Une nature sauvage et indomptée, des paysages à couper le souffle : les rudes fjords de Norvège m’impressionnent. Vus d’en haut, ils sont encore plus spectaculaires. Evidemment, les randonnées pour parvenir à ces extraordinaires balcons ne sont pas toujours de tout repos. Récit de quelques randos entre Bergen et Stavanger, dans le sud-ouest du pays, à commencer par la découverte du célèbre « Trolltunga ».
Trolltunga, le plongeoir suspendu au-dessus du fjord
Sacré plongeoir : une barre suspendue au-dessus de 700 mètres de vide, face au lac de Ringedalsvatnet qui étire son bleu étincelant. Un endroit mythique. C’est le « Trolltunga », « la langue de troll », sans doute le rocher le plus célèbre de Norvège. Sa photo circule parfois sur le net et je l’ai toujours contemplée avec beaucoup d’admiration pour le modèle qui y pose, mêlée à une pointe de frousse, tant l’endroit est vertigineux.
Curieusement, maintenant que j’y suis, cela me paraît moins effrayant. Le promontoire –de fait, il a vaguement la forme d’une langue– est assez large, incurvé vers le haut. En restant bien au milieu, je ne vois pas le vide. Courageux mais pas téméraire, je ne m’approche donc pas du bord. Et me garde bien de m’y asseoir, les jambes ballantes, comme le font certains…
Un millier de marches taillées par des sherpas népalais
Seul, face au vide, j’ai droit à la photo souvenir que prend un membre de mon groupe resté plus haut sur la falaise. Un moment inoubliable. Mais je ne m’éternise pas… car il y a du monde derrière qui veut en faire autant. Certains dimanches d’août, il y a parfois jusqu’à deux heures d’attente avant de prendre son tour !
Pourtant, le « Trolltunga » est perdu en pleine nature, non loin du Hardanger fjord –le deuxième plus long du pays–, en bordure du parc national de Hardangervidda. Venir jusqu’ici n’a rien d’une petite promenade digestive. Comme mes camarades, j’en fais la dure expérience.
Ce sera même notre journée la plus longue et la plus difficile. Pas loin de dix heures de marche pour 22 km au total. L’aller et le retour se font par le même trajet avec un peu plus de 800 m de dénivelé, seulement. Mais la dernière descente met les jambes à rude épreuve : un bon millier de marches en pierre, d’ailleurs taillées par des sherpas népalais. Le matin, elles se laissent avaler sans difficulté. Le soir, c’est une autre histoire…
Si le « Trolltunga » se mérite, le chemin est un régal pour les yeux. Les paysages changent plusieurs fois, du tout au tout. Avec entre autres un étonnant plateau poli par les glaciers. Quelques ruisseaux serpentent à même la roche, c’est du plus bel effet. Plus loin, un lac d’un bleu profond se découpe, inaccessible, au fond d’un cratère.
Avec sa nature grandiose, la Norvège est un étourdissement de chaque instant. Pour nous, la griserie commence déjà à Bergen. Une belle ville, fidèle à sa carte postale : des maisons de bois colorées se mirant dans les eaux du port. Le quartier de Bryggen, cet ancien comptoir de la ligue hanséatique qui date du XIIIe s – l’époque où Bergen est la capitale–, est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Un régal pour les photographes qui s’en donnent à cœur joie. Alentour se croisent encore d’autres rues pavées avec de respectables demeures toutes habillées de bois.
Des saumons de près d’un mètre
En quelques minutes, par la grâce du téléphérique d’Ulriken, nous nous retrouvons sur les hauteurs de Bergen, loin de la civilisation. Dès les premiers mètres se présente un tableau bucolique à souhait : des vallons où paissent des moutons, parfois quelques maisonnettes aux couleurs vives installées au bord de petits lacs alimentés par de nombreux ruisseaux. Une mise en jambe sympa, un avant-goût prometteur de ce qui nous attend dans des contrées plus reculées.
Les jours suivants, les trajets de liaison en descendant par la route vers le sud sont l’occasion d’agréables découvertes. Quelques traversées en ferry viennent pimenter le voyage. Les paysages sont toujours différents : tantôt des vergers –la pomme est partout– dévalant vers les fjords, tantôt de hautes cascades bondissant sur les falaises. Pour faire bonne mesure, des torrents tumultueux.
Près de Sand, un joli village blotti autour de son port de pêche dans la région de Ryfylke, les amateurs viennent ainsi de loin pour se mesurer au saumon sauvage dans la rivière Suldalslågen. Régulièrement sont sortis des spécimens de près d’un mètre de long ! Ceux que j’ai vus derrière la vitre de la passe à poissons de Sandsfossen deviendront peut-être aussi imposants.
Le fjord de la lumière
Un autre rocher emblématique est le « Preikestolen ». Peut-être moins connu que le « Trolltunga » bien que facile d’accès, mais encore bien plus spectaculaire. Une vaste dalle, presque carrée, posée comme un balcon au-dessus d’un panorama splendide. Celui que j’ai préféré.
De part et d’autre s’allonge sur près de 30 km le Lysefjord, le fjord de la lumière, le bien nommé. Les rayons de soleil plongent entre les nuages en direction des eaux uniformément bleues. De temps en temps, le sillage d’un bateau de croisière –vu de là-haut, il me parait ridiculement petit– vient les souligner d’un trait blanc. Ses passagers voient le mur qui se dresse face à eux : un aplomb de 600 mètres, strictement vertical. Au sommet du « Preikestolen », la chaire du prêtre, je ne peux que la deviner.
Au fond du Lysefjord, se trouve encore une autre attraction, le « Kjerabolten », le rocher suspendu : une énorme boule de pierre coincée entre deux falaises. De fortes pluies survenues le lendemain nous y font renoncer. C’est donc l’image sereine de cette « chaire du prêtre » que je garde devant mes yeux.
Envie de poursuivre l’aventure en Norvège ? Découvrez ce road trip au sud de la Norvège par Astrid.
Informations pratiques
Ce reportage a été effectué avec Allibert Trekking, sur la base de la randonnée « Les fjords vus d’en haut » 8 jours. La Norvège est l’une des destinations préférées de ce grand du voyage à pied : il y propose pas moins de 31 séjours, guidés ou en liberté. Depuis les îles de Lofoten jusqu’aux fjords du sud en passant par le ski de rando et les aurores boréales dans les Alpes de Lyngen, ce serait bien le diable si vous ne trouvez pas le vôtre dans la liste !
Guide Lonely Planet « Norvège » 23,50 €
Journaliste professionnel venant de la presse régionale, j’ai toujours aimé bouger. Au fil de mes pérégrinations, j’ai découvert le voyage à pied et à vélo, que j’apprécie énormément l’un comme l’autre. Et plus j’en fais, plus j’en redemande !