Station du Mont-Dore -> Super-Besse – 7,4 km

L'Auvergne est comme une femme : à peine est-on dans ses bras chaleureux et verdoyants, ou au creux de ses formes arrondies, qu'on refuse de les quitter...

Focus Rando :Station du Mont-Dore -> Super-Besse – 7,4 km

Cette fois, mon retour hors des rêves nocturnes se déroula en douceur. Mieux : le soleil était au rendez-vous. Un ciel azur et une aube naissante complétèrent ma joie. Un rideau de lumière rosée caressait les crêtes éclatées du massif du Sancy. Celui-ci m’apparaissait comme une rangée de canines. Cette seconde journée se présentait sous une meilleure influence. Je bénéficiai de ce temps radieux pour, dès six heures du matin, procéder à des prises de vue de la chaîne montagneuse, depuis le balcon de ma chambre. Puis, ma douche finie, je descendis pour le petit-déjeuner.

L’heure suivante, après avoir traîné à ranger mes affaires par manque de conviction, je sortais de l’hôtel le cœur serein. La chaleur prédominait sur les crêtes. Tantôt sombre comme une femme en colère, tantôt chaleureux comme une femme accueillante, le Sancy se dévoilait dans un sublime écrin de verdure. Dans la station, au pied des pistes de ski, je repérai le balisage jaune de Chamina. Le chemin du Sancy est, avec le sentier du val de Courre reliant le Puy Redon, un des deux passages proposant une montée balisée jusqu’au Puy du Sancy. La grimpette sur deux kilomètres et demi était rude, presque à pic à certains endroits et très caillouteux. Je parvins sur la Dore (1670 m) en fin de matinée. J’aperçus avec davantage de netteté le sommet du Sancy ; il ne faisait pourtant pas partie de mon programme du jour. Ainsi, depuis le col de la Cabane (1790 m), des randonneurs se lancèrent à l’assaut du fameux Puy, en procession. De mon côté, j’empruntai un petit sentier car un panneau indicateur mentionnait la direction pour Super-Besse. Le chemin était étroit, coincé entre un versant rocheux, celui du flanc sud des puys de la Perdrix et Ferrand, et un précipice avec vue sur le Puy Gros ; cependant le paysage de ce côté-ci m’apparut merveilleux. Je longeai une vallée qui gagnait, dans le lointain, la crique de la Fontaine Salée, une contrée féerique mais hélas gâchés par des résidus nuageux s’éternisant dans les plaines. Le ciel se chargeait aussi d’une horde nébuleuse, laissant craindre à tout instant le déversement intempestif d’une giboulée d’eau. Parfois, je me surprenais à rêver en contemplant ces hautes montagnes, ces roches aux versants escarpés et pourtant foulés par des centaines de chaussures à crampon. Je me disais alors que Dame Nature allait me forcer à revenir en ces lieux pour me permettre de tout parcourir : un unique aller-retour serait insuffisant pour traverser de bout en bout le pays auvergnat.

Je déjeunai vers treize heures au col de Coulhay (1685 m), face à un dôme arrondi nommé « Montagne Haute » : le GR 30 le coupait de part et d’autre. Mes pieds s’étaient séparés de leurs cuirasses pour mieux jouir du bon air. La sérénité du col me sembla sorti d’un rêve éveillé. Le passage des randonneurs sur le sentier davantage élargi au précédent, entrait parfaitement dans ce cadre idyllique. Au loin, j’entrevis un lac : sûrement celui des Hermines à Super-Besse. Au-dessus, les nuages étendaient leur empire sans vergogne.

L’estomac rassasié, j’allais poursuivre tranquillement mon chemin, qui suivait maintenant le GR 4. Sachant que ma destination de la journée était tout proche, je m’engageai, à une intersection, sur une pente descendante. A ma gauche, s’étendait la plaine des Moutons et, au-delà, la vallée de Chaudefour me susurrait de la contempler. Le lendemain, mon circuit devait enjamber cette route pour le retour, dans l’espoir d’y observer, au fond de la vallée, des mouflons.

J’attaquais ainsi le versant sud du massif du Sancy. Au fil de ma descente, le ciel s’éclaircissait et le panorama se modelait en une succession de vallons creux.

Je m’écartai un moment sur le côté pour laisser passer des VTT fous furieux, dévalant à toute vitesse. J’en profitai pour effectuer des prises de vues. Hélas, le lointain demeurait brumeux, rendant difficile la visibilité des volcans ou des petits dômes. Je fulminai intérieurement, m’estimant malgré tout chanceux d’apprécier un tableau si verdoyant et reluisant, saupoudré de reflets bleutés autant dans le ciel que sur terre.

A une courbe, un rocher rehaussé d’une croix m’intrigua. A son approche, je découvris une table d’orientation annexée par un descriptif écrit sur une plaque en verre. Il s’agissait de la Croix de Seignavoux, qui surplombait une plantation et des bois. La chapelle de Vassivière, haut lieu de pèlerinage estival, se distinguait dans la même perspective. Le soleil luisant tapait fort, dès qu’il ne se faisait pas obscurcir inopinément. Je préconisai un repos mérité au pied de la Croix, tout en consolant mes pieds : la souffrance qu’ils enduraient depuis le matin serait finalement récompensée par un massage dans la soirée, tout en sachant que les kilomètres parcourus aujourd’hui deviendraient vite insignifiants en comparaison de ceux à franchir les prochains jours.

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Je me remis en selle, certain de finir bientôt cette étape. Je sentis par ailleurs la douce arôme salée du lac des Hermines, dont une extrémité se détachait lentement sur ma ligne de vision. Je discernai finalement des chalets accrochés à un puy. Le restant s’ensuivit dans la foulée. Je me trouvais en vue de Super-Besse, enfoui dans un large vallon, sur l’autre versant du massif du Sancy. C’était une station d’hiver et d’été, nichée dans le cirque glacière de la Biche et accueillant une clientèle des Alpes. Après la traversée d’une forêt, me voilà au terme de cette seconde étape.

Peu d’efforts à consacrer pour repérer l’hôtel « Sabrina », un large chalet comme il en existe en grand nombre dans ces montagnes. Ce fut à grosses gouttes de sueur que je me présentai à la réception. Ma chambre possédait deux lits séparés avec vue sur le lac. Je répartissais mes affaires sur les draps afin de visualiser les cartes d’itinéraire ou les habits utiles pour le lendemain : je commençais maintenant à bien m’organiser, en établissant l’ordre des priorités.

En étudiant l’heure non tardive, j’estimai avoir le temps de sortir et visiter la ville. A l’office de tourisme, je me renseignai sur les chemins de randonnée. Grâce à un plan des rues fourni par l’hôtesse, je m’enthousiasmai sur un sentier qui contournait Super-Besse par l’arrière et qui grimpait en une seule ondulation jusqu’à la Plaine des Moutons, pour ensuite gagner le col du Coulhay déjà traversé. Sitôt mon état des lieux achevé, j’acquis, auprès de la même hôtesse, un tee-shirt aux couleurs et au logo du Massif de Sancy ; puis je quittai l’office pour me mélanger à la foule de touristes envahissant les pavés.

La rue principale de Super-Besse regorgeait de boutique-souvenirs et de quelques restaurants proposant les mêmes spécialités auvergnates. Je flânai entre les différents vacanciers sans trouver un souvenir attirant. Certes, les objets à l’effigie des animaux de la région paraissaient amusants ; or, à long terme, je me lasserai vite de ces futilités si jamais j’en prenais un.

En parvenant au bout de cette grande rue, j’entendis en écho le tambour du tonnerre. Derrière moi, le ciel au-delà des pistes herbeuses se noircissait, précipitant la station sous un rideau ombragé. Je me dépêchais de faire machine arrière et de rentrer à l’hôtel. L’averse approchante s’annonçait violente. J’assistais ainsi, dès ma montée dans ma chambre, à la colère du ciel, grondant, déchaîné, suivi par une pluie de grêle incessante. Le froid apparut, cruel, destructeur.

En soirée, la salle du restaurant me parut désemplie. A peine le quart des tables était occupé par deux familles, un couple et moi-même. Je m’interrogeais sur la raison estivale de cette désertification. Il fut improbable que seule la météo instable en fut la cause. Le temps étant redevenu clément, je sortis dehors. L’atmosphère était suffocante, orageuse ; par moments un vent de fraîcheur faisait frissonner les cimes des arbres. L’horizon était suffisamment clair pour autoriser la visualisation des dizaines de petits dômes qui cernaient la ville, selon une ligne horizontale bien mesurée. Finalement, je remontai à ma chambre, cette fois pour me coucher. Auparavant, je consacrai les soins nécessaires pour soulager mes pieds : des pansements en ornèrent vite le dessous.

Cette nuit, mes rêves s’acheminèrent paisiblement vers la découverte de superbes vallons, enrichie par la montée sur des volcans âgés de plusieurs milliers d’années.

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