L’archipel du Cap Vert, au large des côtes du Sénégal, offre aux randonneurs une multitude de chemins parcourant d’arides montagnes où les habitants ont construit de merveilleux chemins pavés au milieu de vertigineuses terrasses et de nombreux canaux d’irrigation. La température agréable souvent tempérée par les brises permet d’y randonner sans souffrir d’une chaleur excessive. Le courage des habitants qui ont aménagé de spectaculaires sentiers dallés et des canaux d’irrigation au milieu de vertigineuses terrasses force l’admiration. Sur l’île de Fogo, la découverte de la caldeira et du chaos de lave depuis le sommet du volcan garantit un spectacle extraordinaire. L’île de Santo Antao offre un important réseau d’itinéraires entre les villages bien documentés sur les cartes.
Île de Fogo
Petit Pico
+ 300 m / – 300 m 6,9 km 2h30Le vol entre Praia et l’île de Fogo dure à peine une demi heure. Placés à droite de l’avion nous pouvons observer les pentes impressionnantes du volcan avec ses coulées de scories avant l’atterrissage à Sao Filipe. Dès notre sortie de l’aéroport nous gagnons en taxi les hauteurs à travers les petits villages pour atteindre la caldeira où trône le volcan Fogo. La route traverse d’abord des paysages relativement verdoyant avec des zones de cultures éparpillées. L’entrée dans le cratère marque le début d’un relief tourmenté. La voiture s’arrête sous les pentes du Fogo devant la route pavée ensevelie sous la lave de la dernière éruption.
Par une marche rapide dans les pentes de scories nous atteignons le sommet du petit Pico au cône échancré. Dans ce désert minéral, des arbustes, des arbres fruitiers et des plants de vigne luttent pour survivre au centre de cavités creusées dans les scories.
A travers les coulées successives qui ont détruit, fin 2014, début 2015, les 2 villages installés dans la caldeira nous descendons vers le hameau de Cha de Caldeiras. Il faut ensuite un long détour pour éviter le champ de lave impénétrable et trouver le bon cheminement vers notre hébergement reconstruit à neuf récemment. Les maisons comprimées ou ensevelies par la lave, la noirceur ambiante laissent imaginer le chaos qui a suivi l’éruption et pourtant la vie reprend malgré tout. Dans les chambres et la salle de restaurant la chaleur du sol diffuse une douce température malgré l’altitude
Pico Fogo
+ 1100 m / – 1100 m 11,1 km 5h00Le lendemain, c’est aux 2829 mètres d’altitude du volcan que nous nous attaquons : montée soutenue et descente rapide et ludique dans les pentes de scories sont au menu du jour.
Un jeune guide, obligatoire pour cette ascension, nous accompagne. Après la traversée du village où s’entremêlent maisons ensevelies et habitations récemment construites nous suivons une piste qui remonte en pente douce vers la base des champs de scories. Derrière nous les rebords de la caldeira commencent à se tinter de chaudes couleurs matinales.
Vue d’en bas, l’itinéraire semble impressionnant avec ses longues pentes raides qui remontent d’un seul jet vers le sommet. Le tracé emprunte un cheminement en courts lacets dans la pente régulière avant de rejoindre une crête rocheuse. La montée est continue sans véritable replat en louvoyant au mieux des passages entre les rochers.
Nous avançons régulièrement et en un peu moins de 4 heures rejoignons le bord du cratère déchiqueté. Des fumerolles s’échappent des flancs du volcan et l’odeur du soufre est bien présente.
Des câbles équipent le rebord et par un court cheminement aérien nous atteignons le sommet, point culminant du Cap Vert. Le début de la descente dans les roches mélangées de scories réclame un peu d’attention mais rapidement nous rejoignons le champ de fine pouzzolane où il suffit de se laisser glisser droit dans la pente raide pour perdre rapidement de l’altitude dans un sillage poussiéreux balayé par le vent et c’est un moment très ludique de glisse inattendue.
Descente vers Mosteiros
+ 100 m / – 1400 m 11,9 km 4h30Pour notre dernier jour nous quittons la caldeira pour descendre sur ses pentes raides couvertes de forêts puis de riches cultures, caféiers, bananiers, papayers, etc… jusqu’à l’océan bien agité ! C’est d’abord une traversée du village au milieu d’un impressionnant champ de lave qui a englouti de nombreuses maisons au cours des dernières éruptions.
Après le village de Bangaeira l’ancienne route pavée réapparaît en bordure de la lave ainsi que la végétation : eucalyptus et cultures de vigne, pommes de terre et pois profitent de tous les espaces délaissés par les coulées. Le chemin se poursuit à peu près horizontalement jusqu’au rebord de la caldeira où il plonge en forêt dans la pente raide qui rejoint la mer. Une végétation dense et variée recouvre ce versant, preuve de l’humidité dont bénéficie l’île de Fogo. À la maison forestière de Monte Velha un modeste péage de 100 escudos est demandé. Les gardes présents nous montrent leur jardin où les pots de semis attendent alignés pour le reboisement.
À partir de là, le chemin raide dévale la montagne, aménagé avec de multiples marches pour faciliter le passage et limiter l’érosion. Au fur et à mesure de la descente, la végétation évolue et les plantations de bananiers et de caféiers apparaissent. Les pentes raides sont aménagées pour accueillir des cultures maraîchères dans tous les espaces accessibles.
La forêt cède définitivement la place aux cultures et nous pouvons observer les paysans travaillant dans les champs. Chargées par de lourds fagots portés sur la tête les femmes nous dépassent rapidement sans oublier de nous gratifier d’un sourire alors que nous descendons avec précaution appuyés sur nos bâtons de marche. C’est avec plaisir que nous apercevons la route pavée où nous attend notre chauffeur. Avant de gagner la voiture nous prenons le temps de nous rafraîchir au kiosque judicieusement placé au débouché du chemin.
Île de Santo Antao
C’est à pied que nous visitons cette nouvelle île au spectaculaire relief volcanique : 5 jours de randonnée itinérante à travers des montagnes aux parois abruptes, aux arêtes effilées et entaillées de canyons profonds. Les chemins dallés dévalent ou grimpent en lacets des pentes vertigineuses. Les hommes, ici, sont des bâtisseurs de murs de pierres sèches et amènent l’eau par des kilomètres de canaux suspendus jusqu’à d’étroites terrasses accrochées aux versants. Au détour d’un chemin, on est toujours surpris de découvrir le vert des cultures de bananiers, de cannes à sucre, de patates douces, d’ignames et autres légumes au milieu de l’aridité ambiante. Cette splendide randonnée se termine au bord de l’océan déchaîné. Nous consacrons ensuite une journée à marcher au long de la vallée de Paul, la vallée verte de l’île. Ici, l’eau abondante permet toutes les cultures qui s’étagent toujours en multiples terrasses sur les pentes. Le va et vient permanent des habitants anime des chemins se faufilant parfois sur d’étroites arêtes.
Cha da Morte – Dominguinhas
+ 600 m / – 830 m 12 km 5hUne petite heure de ferry nous permet de traverser de Mindelo à Porto Novo. De là, un pick up nous conduit par une route pavée qui traverse une large plaine caillouteuse et bosselée avant que n’apparaissent des pics déchiquetés nimbés de brumes. De Cha da Morte nous partons pour 5 jours de randonnée. Par un large chemin empierré nous descendons dans un profond canyon avant de remonter sur l’autre versant.
En face de nous une barrière verticale barre l’horizon mais nous devinons une brèche encaissée qui sera notre point de passage vers la vallée d’Alta Mira. Nous traversons une zone où les maisons aux toits de chaume ou de tuiles, les cultures en terrasses, les canaux d’irrigation témoignent d’une activité agricole intense. Les plantations de tomates, pommes de terre, manioc, etc… étalent leur verdure foisonnante au milieu d’espaces désertiques. Petit à petit, nous nous rapprochons de la barrière montagneuse.
Les dykes se détachent du ciel bleu et le raide couloir donnant accès au col de Forquinha se gravit facilement grâce aux nombreux lacets du chemin pavé. Ces ouvrages bordés de murets de soutènement établis en pleine pente sont un véritable patrimoine humain. Du col le chemin dévale une pente tout aussi raide jusqu’à la route desservant les hameaux d’Alta Mira.
De tous côtés des cultures en terrasse sillonnent les montagnes et grâce à un système sophistiqué de petits canaux d’irrigation utilisent au mieux les précieuses ressources en eau de ces montagnes désertiques. Nous rencontrons de nombreux paysans qui répondent avec le sourire à notre salut et s’arrêtent pour échanger quelques mots avec nous malgré la barrière de la langue. Au bout du dernier village, une petite épicerie permet de calmer nos gosiers desséchés. Nous comprenons rapidement que l’utilisation de l’eau est un problème crucial, en particulier à cause d’une sécheresse continue depuis plusieurs années. Le chemin plonge ensuite dans un profond vallon où circule épisodiquement un petit ruisseau suffisant pour qu’une verdoyante végétation tapisse le fond du canyon. Petit à petit, les parois de resserrent, de petites cascades nous diffusent leur douce fraîcheur. Une dernière remontée permet d’atteindre le village de Dominguinhas où nous sommes hébergés chez Isolinda, accueillante propriétaire d’une chambre pour les randonneurs.
Dominguinhas – Meio d’Espanha
+ 730 m / – 710 m 13,2 km 5hNous poursuivons sur le chemin bien tracé au dessus du profond canyon. Par une alternance de montées et descentes il franchit plusieurs vallons encaissés. De nombreux espaces cultivés en terrasse profitent du moindre espace et des aménagements permettant l’irrigation. Les canaux d’irrigation et les réservoirs remplis d’eau abondent. De nombreux paysans travaillent dans les champs et des ouvriers s’occupent d’entretenir le chemin avec de simples outils. Au bas de la vallée l’océan apparaît et ses rouleaux s’abattent violemment sur une plage de sable noir en contrebas.
À partir de cet endroit, le sentier toujours bien pavé remonte vers un petit col qui ouvre sur un paysage caillouteux et beaucoup plus désertique. Le sentier en balcon domine l’océan. Bordé de murets de pierres il serpente aux milieu d’espaces caillouteux où ne poussent que de maigres arbustes. Le sentier pavé menant au col donnant accès à la vallée de Figueiras déroule ses 18 lacets réguliers que nous gravissons avant la pause de milieu de journée.
Nous demandons l’autorisation de nous poser sur la terrasse ombragée d’une petite maison en pierre et avec une gentillesse sympathique 2 cap-verdiens nous apportent des tabourets pour nous asseoir. Le chemin se poursuit au milieu des habitations et des terrasses qui ne semblent pas toujours entretenues.
Puis nous remontons l’étroite vallée dominée par le village de Meio d’Espanha et, à nouveau, des terrasses verdoyantes refont leur apparition. Par de raides chemins pavés nous rejoignons le village et la maison de notre hôte qui nous offre un vaste panorama sur la vallée. Ânes, chèvres, cochons coqs et chiens animent les abords de la maison et durant la nuit nous bénéficions des multiples bruits de la campagne.
Meio d’Espanha – Cha d’Igreja
+ 935 m / – 1220 m 16,1 km 5h30Nous parcourons aujourd’hui une succession de profonds canyons isolés et peu habités. Nous longeons d’abord par le dessus le canyon remonté hier. Très rapidement le paysage devient aride et la plupart des terrasses sont abandonnées. Par contre, nous empruntons de magnifiques chemins dallés au milieu de roches colorées. L’audace de certains de ces chemins est stupéfiante et ils apparaissent comme suspendus en pleine paroi pour franchir les crêtes séparant les profondes vallées.
Quelques rares habitations sont les seuls signes de vie de ces villages isolés et difficiles d’accès. Même les terrasses sont en partie abandonnées. Le ciel est voilé de poussières et les reliefs vertigineux se détachent à peine. La dernière longue descente par un chemin pavé spectaculaire nous conduit à la mer sur une longue plage de galets noirs roulés par la houle. Le cheminement entre la paroi verticale et les vagues qui s’écrasent sur les galets est étroit.
Un court passage fouetté régulièrement par les rouleaux nous fait hésiter car nous ne voyons pas la suite du passage. Nous attendons pour observer le mouvement de la marée. Pendant ce temps, la mer continue de monter et nous nous réfugions sur une étroite plate-forme en hauteur pour attendre le reflux. Au bout de ¾ d’heure 2 cap-verdiens transportant leur lourde charge sur la tête nous proposent de nous aider pour franchir ce passage. Rassurés par leur aide et leur gentillesse nous franchissons sans encombre la dizaine de mètres délicate. Nous rejoignons ensuite rapidement la route qui remonte vers Cha d’Igreja où nous logeons dans la maison d’Isulda chez qui nous apprécions le confort d’une douche chaude.
Cha d’Igreja – Ponta do Sol
+ 815 m / – 900 m 18,1 km 5h30Le parcours se déroule entièrement le long de la côte et nous sommes assourdis toute la journée par le remue ménage des flots qui se jettent furieusement sur la base des falaises. Après être redescendus par la route pavée vers Cruzinhas, petit village du bord de mer nous empruntons un large chemin sablonneux jusqu’à rejoindre le pied des falaises hautes de 300 mètres. À partir de là, un magnifique sentier pavé bordé d’un mur de pierres longe la mer suspendu vertigineusement à la paroi.
Par une succession d’innombrables montées et descentes nous franchissons des gorges profondes. L’atmosphère est brumeuse, chargée de poussières et des fines gouttelettes d’embruns transportées par le vent nous rafraîchissent par moments. De rares villages ruinées entourées de pauvres terrasses abandonnées témoignent de la rudesse de la vie. Contrairement aux jours précédents où nous étions les seuls randonneurs nous rencontrons régulièrement des marcheurs. À Corvo nous faisons une halte sur la terrasse d’un bar pour notre pique-nique. Le fond du vallon est toujours occupé par des cultures en terrasses verdoyantes malgré la sécheresse alentour.
Devant nous, une rude remontée en lacets se profile avant d’atteindre le village coloré de Fontainhas, perché sur une crête escarpée.
C’est ensuite par la route pavée que nous rejoignons Ponta do Sol, petit port de pêche à l’accès certainement très délicat avec les vagues qui se fracassent sur les roches et la jetée. Les barques colorées sont alignées au bord du trottoir et quelques pécheurs intrépides jettent leurs lignes sur les rochers régulièrement balayés par les paquets de mer.
Vallée de Paul
+ 355 m / – 880 m 9,3 km 4hAprès un court transfert en pick up nous rejoignons la vallée de Paul. Le changement de paysage est spectaculaire : les sommets entourant cette vallée encaissée arrêtent les nuages en provenance du nord-est et, tout au long de la vallée, villages et cultures verdoyantes se succèdent sans interruption. Ici, c’est l’abondance : canne à sucre, papayers, manguiers, bananiers, igname, manioc, choux, pommes de terre poussent sur des terrasses arrachées aux pentes escarpées.
La voiture nous laisse au bout de la route et par une succession de petits chemins reliant les nombreux hameaux nous redescendons vers le bas de la vallée. Tout au long de la descente nous côtoyons les habitants qui se rendent à leurs champs ou transportent de lourdes marchandises, parfois avec l’aide d’un âne.
Les points de vue sont spectaculaires bien que les sommets aient la tête dans les nuages. Le bon sentier franchit plusieurs crêtes, parfois aériennes. À Espanadeiro, établi sur une longue arête dominant les vallées, nous faisons une pause chez Alcida qui était venue à notre rencontre guettant les randonneurs.
Une très longue descente par des chemins parfois bétonnés et aménagés de multiples marches nous conduit à la route près du village de Boca de Figueiral. Il nous suffit ensuite de nous laisser aller le long de la route pavée pour rejoindre notre confortable chambre d’hôtes à Vila da Pombas où s’achève cette magnifique randonnée bercée par les rythmes de la musique capverdienne et enchantée par le sourire des habitants.
La randonnée est pour moi une source de découverte inépuisable. Amoureux de la montagne depuis de nombreuses années j’ai toujours autant de bonheur à parcourir les sentiers et à partir marcher aussi bien pour une journée que pour de longues itinérances. Mon départ à la retraite m’a offert le loisir de traverser les Pyrénées par la HRP dont je rêvais depuis longtemps. Cette longue traversée a encore renforcé mon envie de périples au long cours… Et depuis, j’ai traversé la France du sud vers le nord puis l’Espagne sans négliger quelques itinéraires plus courts au cœur de nos massifs. Cette envie de longues itinérances reste vivace et les projets ne manquent pas…