Le Tour de Belle-Ile en mer à pied fait sans doute partie des plus belles randonnées littorales de Bretagne et de France. Avec sa côte sauvage et des sites mythiques comme le phare des Poulains, les aiguilles de Port Coton, le village de Sauzon ou la citadelle du Palais, l’île est la vedette du Morbihan. Ses deux petites sœurs, Houat et Hoëdic, ont également un charme fou et méritent qu’on s’y attarde. C’est pour en savourer toute la beauté sous un angle différent que nous avons décidé d’embarquer pour une randonnée de 7 jours au ras des vagues, le nez dans les embruns, en compagnie des phoques et des dauphins. Voici le récit de ce tour de Belle-Ile, Houat et Hoëdic en kayak de mer.
Cap sur Houat
Nous sommes par une belle journée de printemps, au bout de la péninsule de Quiberon. La mer est calme et notre petite bande s’affaire autour de la dizaine de kayaks posés sur la plage. Ranger l’équipement individuel – vêtements et nécessaire de bivouac-, le matériel commun pour la popotte, l’eau et les vivres, équilibrer les chargements se fait dans la bonne humeur et la décontraction. Nous ne sommes, en effet, pas pressés. Le courant de marée ne nous sera favorable que dans une bonne heure. Pas question de lutter contre les éléments. Rallier l’île d’Houat par le passage de la Teignouse, son cortège d’îlots et de rochers impose de choisir le bon timing. Ici, toutes les six heures, des millions de mètres cubes d’eau changent d’orientation et se déversent par un entonnoir d’à peine 1,5 mille de large et 20 mètres de fonds. De quoi générer des courants qu’il vaut mieux éviter en kayak et seules l’expérience et les connaissances de Vincent, notre guide, nous permettent d’envisager cela sereinement.
Aussitôt à l’eau, le corps cherche ses anciens repères, hanches mobiles qui accompagnent les mouvements du bateau, épaules et coudes bas pour s’économiser et éviter de fâcheuses tendinites. Une fois passé le phare de la Teignouse, c’est le grand large qui s’ouvre devant nous. A un petit mètre de hauteur, le kayakiste voit vite l’horizon lointain s’effacer dans le grand bleu océanique. Houat n’est donc au début qu’un cap, 120° Est/Sud-est, à environ cinq milles et demi (10 kilomètres). Par un vent quasi nul et sous les rayons du soleil printanier, les coup de pagaies avalent la distance et nous approchons bientôt les îlots d’Er Veïnegueü, d’Er Houalherez et l’île Glazic dont nous laissons les pointes blanchies d’écume à distance pour atteindre enfin la plage de Treach er Venigued, sur Houat. La toponymie ne laisse pas de doute, nous sommes bien en Bretagne ! L’étape du jour en kayak est courte et laisse pleinement le temps à chacun de vaquer à ses préférences, farniente, observations de la faune et de la flore, lecture ou tour de l’île à pied …
Le Shorebreak en direction d’Hoëdic
Durant la nuit une petite houle s’est levée, dans l’axe de la plage, et provoque une vague qui casse avec un fracas impressionnant. Ce “shorebreak” est la terreur des kayakistes les moins aguerris. Nous embarquons en veillant à bien garder le bateau face à la vague et à éviter les vagues les plus impressionnantes qui arrivent par séries. Le groupe passe, sans encombres. Mais ma femme et moi nous nous faisons surprendre par des vagues bien plus hautes que nous. Elle finit drossée à la plage et je ne passe qu’au prix d’une sacrée bagarre; quels souvenirs ! Paradoxalement, une fois la fureur du shorebreak passée, la houle est ample et c’est sur une mer tranquille que nous longeons la côte sauvage d’Houat.
Nos kayaks glissent sur les eaux translucides qui dévoilent des forêts subaquatiques de grands kelps, et nous retrouvons notre sérénité à contempler quelques goélands marins qui se chamaillent des restes de poisson, un groupe de cormorans huppés dorant au soleil. Il y a 10.000 ans, Houat n’était qu’une colline … loin de la mer. C’est la fonte des glaciers, en faisant remonter le niveau de la mer, qui nous permet aujourd’hui de longer la géologie de sa côte Sud, mise à nu par les vagues. C’est un des charmes du kayak que de pouvoir lire cette histoire de la Terre. De petites falaises de granit rose en criques de sable clair, nous atteignons la pointe de Beg tost, extrémité Est d’Houat, d’où nous nous engageons pour une petite heure de traversée vers Hoëdic, l’île “du caneton”. L’origine étymologique de ce nom serait-il dû à ces tadornes qui s’envolent à notre arrivée ? Un chose est sûre, les terriers de lapins que nous trouvons au-dessus de la plage de Porz Guen ont tout pour attirer ces canards aux drôles de moeurs*. Notre seconde étape s’arrête déjà là, nous laissant le temps de savourer l’ambiance ilienne, de découvrir le village, rassemblé au cœur de l’île.
* les tadornes de Belon sont des canards qui occupent les terriers de lapins pour nicher
Pagayer le long de la côte sauvage de Belle-Ile-en-mer
Il est temps, pour cette troisième journée, de rejoindre la côte de Belle-Ile-en-mer. Cap sur la pointe de Kerdonis en passant par l’île aux chevaux où nous marquons la pause casse-croûte. Les goélands marins et fous de bassans nous accompagnent dans cette traversée de près de six heures. La perspective d’une bonne douche à l’arrivée nous donne des ailes. C’est la seule prévue sur cet itinéraire en bivouac et, une fois arrivés, nous savourons chaque goutte qui dissout le sel qui colle à la peau.
Le lendemain matin, et comme chaque jour, le petit déjeuner est l’occasion du bulletin météo et du briefing sécurité. Météo idéale, soleil, vent nul et houle faible pour les prochains jours. C’est une chance exceptionnelle de naviguer au plus près de la côte. Trois jours durant nous longeons cette côte sauvage belle-iloise qui se fait tour à tour impressionnante sous les hautes falaises et accueillante dans les petites criques et port naturels. Chaque coup de pagaie donne à s’émerveiller; devant ce phoque gris qui fait la sieste dans l’eau, ce fulmar boréal qui nous survole avec curiosité où ces pousse-pieds, étranges crustacés rassemblés en immenses colonies qui s’accrochent aux rochers battus par les vagues. Parcourir la côte belle-iloise en kayak de mer est une chance unique de découvrir l’île sous un jour différent. Si le piéton observe les sites les plus remarquables du haut de la falaise, nous avons pour notre part, le privilège de rentrer dans la grotte marine de l’Apothicairerie, de pique-niquer au pied des Aiguilles de Port Coton, de découvrir le phare des Poulains au ras de l’eau et atteindre, enfin, Sauzon qui marque notre retour à la civilisation.
Retour à Quiberon
Nous débarquons sur la cale de mise à l’eau de ce petit port plein de charme, en tenues de kayak, les cheveux blancs de sel, sous l’œil interrogatif de quelques badeaux. L’attrait d’un casse-croûte sur la jetée et d’un café à la terrasse d’un des petits bars a été plus fort que tout, au diable notre image de marque ! Quelques heures de navigation et la surprise d’une cascade se jetant en mer nous attendent encore jusqu’à notre dernier bivouac.
L’étape du lendemain est sérieuse. Plus de sept milles nautiques (15 kilomètres) de traversée pour rejoindre la presqu’île de Quiberon. Sept milles sans pied à terre possible, sept milles soumis aux marées. Patiemment notre guide, Vincent, nous refait le brief. Météo stable, vent faible, nous partirons avec l’étale, ce moment entre deux marées où la mer est stable puis … Ça y est, après une dernière nuit à dormir sur le sable, nous sommes sur l’eau. Notre cap prend compte de la dérive que nous subirons en cours d’itinéraire, lorsque la marée sera montante. Plus de 30° de correction par rapport au cap théorique, voilà qui donne idée de la puissance du courant que nous allons rencontrer. Les yeux rivés sur l’amer qui nous permet de vérifier la justesse de notre calcul, nous progressons. Le groupe tente de rester rassemblé mais les différences physiques et techniques s’expriment tout particulièrement dans ces moments ; surtout veiller à caler le rythme sur les plus faibles. Trois heures et demie s’écoulent et la côte est à portée de pagaie. Nous n’avons alors plus qu’à nous laisser porter par le courant, passer la pointe du Conguel et retrouver la terre ferme après cette semaine inoubliable.
Carnet pratique – Tour Belle-Ile en mer, Houat, Hoëdic en kayak de mer
Tour Belle-Ile en mer, Houat, Hoedic en kayak de mer, nos étapes
Jour 1 : Traversée Quiberon – Houat, 4 h
Jour 2 : Houat – Hoëdic, 4 h
Jour 3 : Hoëdic – Belle-Île par l’île aux chevaux, 5 h
Jour 4, 5 et 6 : Côte sud de Belle-Île, Sauzon et dernier bivouac, 11 h
Jour 7 : Retour à Quiberon 4 h
Quand effectuer ce tour en kayak de mer ?
Cet itinéraire se pratique de mai à septembre, en dehors des périodes de grandes incertitudes météo.
Tour Belle-Ile en mer, Houat, Hoëdic en kayak de mer, quel niveau, quelles difficultés ?
Avec un guide, ce parcours est accessible, en kayak double, aux personnes maîtrisant les techniques de base de déplacement et de dessalage (niveau 1, pagaie jaune). En kayak monoplace, le niveau supérieur est un prérequis (niveau 2, pagaie verte) avec notamment la maîtrise de la navigation par vent force 2 et en présence de vagues jusqu’à 50cm.
En autonomie, cet itinéraire ne s’adresse qu’à des pagayeurs avertis, évoluant en groupe de niveau homogène et maîtrisant parfaitement à la fois les techniques de pagaies et de secours. Le fait de savoir lire et interpréter cartes marines et tables de marées pour tracer un itinéraire en toute sécurité, de posséder l’équipement d’urgence et savoir l’utiliser en situation de stress ne sont pas des options.
Pas de difficultés physiques particulière pour toute personne un peu sportive et habituée aux activités outdoor.
Quel équipement prévoir ?
Notre check-list pour une randonnée en kayak de mer réussie vous apportera toutes les infos utiles pour ne rien oublier. Si vous partez avec un guide, celui-ci peut mettre à votre disposition une partie de l’équipement technique ou de bivouac, n’hésitez pas à le consulter.
Tour Belle-Ile en mer, Houat, Hoëdic en kayak de mer, avec qui partir ?
Moniteur-guide et fondateur de Camino kayak, co-fondateur de l’agence Unghalak, navigateur et pédagogue hors pair, Vincent Achard vous guidera en toute sécurité sur cet itinéraire qu’il est seul à proposer. Retrouvez l’interview réalisée après son passage du cap Horn en kayak.
Comment y aller ?
Pour organiser vos déplacements en transports en commun jusqu’à Quiberon, consultez Breizh Go.
Préserver l’environnement
Les îles et îlots possèdent des milieux naturels rares et fragiles, habituellement peu fréquentés et où des animaux vivent et se sentent en sécurité. Il est donc primordial de préserver cette quiétude. Il est ainsi recommandé de ne jamais approcher la faune (phoques, dauphins, oiseaux, …). Un peu de calme, un kayak à l’arrêt provoquent souvent la curiosité des animaux et offrent des observations de meilleure qualité, avec la satisfaction de ne pas déranger en plus !
De manière générale, les hauts de plage (galets, dunes embryonnaires) sont des zones de nidification recherchées, particulièrement sur les îlots, par certaines espèces d’oiseaux menacés. Les sternes, les grands gravelots et les huîtriers-pie nichent au sol et sont donc très vulnérables lors de la période de nidification d’avril à mi-juillet. La couverture végétale de certains haut de plage est également très sensible au piétinement et au passage de matériel nautique. Certains espaces peuvent donc être ponctuellement ou totalement interdits au débarquement.
Et après ?
Evidemment, après une telle aventure, une galette et une bolée de cidre s’imposent. Et pourquoi pas poursuivre la découverte par le tour de ces îles à pied ?
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka