Le Massif Central se transforme, sur sa frange Nord-est, en un doux moutonnement de collines qui disparaissent dans la plaine de Saône. Ce relief a pour nom Beaujolais. Une région plus connue pour ses vins que pour ses randonnées car on ignore souvent qu’elle possède un relief varié et qui s’élève à plus de 1000 m à certains endroits. Du printemps à l’automne on trouve ici un terrain idéal pour plonger dans une nature verdoyante, des paysages de forêts et de bocages propices aux premières itinérances. Mais en hiver, un tour du Haut Beaujolais à pied peut se révéler une toute autre aventure … Récit de mes 4 jours de marche.
Bivouac entre pluie et neige
Nous sommes aux tous premiers jours de janvier. Le ciel est bas, les températures ont plongé sous zéro depuis quelques jours et un léger vent renforce l’ambiance hivernale. Je me délecte de la sensation du froid qui mord la peau, de la buée qui s’échappe de la bouche en un nuage de vapeur. La relation avec les éléments me semble devenir plus intime en hiver qu’en toute autre saison. Nous quittons le village de Tramayes et ses maisons d’ocre clair en prenant les ruelles qui grimpent jusqu’à l’église. Nous ne sommes ici qu’à quelques kilomètres de Cluny et le bâtiment religieux de Tramayes porte, sur le premier étage de sa tour, la marque de l’influente abbatiale.
Notre itinéraire, “non officiel”, s’appuie sur les GR 7, 76 et le réseau PR local pour effectuer une boucle en balcon des vallées des deux Grosnes. Ce sont ces deux cours d’eau, Grosnes orientale et occidentale, qui se rejoignent non loin de Tramayes pour donner naissance à un cours unique qui se jettera, 95 km plus loin dans la Saône. Le sentier redescend rapidement vers la confluence des deux ruisseaux. Puis il traverse la Grosne sur un petit pont piéton, parmi des prés entourés de haies basses. Épines noires, aubépines, lierres sont chargés de baies et font le régal de bandes de grives et de merles qui s’envolent à notre passage. De là, notre sentier s’attache à rester sur la ligne de crête, tout d’abord cap Nord, Nord-ouest. La sylviculture intensive a malheureusement marqué le paysage mais de jolies ambiances demeurent, gros blocs de roches moussues, charmes, chênes et houx gigantesques chargés de baies rouge vif. A cette saison la durée du jour est courte et passé seize heures nous commençons à nous préoccuper de trouver de l’eau pour le bivouac. Une flaque de fonte de neige, quelques minutes à pomper avec notre filtre MSR Trailshot et le tour est joué. Le vent se lève, un mélange de pluie-neige s’abat par rafales, il est temps de se glisser sous la tente posée en lisière d’une prairie.
Bivouac au col du Pendu
Après une nuit bercée par le bruit du vent dans les arbres, nous découvrons que la pluie s’est peu à peu transformée en neige dans la nuit. Plier la toile de tente humide et glacée ne fait pas partie des moments les plus agréables mais un bon thé chaud au génépi fait vite oublier l’inconfort. Si les précipitations ont cessé, le vent, lui, n’a pas faibli. Et c’est col de la veste remonté et tous les zips bien fermés que nous reprenons notre chemin. Le GR7 que nous empruntons suit toujours la ligne de crête qui ferme la partie occidentale de la vallée des deux Grosnes. Plutôt qu’une ligne de crête, c’est une succession de collines qui nous oblige à d’incessantes montées-descentes, bien agréables pour se réchauffer. Le relief s’incline peut à peu vers le Sud-est, formant le fond de vallée où naissent les sources des Grosnes. A midi, nous atteignons le col de Champ Juin (726m).
Sous le regard curieux de quelques vaches charolaises nous avalons rapidement une poignée de fruits secs et sortons la carte topographique. A cette altitude la neige fait déjà une dizaine de centimètres d’épaisseur, compliquant notre progression. Il est probable que plus haut les précipitations de la veille n’ait été que neigeuses et que l’épaisseur au sol soit bien plus importante. Il nous faut donc abandonner notre projet initial de passer par le sommet du Mont Saint Rigaud (1009m) et privilégier un tracé plus bas en altitude. Le chemin empruntant l’ancienne voie ferrée de Villefranche à Monsols est une alternative idéale. Passant le vallon du Saut par un impressionnant viaduc, cette voie témoigne – si besoin était – de la folie des hommes. Tant d’efforts, de ressources, d’énergie pour une ligne qui ne fut exploitée qu’une trentaine d’années, jusqu’en 1934 ! Plus loin, atteignant le col de Crie, le ciel se déchire sous les assauts du vent de plus en plus violent. Le soleil fait de belles apparitions mais les températures ressenties sont glaciales et incitent à rechercher l’abri de la forêt. Il est encore un peu tôt pour planter la tente mais nous tombons sous le charme d’une clairière bien abritée. Nous décidons de passer outre le toponyme du lieu (col du Pendu !) et de profiter de la neige fournissant ici des ressources suffisantes pour l’hydratation et les repas lyophilisés, du sol presque plat, et du vent dans les cimes des épicéas nous garantissant une belle ambiance une fois glissés dans les duvets.
Un bivouac in extremis pour finir le tour du Haut Beaujolais
La nuit, le thermomètre a plongé et affiche un petit -7°C sous tente. L’équipement -10°C confort a parfaitement rempli son rôles et nous nous réveillons d’une nuit de près de … 10h ! Comme la veille, nous décidons d’adapter notre itinéraire et de renoncer aux sommets. Plus de dénivelés mais la garantie de ne pas “peiner” dans la neige épaisse. Le cap est désormais plein Nord, suivant la bordure orientale de la vallée des deux Grosnes. Le ciel est bas, les brumes cachent les hauteurs et le moins que l’on puisse dire est que nous ne croisons pas grand monde. Amoureux du silence et de la quiétude, cet itinéraire hivernal est pour vous ! La matinée se déroule dans un décor de bocage au relief très marqué. Des troupeaux de vaches et moutons charollais cherchent l’abri du vent contre les haies ou derrière de grands chênes. Quelques passereaux, mésanges, pinsons, bruants et chardonnerets parcourent la campagne en bandes, à la recherche de nourriture. Une sublime ambiance hivernale que nous savourons, réchauffés par le rythme de la marche. Nous passons Collevray puis Dombay, quelques maisons de pierres aux toits de tuiles romaines assemblées en de minuscules hameaux, typiques de l’habitat du Haut Beaujolais. De là notre itinéraire rejoint à nouveau la crête dont l’altitude s’abaisse au fur et à mesure que nous avançons vers le Nord. Col de Vernebois (684m), col de Fontmartin (664m), col de Sibérie (611m), … la liste s’égrène, le jour tombe sans qu’aucun lieu propice au bivouac n’apparaisse. Pentes trop fortes, sous bois envahis de ronces, taureaux patibulaires occupant les lieux, ce n’est finalement qu’à la nuit tombée que nous trouvons un recoin pour planter la tente, bénissant ses petites dimensions. Le repas est vite avalé et c’est bien fatigués de cette étape plus longue que prévu que nous sombrons dans nos duvets.
Quelques pépiements de roitelets huppés et les cris d’alarme d’un merle inquiet en guise de réveil et nous voici sur pieds. Si la nuit fut moins froide, le brouillard givrant qui nous enveloppe au petit matin est, lui, bien glacial. Un coup d’œil sur la carte nous fait constater l’avance prise la veille sur l’étape d’aujourd’hui. Ce n’est pas plus mal car la neige présente hier sur les sentiers et, ici, remplacée par … de la glace. Une véritable patinoire sur laquelle nous avançons prudemment, lentement, recherchant des appuis improbables, des espaces plus rugueux pour éviter la chute. Ce n’est pas la Chaddar mais ce n’est pas confortable pour autant. Las de ce pas-glissé nous tirons un trait sur le sommet de “la mère Boîtier” dont les 702m d’altitude noyés dans les stratus n’auraient, de toute manière, aucune chance d’honorer leur promesse de vue panoramique sur la plaine de Saône, la chaîne du Jura et, par delà, sur la blancheur étincelante du Mont Blanc. A la place, nous empruntons le GR 765 qui nous offre un retour rapide jusqu’aux ruelles ocres de Tramayes. Comme toute aventure gauloise, celle-ci se termine par un banquet, petits fromages fermiers locaux, saucisson du Beaujolais et bouteille de Saint-Vérand. Mais ça, c’est une autre histoire …
Carnet pratique – Tour du Haut Beaujolais à pied, entre deux Grosnes
Quand effectuer ce tour en Haut Beaujolais, entre deux Grosnes ?
Cet itinéraire peut s’envisager par toute saison. En hiver, de rares précipitations neigeuses peuvent imposer quelques adaptations d’itinéraire, sans difficultés.
Où dormir ?
L’itinéraire a été parcouru en bivouac, en respectant propriétés et réglementations relatives à la préservation des ressources en eau. Pour ceux cherchant plus de confort, il existe des hébergements situés à Tramayes, Saint Bonnet de Bruyère, Monsols, Avenas et Cenves. Ceux-ci sont cependant rarement précisément sur le parcours.
Quelles difficultés ?
L’itinéraire ne présente aucune difficulté, technique ou physique (pour toute personne en bonne condition physique). Ce Tour du Haut Beaujolais est idéal pour une première expérience d’itinérance.
Tour en Haut Beaujolais, entre deux Grosnes, comment y aller ?
La gare TGV Mâcon Lôché est à une vingtaine de kilomètres seulement de Tramayes, point de départ de l’itinéraire. Taxi ou vtc disponibles.
Quel équipement prévoir ?
Le traditionnel système trois couches vous permettra de vous adapter aux variations météo. Vous adopterez chaussures tiges hautes ou basses selon vos affinités personnelles, le terrain ne présentant pas de difficulté majeure. Notez seulement que l’itinéraire emprunte régulièrement des chemins creux devenant rapidement humides lorsqu’il pleut.
Réduire son impact environnemental ?
Rester discret, ne pas cueillir la flore sauvage, ramener ses déchets – et ceux trouvés en chemin, ne pas faire de feux sont des règles de base pour profiter durablement de la nature.
Avec un chien ?
Aucune réglementation ne s’oppose à parcourir cet itinéraire avec son fidèle compagnon à quatre pattes. Les sentiers ne traversent pas les pâturages. On veillera donc simplement à ce qu’il ne divague pas, par respect pour la faune et pour éviter les problèmes avec les troupeaux domestiques. Vous vous posez des questions sur ce qu’il faut savoir pour randonner avec son chien. Allez lire notre article sur ce sujet.
Nos étapes de randonnée
- J1 : Tramayes – St. Bonnet des Bruyères / 16,2 km +515 -446
- J2 : St. Bonnet des Bruyères – Croix du Pendu / 18,2 km +485m -326m
- J3 : Croix du Pendu – Croix de Crochet (Cenves) / 18 km +643m -782m
- J4 : Croix de Crochet – Tramayes / 9km +117m – 355m
Pour en savoir plus ?
Le site destination Beaujolais fourmille d’informations pratiques. Classé Geoparc mondial UNESCO, le Beaujolais offre une richesse géologique à découvrir sur place et au travers du site Geoparc Beaujolais
Reportages d’itinérances à pied, à la pagaie et à ski-pulka
On oublie souvent que le Massif Central s’étend du Morvan (géologiquement parlant) jusqu’à l’Hérault…
Merci pour ce commentaire. Effectivement cette appartenance est soulignée sur le terrain par la présence de roches volcaniques sur la partie nord de ce parcours. Une randonnée qui ne manquera pas de passionner les amateurs de géologie !
Tes descriptions me rappellent le Cézallier, fin avril 2017. Tempête de neige, -6 la nuit, fort vent de face, paysage désolé, solitude exquise… Souvenirs mémorables.
On avait dû changer d’itinéraire sur la fin en raison d’orages neigeux (avec bourrasques annoncées à 130 sur les hauteurs) alors que nous devions camper en haut d’un col… Regrets éternels 🙂
Voilà qui doit faire de beaux souvenirs effectivement 😉
La pratique de la randonnée en kayak de mer et sa très grande dépendance à la météo m’a appris une grande souplesse dans mes programmes. Aujourd’hui je considère cette “incertitude” comme une part du plaisir de la randonnée, une autre différence d’avec nos vies quotidiennes hyper réglées. Amitiés