Récit et trace gps du trek du W dans le parc national Torres del Paine au Chili. Un trekking XXL.
En bus jusqu’au parc national Torres del Paine
Nous prenons un bus de ligne tôt le matin à Ushuaia (Argentine), nous suivons la route 3 et traversons l’immensité de cet espace de pampa. Après quelques heures de route, 2h d’arrêt sur le bord de la route au milieu de nulle part… au bout de 2h le bus repart, à 10km/h puis s’arrête au bout de 2, 3 km… une voiture venue de nulle part s’arrête, donne quelque chose au chauffeur, ce dernier re-tripote son moteur et nous repartons à pleine vitesse.
Nous l’apprendrons par la suite, nous avions un problème de courroie, il avait essayé de réparer avec une courroie ne correspondant pas à son moteur jusqu’au moment où la voiture lui a amené la bonne courroie…
Nous repartons, de la route, du sentier, du chemin…
Nous passons la douane sans problème, nous sommes au Chili ! Nous arrivons au mythique Détroit de Magellan. La traversée se fait à bord d’une barge.
Lors de la traversée, nous apercevons des dauphins de Commerson, splendides, fluides, impossible de les photographier, nous profitons du spectacle… Nous roulons toujours à travers la pampa… tantôt sèche, tantôt verte, mais toujours battu par les vents ou rien ne pousse.
Nous faisons une étape à Punta Arenas, ville qui évoque la découverte du Détroit de Magellan, l’époque des pionniers dans cette contrée ou la nature est hostile à l’homme, les grandes fortunes faites grâce au détroit et aux passages des navires.
Depuis 1914 et l’ouverture du canal de Panama, Punta Arenas a perdu de sa suprématie, mais a gardé son charme d’antan avec ses grandes maisons d’époque. Nous passons par Puerto Natales, charmante petite ville au bord du fjord de la dernière espérance, et continuons vers le parc Torres del Paine. Nous y entrons par une route au beau milieu de la pampa… déjà nous croisons la faune locale : guanacos, nandous.
Et lors d’un arrêt, de loin, entre les collines, nous les apercevons, droites, alignées… les Torres sont là et nous attendent.
Torres del Paine, l’un des plus beau parc national d’Amérique du Sud
Torres del Paine est l’un des plus beau parc nationaau d’Amérique du Sud avec ses glaciers, ses formations rocheuses, ses lacs couleur turquoise ainsi que sa flore et faune uniques. Avant de devenir Parc National en 1959 (et réserve de la biosphère par l’UNESCO en 1978) ses terres appartenaient aux « rancheros » qui vivaient de l’élevage des bêtes, principalement des moutons qui sont les plus répandus dans toute la Patagonie ; Il y a à peine quelques dizaines d’années, c’était vraiment le « far-west »…
La formation géologique du Massif Paine n’as rien à voir avec la formation de la Cordillère des Andes, car elle est plus récente, elle s’est faite il y a à peu près 12 millions d’années à travers une intrusion de magma qui s’est refroidi et a formé les belles formations granitiques qui sont aujourd’hui connues comme les Tours du Paine. Les couches sédimentaires supérieures ont presque partout disparu, sauf au sommet de quelques formations telles que les « Cuernos del Paine » et le Fortaleza. Cela explique les différences de couleurs, dues à la différence de matériau : foncé pour les sédiments, plus clair pour le granite.
Nous avançons dans le Parc, le lac Sarmiento au Sud et son bleu profond incroyable, le lac Nordenskjold au Nord et son bleu turquoise. La couleur des pics du parc contrastent les bleus des lacs. Le vent est exceptionnel, inouïe, mais ne gâche en rien les premières impressions de ce site majestueux.
Les vues s’enchainent sur les différents pics, majestueux Amiral Nieto (qui doit son nom a celui qui a permis la logistique pour sa première ascension en 1937).
Nous arrivons pour prendre le bateau et traverser le lac Pehoé, afin de rejoindre le campement du même nom, point de départ du fameux trek en W du parc. Les vues du bateau défilent, et sont extraordinaires, le nombre de photos s’envole. Le bateau nous débarque sur le campement au pied du Paine Grande et face au Cuernos, les cornes du Parc.
Les étapes de notre trek du W en 4 jours
- Jour 1 : A/R depuis le camp Péhoé jusqu’au refuge Grey voir le glacier du même nom (22km D, : +/- 300m)
- Jour 2 : Depuis le camp Péhoé jusqu’au refuge Los Cuernos (en passant par la vallée des Français) (20km D, : +/- 300m)
- Jour 3 : Du refuge Los Cuernos au refuge Chileno (16km, D +300m)
- Jour 4 : du refuge Chileno à la base des Torres et retour à l’entrée E (24km, D : +600m / -800m)
Refuge de Paine Grande – refuge Grey – refuge de Paine Grande
- Temps de marche : 6h30
- Distance : 22 km
- Dénivelés : +/- 300 m
La nuit sous la tente a été venteuse, les boules quies étaient de rigueur. Nous partons du camp Péhoé, appelé aussi refuge de Paine Grande, au pied de la montagne du même nom. Le ciel est chargé de gros nuages gris, quelques éclaircies semblent possibles, une chose est sûre : nous allons encore avoir beaucoup de vent, la softshell est mise à rude épreuve, le test coupe-vent est sans appel. Le vent est froid, fouettant par rafale, nous déstabilisant parfois sur les promontoires, les appuis ne doivent pas être hésitants. Pour donner un peu de piments et nous réveiller, nous avons le vent de face pour ces 11km de montée à l’aller.
Cette zone du Parc a brulé durant plusieurs jours en décembre 2011 suite à une faute d’inattention d’un campeur qui a voulu brûler son papier-toilette… Aujourd’hui, les vues sont dantesques, les arbres sont noirs s’ils ont encore leurs écorces et blancs/gris pour les autres. La végétation reprend doucement par un tapis de diverses herbes vertes.
Comme nous l’avons vu avec la végétation du Parc Torres del Paine, les arbres sont principalement des faux-hêtres (Lenga et Coihue). Nous montons tranquillement et passons à côté du Lac des Canards (Laguna Los Patos), zone de reproduction, nous avançons dans les sentiers pierreux. De temps à autre, nous observons au milieu des herbes vertes, des orchidées, des « souliers de la vierge », des baies et des buissons de Calafate.
Nous arrivons sur un promontoire battu par les vents, il est difficile de tenir l’équilibre pour la photo ; 1ere vue du lac Grey, quelques icebergs décrochés du glacier sont venus se perdent sur les rives poussés par les vents.
Nous continuons au pied des pics de Paine Grande enneigés et embrumés. Nous découvrons le mont Olguin et son glacier dans la brume. Nous continuons sur les sentiers au bord du lac Grey, nous traversons la rivière Olguin alimentée par la fonte du glacier. Les premiers points de vues nous permettent les vues sur le glacier Grey que nous ne quitterons quasi plus des yeux. Nous descendons à une lagune ou des petits icebergs sont échoués.
Nous pique-niquons sur la plage, presque abrité du vent, face au glacier. Puis, nous revenons sur nos pas en direction du camp.
Refuge de Paine Grande – refuge Los Cuernos par la vallée des Français
- Temps de marche : 6h00
- Distance : 20 km
- Dénivelés : +/- 300 m
Deuxième nuit sous la tente, deuxième nuit venteuse. Aujourd’hui, une belle journée nous attend, le ciel est bleu, et c’est notre quatrième jour de vent non-stop. On s’habituerait presque. Lors de la randonnée, les rafales sont de plus en plus fortes et nous déstabilisent de plus en plus. L’itinéraire commence sur un paysage encore ravagé par l’incendie de 2011, par contre, une végétation herbeuse repousse, verte, rouge et parsemée de fleurs, égayant les sentiers ; quelques buissons de l’arbre de feu (firebush Embothrium coccineum) repoussent.
Nous avons encore des vues superbes sur le lac Péhoé, bleutés et laiteux. Les panoramas sur le lac, bleu avec les firebush aux fleurs rouge vif sont époustouflants. Nous longeons d’abord le lac Skottsberg (botaniste suédois ayant dirigé une expédition en Patagonie en début du 20e).
Nous avançons vers la vallée des Français, les chemins sont pierreux, les appuis parfois hasardeux et les bourrasques violentes n’arrangent rien. La difficulté n’en est qu’accrue, ce n’est pas pour me déplaire. Le ciel se couvre quand nous entrons dans la vallée des Français, la végétation est enfin verte, nous retrouvons les trois types de faux-hêtres, la randonnée prend un tout autre sens dans cet environnement.
Le vent se renforce, lors d’une prise de vue sur un promontoire, le vent nous balaye, nous pousse… Nous devons nous laisser tomber sur le sol pour ne pas se faire emporter… c’est la première fois que je me sens aussi léger… Nous continuons à travers bois dans la vallée, nous suivons le Rio Francés et arrivons au point de vue principal. Le glacier des Français est bleuté, comme suspendu à la montagne. Il est composé de trois parties : la partie principale en haut de la montagne, les avalanches forent un second glacier en contrebas qui avance et tombe à son tour pour former un troisième glacier plus bas. La vue à 360° est splendide, devant, le glacier des Français, derrière, les Torres bien visibles, mais à contrejour et avec la roche luisante.
Nous entendons comme des grondements de tonnerre, ce sont des morceaux de glace qui se décrochent et forment des avalanches le long des parois. Le spectacle est splendide. Le ciel se couvre, il pleut une sorte de neige fondue, il est temps de redescendre vers le lac.
Nous repartons par ou nous sommes venus, nous suivons le Rio Francés, à la sortie de la vallée et face au Lac Nordenskjöld, nous prenons à gauche. Le temps est de nouveau au beau fixe, le ciel s’est découvert, seul le vent est toujours bien présent, nous ne ressentons pas la chaleur, la protection solaire est de rigueur. Le lac Nordenskjöld, d’un laiteux bleuté est superbe, les rafales sur le lac sont tellement fortes que des écumes d’eau se forment, crée des tourbillons au-dessus de la surface.
Nous ferons une pause sur une plage du lac, à l’abri du vent, nous voyons passé les rafales sur le lac, impressionnant. Nous reprenons le chemin, à droite, le lac, bleuté, sublime, à gauche, les Cuernos ; les vues sont splendides, buisson de firebush et Cuernos, je ne m’en lasse pas, je ne sais plus où donner de l’objectif !
Durant la soirée, le vent ne faiblit pas, il secouera le refuge toute la nuit.
Refuge Los Cuernos – refuge Chileno
- Temps de marche : 5h00
- Distance : 16 km
- Dénivelés : +300 m
Au réveil, le vent semble avoir faibli pour ce troisième jour de randonnée. Nous faisons un détour pour passer voir une cascade derrière le refuge au pied des Cuernos. Etrange, il ne semble plus y avoir de vent aujourd’hui… le ciel est bleu, aucun nuage, il y a toujours du vent, mais si peu comparé aux autres jours. Toute la journée, nous traverserons la forêt qui longe le lac Nordenskjöld ; la vue sur les Cuernos évoluera tout au long de la journée, nous découvrons les différentes Cuernos (Nord, Principale, la Chico – petite corne, seule, devant la corne principale – et la corne Est) le spectacle est superbe.
La marche continue à travers bois, buisson de firebush. Depuis quelques jours, nous voyons régulièrement des condors, planant dans les airs, très haut, profitant des courants d’airs chauds ; aujourd’hui, nous en apercevons un au-dessus de nous, puis deux, puis trois volant à basse altitude… ce n’est pas le moment de se fouler une cheville !
Plus nous avançons et plus les Cuernos disparaissent, l’Amiral Nieto se dévoile avec son pic penché, nous le suivrons et le contournerons par le Sud jusque dans la vallée des Torres.
Le ciel est d’un bleu profond, il fait chaud et nous sommes rafraichis par la brise ou le vent, mais les 4 derniers jours nous ont fait perdre nos repères en terme de force du vent.
Nous profitons de ce temps superbe pour un déjeuner sur un promontoire rocheux, face aux eaux turquoises du lac Nordenskjold que nous quitterons en fin de journée. Nous reprenons notre marche en direction des Torres, nous entrons dans la vallée Ascencio (célèbre bandit Argentin qui d’après la légende serait mort dans cette vallée) et nous suivons la rivière du même nom jusqu’au chalet. Nous sommes rattrapés au cours de la marche par deux cavaliers et quatre chevaux chargés de provisions, seul moyen d’alimenter les refuges.
Les derniers kilomètres se font à flanc de montagnes, sur un chemin pierreux et sableux.
Journée courte, fin d’après-midi repos pour la journée de demain.
Refuge Chileno – entrée Est par le mirador des Torres
- Temps de marche : 6h30
- Distance : 24 km
- Dénivelés +/- : 600 m / 800 m
Réveil 6h30, je suis pressé d’entamer cette dernière journée de randonnée, accéder au mythique mirador des Torres. Depuis le sac de couchage, les bruits que j’entends sur le toit ne sont pas de bon augure, des gouttes ? Il pleut ? … je me lève en avance et fonce voir dans la salle commune du refuge l’état de la météo… Surprise, il a neigé cette nuit, tout est blanc sur les arbres. La visibilité est à peine de 150m et il neige encore…
La météo change vite ici, rien ne sert de se stresser pour la visibilité la haut… je retourne me mettre au chaud dans le sac de couchage, j’attends l’heure. 30 minutes plus tard, le ciel s’est un peu ouvert, laissant passer le soleil au fond de la vallée, la neige a déjà fondu aux alentours du refuge, le flanc des montagnes reste blanc.
Un bon petit-déjeuner, et nous partons. Nous ne voyons pas grand-chose au loin, les pics sont enneigés, embrumés. La neige de la vallée fond vite sous le soleil, nous avançons à travers bois dans la vallée avant d’atteindre le sentier menant au mirador. Quelques mètres plus haut, le temps se refroidit, s’assombrit. Nous continuerons à marcher et à monter sous des bourrasques de neige. De fins flocons compacts nous fouettent le visage ; encore une fois, froid, vent, neige, la softshell est mise à l’épreuve.
Durant la progression, aucune vision des Torres, nous montons maintenant un dénivelé de 400m à travers une moraine, cette masse de pierres est le dernier gardien du sentier avant le magnifique face à face avec les Torres. Mais ce dernier gardien ne sera-t-il la couche nuageuse, verra-t-on ce magnifique site ?
Après avoir suivi ce sentier à peu près tracé, sinueux et glissant dans la moraine, j’arrive en haut, et là, le ciel s’éclaircit, s’ouvre, les nuages me laissent entrevoir les splendides Torres entre d’épais nuages.
Le vent et le froid glacial sont toujours présents, nous n’aurons pas de ciel bleu, mais nous les voyons, et c’est bien là l’essentiel. Nous sommes récompensés d’être montés. Devant nous, la laguna de Torre au pied des Torres. Nous attendrons l’éclaircie qui ne viendra malheureusement pas, par contre, une nouvelle chute de neige accompagnée de bourrasque nous refroidit .
Il est temps de redescendre cette moraine enneigée et un peu glissante, je fais attention, le voyage en Patagonie n’est pas fini, j’ai encore besoin de mes chevilles (nous avons croisé sur le parcours plusieurs personnes blessées, les yeux embués par la douleur et la tristesse de devoir s’arrêter, ça pousse à la prudence, surtout par ce temps).
La neige continue de tomber, nous continuons à descendre, à travers bois. Peu à peu, la neige s’est transformée en eau ; nous retrouvons le refuge et déjeunons. Nous repartons vers l’entrée Est du Parc pour prendre notre bus de ligne, il faut se presser pour ne pas le rater. Nous revoyons une dernière fois le lac Nordenskjold. Le ciel s’ouvre, bleu, le soleil passe et nous réchauffe, plus nous descendons, plus le temps s’améliore, puis, le ciel se referme en quelques minutes, le vent revient, froid… Cette alternance durera toute l’après-midi. C’est un peu ça la météo en Patagonie.
Passionné par les voyages, et la découverte des pays, des capitales, des populations et de la cuisine étrangère, j’ai découvert le plaisir de la marche d’abord dans le Connemara, en Jordanie puis dans les parcs Américains (Bryce, Zion, Canyonland, etc…)
Aprés 3 voyages quasi consécutifs de randonnées aux USA, j’ai franchi la ligne pour partir 18j en bivouac à travers la Mongolie.
Le trek fut une révélation, se sont enchainés Cap-Vert, Vietnam, Islande, Patagonie, Colombie…
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un jour : Afrique du Sud / Bolivie / Pérou / Népal / Kirghizistan / Namibie / Japon / NewZealand / et tellement d’autres…