Souvent cantonnée à des parcours à la journée ou en étoile, la raquette à neige est pourtant un formidable outil de randonnée itinérante. Elle est même, pour celles et ceux ne possédant pas le niveau de ski suffisant pour s’aventurer en “peau de phoque”, le sésame pour flirter avec des itinéraires alpins exigeants. Fanny et Henri nous proposent un nouveau parcours inspirant, en itinérance, dans les Alpes du Nord. Voici leur randonnée raquette dans le Haut-Giffre, vers la Tête du Bostan. Une randonnée effectuée à deux reprises, en février 2022 avec nuit en refuge d’hiver et cette année avec une nuit en igloo. Retrouvez nos 10 conseils pour réussir ses premières randonnées en raquettes.
De Samoëns au refuge de Bostan
+ 766 m / – 0 m 6 kmNous sommes à la fin février 2022. Le printemps à déjà fait une apparition marquée dans les hauts du village de Samoëns. Les premières fleurs de noisetiers pendent aux branches et les mésanges charbonnières entonnent leur petite ritournelle. Mais la neige est bien au rendez-vous et nous chaussons les raquettes dès les premiers pas pour avancer plus confortablement. “A l’ombre, ça n’a pas decaillé” lance Agnieszka notre guide. “Et avec la pluie des derniers jours, la neige a bien croûté en surface”. C’est donc sur une neige bien portante que nous lui emboîtons le pas. Une chance, car presque 800m de grimpée assez raide nous attendent avant de rejoindre le refuge du Bostan où nous passerons la nuit. La qualité de la neige est une composante importante dans la préparation de cette randonnée à raquettes. D’une part en raison des pentes largement supérieures à 30% qui imposent une vigilance accrue sur le risque d’avalanche mais aussi parce que d’autres conditions (neige poudreuse, humide, …) pourraient facilement doubler le temps de marche nécessaire.
La sente forestière s’élève rapidement entre de vieux hêtres et épicéas aux troncs marqués par le poids de la neige. Le refuge principal étant fermé, c’est au refuge d’hiver que nous avons prévu de passer la nuit. Un abri confortable mais sans eau, ni repas, ni chauffage, ce qui nous impose de transporter des sacs chargés. L’effort fait vite grimper la température et les polaires rejoignent le sac jusqu’à ce que nous atteignions la limite de la forêt. Au hameau endormi de Bervalles, la vue s’ouvre sur les falaises des dents d’Oddaz. Le vent nous y surprend par sa force et son froid. Trois heures déjà que nous progressons à bon rythme. Une bonne heure est encore nécessaire pour qu’apparaisse enfin le refuge, baigné de la lumière dorée de cette journée de fin d’hiver. De nombreuses places sont encore disponibles, la pression retombe car il n’y a pas de réservation possible au refuge d’hiver et en l’absence de place, nous aurions dû rebrousser chemin et sans doute finir à la frontale. Une règle du jeu que nous connaissions et qui ajoute un peu de piquant à cette micro-aventure. Pourrait-on d’ailleurs parler d’ “aventure” s’il n’y avait pas un peu de suspens et d’imprévu … Pour fêter la bonne nouvelle, Agnieszka sort une bouteille d’IPA de l’excellente brasserie du Haut-Giffre que nous savourons en admirant le coucher de soleil sur la chaîne des Aravis. Boire une bière au bivouac, comme en refuge, est toujours un plaisir !
En 2023, nous reprenons le même itinéraire, mais pas du tout par les mêmes conditions. La neige manque sur de bonnes portions des versants Sud et le thermomètre n’affiche que des températures positives, même au plateau de Lago que nous atteignons vers 16h30. Hervé, notre guide pour cette année, maîtrise parfaitement l’art de la construction des igloos et c’est là que nous entamons le montage du nôtre. Taille des blocs de neige, montage des murs et de la voûte, taille de la porte et cheminée. Près de trois heures seront nécessaires pour finaliser les abris. A l’intérieur, une douce lumière bleutée irradie et cette ambiance insolite bercera nos sommeils … après une bonne fondue. Hervé a, en effet, pensé à tout et la spécialité des Savoies est dégustée à l’abri du froid. Dormir dans un abri de neige est une expérience insolite et enthousiasmante. La température à l’intérieur de l’igloo est très confortable, restant au-dessus de zéro.
Vers la Tête du Bostan
+ 350 m / – 1110 m 7,5 km2022. Le thermomètre affiche, à l’intérieur, un petit -14°C au point du jour. Une température parfaitement confortable dans mon sac de couchage adapté mais qui semble avoir été moins agréable à deux de nos compagnons de nuit, visiblement mal équipés. Nous entamons cette journée par une séance de fonte de neige pour préparer le petit-déjeuner et remplir les thermos. Le réchaud essence ronfle et rompt le silence du refuge. Dehors, l’air est piquant. Le panorama sur les sommets du Haut Giffre et les Dents blanches est époustouflant.
Les sangles de nos raquettes se sont raidies avec le froid et demandent un peu plus d’efforts pour être correctement réglées. Mais nous prenons le temps de peaufiner les réglages car la journée commence par un joli dévers où il ne s’agirait pas de déchausser accidentellement. C’est l’occasion d’apprécier l’accroche exceptionnelle de nos MSR lightning ascent qui mordent la neige dure comme de la glace. Un petit ressaut nous permet d’atteindre un couloir raide où les cales de montée s’imposent. L’effort est très intense mais largement récompensé par la vue qui s’ouvre de plus en plus largement sur les Aravis, le Jura et le massif du Haut Giffre. Nous nous laissons doubler par quelques skieurs montant en peaux dans la pente qui conduit à l’épaule du Bostan. L’occasion de comparer la différence d’efficacité entre nos modes de déplacements, de bien percevoir l’écart entre glisser et marcher.
A 2078 m le Signal du Bostan offre un nouveau point de vue, sur les sommets suisses cette fois. Une heure et demie nous séparent encore du sommet à proprement parler, avec sa vue sur le massif du Mont Blanc, avant d’entamer la descente de plus de 1700m de dénivelés. Avec la raideur de la pente, l’altimètre s’affole et affiche des records à 1000 et même 1200m/heure. Ce n’est pas de la glisse, mais c’est bien amusant tout de même. Au fur et à mesure que nous descendons la neige se transforme, plus sensible aux rayons du soleil. Plus lourde, plus humide, elle finit par filer en de minces filets dans un joli torrent qui marque la fin de notre randonnée.
La version 2023 est moins physique car après l’ascension, identique à celle de l’année précédente, nous faisons le choix de passer la nuit au refuge gardienné du Bostan. C’est un accueil chaleureux qui nous y attend et le plaisir de savourer une excellente IPA locale sur la terrasse panoramique. La vue s’ouvre largement sur les massifs des Aravis et des Bornes. Le Grand Bargy se dessine dans la lumière orangée du soir. Ce sommet est mythique pour les amoureux des oiseaux qui sont venus, dans les années 90, admirer le vol des premiers gypaètes réintroduits. L’odeur de la croziflette nous tire de notre contemplation, il faut savoir être prosaïque. Les presque 800 mètres de descente sont avalés le lendemain en trois petites heures tranquilles sur une sente qui serpente en forêt.
Carnet pratique
Quand effectuer cette randonnée raquette dans le Haut-Giffre ?
Dès les premières chutes de neige (autour de novembre) jusqu’à avril, en surveillant les conditions d’enneigement. L’itinéraire est à réaliser de préférence hors vacances scolaires car, situé dans une zone peu exposée au risque d’avalanche, il est déjà naturellement fortement fréquenté par les locaux.
Comment y aller ?
Cluses dispose d’une gare TER (la reliant à Lyon, Annecy, Genève) et d’une gare routière. De là, la ligne de car 94 dessert Samoëns. Depuis Samoëns, il existe un service de navettes Skibus qui relient le centre bourg aux différentes stations de ski.
Pour ceux qui viendraient en voiture, le stationnement est non payant à Samoëns et les services de transports en commun sur place sont gratuits.
Où dormir ?
Fermé durant l’hiver 2022 en raison de travaux, le refuge de Bostan vous accueille désormais été comme hiver. Le refuge est gardé, chauffé, dispose de douches et de sanitaires. Le gardien propose une cuisine composée de produits bio et locaux. Le refuge accepte les animaux. La réservation est conseillée. Le joli refuge d’hiver non gardé (situé un peu plus haut que le refuge principal) est ouvert seulement lorsque le refuge principal est fermé, 20 places de couchage (et des places aussi dans la sous-pente à l’étage avec quelques matelas supplémentaires) mais rien pour chauffer (pas de poêle). Isolation moyenne. En hiver, la température dans le refuge est facilement négative. Il n’y a pas de toilettes.
Quelles difficultés ?
Passé par l’évaluation IBP Index, l’itinéraire ressort coté difficile. Il n’est pas technique, mais le fait que ce soit en raquettes engendre un effort plus important. Sur le weekend, cela représente plus de 11 km et près de 1200 mètres de dénivelé positif, avec de sérieux raidillons au départ du 1er jour et au départ du refuge le 2nd jour.
Quel équipement prévoir ?
Le traditionnel système trois couches vous permettra de vous adapter aux variations météo pendant la randonnée. Des chaussures de randonnée haute route, avec une bonne semelle, sont conseillées ainsi que des raquettes de qualité avec des crampons qui accrochent et permettent de tenir dans les raidillons et les dévers quel que soit l’état de la neige. Gants, bonnet et lunettes de soleil de catégorie 4 pour protéger efficacement de l’éblouissement lié à la neige sont indispensables . Pour le soir, pas d’équipements spécifiques pour le refuge gardienné, bénéficiant de tout le confort. Si celui-ci est fermé et que la nuit a lieu au refuge d’hiver (non gardienné), il est indispensable de prévoir une couche chaude supplémentaire (doudoune, gants plus épais, grosses chaussettes) et de quoi dormir au chaud (sac de couchage -10° confort minimum). Il n’y a pas d’eau en hiver au refuge non gardienné. Prévoir un réchaud pour fondre la neige. En igloo, l’équipement est sensiblement identique à celui nécessaire à la nuit en refuge non gardienné.
Avec qui partir ?
Agnieszka Warszawska, accompagnatrice en montagne locale, sillonne le massif du Haut-Giffre depuis plusieurs années. Très à l’écoute, Agnieszka saura s’adapter à vos besoins et vous guider en toute sécurité, tout en partageant ses connaissances en lien avec le territoire. Vous pouvez également vous adresser au bureau des guides de Samoëns.
Réduire son impact environnemental ?
Ramener ses déchets – et ceux trouvés en chemin -, ne pas faire de bruit ni de feux sont des règles de base pour profiter durablement de la nature. L’itinéraire traverse plusieurs secteurs forestiers. En hiver, la neige y est moins épaisse qu’ailleurs, le froid moins vif, le vent moins violent, la nourriture plus accessible. Chamois, cerfs et bien d’autres s’y réfugient fréquemment. Ce sont donc des espaces qu’il faut préserver à tout prix, avec une approche responsable, à ski ou en raquettes. Cela signifie ne jamais quitter les itinéraires balisés, prévoir des itinéraires d’évitement dès que possible. A fortiori lorsqu’il n’existe pas de balisage car si vous créez une trace, d’autres randonneurs viendront …
Raquette dans le Haut-Giffre avec un chien ?
Les locaux ont l’habitude de skier avec leurs chiens. Bien sûr, ce sont des chiens habitués et entraînés. Pour le soir, en cas de nuit au refuge d’hiver non chauffé, il faut également penser à emporter de quoi mettre au chaud votre compagnon. Vous vous posez des questions sur ce qu’il faut savoir pour randonner avec son chien. Lisez notre article sur ce sujet.
En savoir plus
- Pour préparer son séjour, le site Haut-Giffre tourisme
- Pour découvrir l’offre proposée par Agnieszka
- Pour découvrir l’offre du Bureau des guides de Samoëns
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka