point de vue que la veille. Des chiens m’ont repéré et aboieront jusqu’au lever du soleil. Gérard me rejoindra un peu avant son arrivée.
Après le dernier petit-déjeuner, nous partons en direction du Deir, qui représente pour moi le monument le plus esthétique de Pétra avec le Kazneh.
Vers le Deir
Le sentier consiste à contourner par l’ouest le djebel ed Deir par un sentier très très peu emprunté et pourtant en excellent état. Il longe le massif et serpente au grès de sa morphologie. Les points de vue sur le désert d’Arabie sont de la partie.
Après une bonne montée, nous arrivons à une aire de repos. Le Deir, légèrement en contrebas, se dévoile à nous. Si sublime qu’il est, le Deir est à contre jour et j’en veux au guide d’avoir modifié le programme. Très clairement, le Deir se photographie en fin de journée.
Il faut quand même que je vous dise deux mots sur le Deir. On le nomme aussi le monastère mais c’est plus vraisemblablement un tombeau, peut-être celui du roi nabatéen Obodas 1er. La façade est imposante : 45 mètres de large pour 42 m de haut.
Nous poursuivons la randonnée par la descente des 800 marches. C’est le sentier qu’emprunte la majorité des personnes qui veulent voir le Deir. Tout le long du chemin, les échoppes se succèdent et les moins courageux peuvent même monter et descendre sur un âne ou une mule.
Les tombes royales
En bas, nous sommes dans le cœur de Pétra où nous sommes déjà passés hier. Nous allons voir le Qasr al-Bint. C’était l’un des principaux temples de la cité et l’une des rares structures construites plutôt que creusées dans la roche. Nous filons ensuite voir ce qui reste de l’Eglise Byzantine.
Nous mangeons à la caféteria près de l’Eglise et repartons pour les tombes royales. Construites à même le flanc du djebel al-Khubtha, elles impressionnent par leur dimension et leur finesse. Cinq monuments se succèdent en enfilade : la tombe de Sextius Florentinus, la tombe Palais, la tombe Corinthienne, la tombe de la Soie et la tombe à l’Urne. Face à ces façades, nous sommes petits mais alors très petits.
Nous rejoignons le théâtre puis repartons à Wadi Musa par le sîq où un bus nous attend pour nous conduire à Amman avant de rentrer en France.
Quelle merveilleuse semaine en Jordanie !
Fondateur d’I-Trekkings et des blogs I-Voyages et My Wildlife, j’apprécie le rythme lent de la marche et des activités outdoor non motorisés pour découvrir des territoires montagneux et désertiques, observer la faune sauvage et rencontrer les populations locales. Je marche aussi bien seul, qu’entre amis ou avec des agences françaises ou locales. J’accompagne également des voyages photo animaliers qui associent le plaisir d’être dans la nature et l’apprentissage ou le perfectionnement de la photographie animalière.