Nous poursuivons notre traversée de l’Espagne à pied par la région de Castille-et-León. Bienvenue sur notre traversée à pied de Castille-et-León en 17 jours.
- Traversée de l’Andalousie
- Traversée de l’Estrémadure
- Traversée à pied de Castille-et-León (ce récit)
Traversée des Asturies (prochainement)
Calzada de Bejar – Fuenterroble de Salvatierra
+ 290 m/ – 150 m 20,6 km 4h30Bien reposés, le pied sans bobo, nous repartons sous un ciel encore chargé d’humidité et de nuages. La lumière reste pâle malgré le soleil qui commence à percer au travers des nuages au dessus de la sierra de Bejar. Tout autour ce ne sont que pâturages verdoyants et montagnes boisées qui nous font d’autant plus regretter l’absence de luminosité. De part et d’autres du chemin des murets en pierre sombre délimitent les champs. Nous rejoignons rapidement Valverde de Valdelacasa, petit hameau isolé. Les maisons trapues sont construites de grosses pierres.
Petit à petit le soleil a dissipé les nuages matinaux et le ciel devient limpide et l’air léger pour la marche. Une petite route nous conduit en pente douce vers le prochain village de Valdelacasa. À l’entrée de celui- ci une fontaine offre une eau rafraîchissante après l’effort, modéré, de la montée. Nous sommes sur un plateau à près de 1000 mètres d’altitude. Derrière nous, se déploient les sierras avec quelques maigres névés. Nous poursuivons sur une route délaissée avec de grosses ornières avant de bifurquer sur un chemin de terre en vue d’une gigantesque carrière qui éventre un large pan de montagne. Des affleurements de granit surgissent des prés qui ne semblent plus cultivés et les troupeaux se font rares sur ce plateau élevé. Peu avant l’arrivée, un vaste espace dégagé s’ouvre devant nous et l’horizon s’éloigne au loin laissant présager de prochaines étapes sans grande dénivellation.
Arrivés en fin de matinée, à notre surprise la première casa rural située à l’entrée du village est déjà complète, mais le propriétaire nous conduit vers la maison voisine qui offre aussi des chambres situées à l’autre extrémité du village. Malgré le prix un peu élevé nous choisissons d’y rester, peu désireux de nous retrouver dans un dortoir de l’auberge des pèlerins. Nous profitons donc du confort d’une ancienne maison montagnarde aux murs de pierres noires.
Fuenterroble de Salvatierra – San Pedro de Rozadas
+ 400 m/ – 380 m 27,8 km 6h10Le départ est matinal en prévision d’une étape qui s’annonce longue. À 7h10 nous sommes en chemin et, déjà, devant nous, nous apercevons un marcheur sur la longue ligne droite qui semble rejoindre des collines sur lesquels sont installées des éoliennes. En fait, les distances sont difficiles à apprécier car il nous faudra environ 3 h de marche pour les atteindre. Le soleil rasant éclaire d’une belle couleur dorée les pâturages qui s’étalent jusqu’à l’horizon.
Quelques troupeaux de vaches, taureaux et moutons profitent de ces grands espaces. Le chemin de terre suit toujours la voie romaine matérialisée par quelques bornes. À distance, de chaque côté, des murs de pierre délimitent les prés. Nous avançons à bonne allure sur ce chemin souple doublés par quelques randonneurs à vélo. Derrière nous, vers le sud, les sierras s’éloignent et les montagnes enneigées paraissent de plus en plus minuscules.
À l’approche de la crête le chemin se rétrécit et la pente s’accentue. Nous grimpons sans difficulté accompagnés du chuintement des pales des éoliennes animées par la brise.
Du sommet situé à un peu plus de 1100 mètres l’espace s’ouvre sur le versant nord qui apparaît sans aucun relief notable à l’infini. Le sentier redescend ensuite rapidement et rejoint une petite route. La lecture de la carte nous faisait craindre un long parcours sur la route et nous avons l’heureuse surprise de découvrir qu’un étroit sentier terreux ou herbeux longe celle-ci rendant la progression plus confortable.
Si un de nos sacs à dos ne commençait à donner de graves signes de faiblesse à la couture d’une bretelle tout serait parfait. Aux abords de San Pedro nous cheminons au cœur de grands espaces labourés.
Nous arrivons sans fatigue particulière à l’étape et trouvons rapidement un hôtel à l’accueil chaleureux et attentif. D’ailleurs, depuis que nous sommes entrés en Castille Leon les personnes rencontrées semblent moins indifférentes et plus accueillantes. Sans céder à des impression simplistes la progression lente au rythme du marcheur permet de ressentir l’évolution du caractère des habitants et de la richesse des territoires.
San Pedro de Rozadas – Salamanca
+ 190 m/ – 355 m 23,8 km 5h10Nous sommes prêts dès 7h pour le petit déjeuner mais il nous faut attendre 7h30 pour que la serveuse arrive. Nous voulions partir tôt pour éviter la chaleur et avoir du temps à Salamanca pour régler le problème de sac à dos ; eh bien, c’est raté et il est 8 heures passées quand nous quittons le village. Très vite, nous rejoignons une large piste et découvrons devant nous le vaste plateau que nous allons traverser. Le soleil est déjà ardent et laisse deviner une chaude journée. De molles ondulations donnent du relief au paysage de pâturages verdoyants. Quelques troupeaux de taureaux nous regardent passer et nous sommes rassurés d’être séparés par une clôture compte tenu de leur masse imposante.
Les pâturages dénudés laissent la place à des prés parsemés de chênes et à de larges espaces cultivés.
Au bout de 10 kilomètres, au sommet d’une petite côte, les clochers de la cathédrale de Salamanca se détachent à l’horizon. Avertis par nos journées de marche précédentes nous savons que nous sommes encore loin, en fait plus de 3 heures de marche. Devant nous, d’immenses champs de céréales s’étalent à l’infini dans un camaïeu de coloris entre l’ocre, le vert et le blond doré.
Aucun arbre ne vient apporter son ombre. Heureusement, une légère brise atténue les ardeurs d’un soleil que nous n’avions pas encore connu si chaud depuis notre départ. Quelques kilomètres avant l’arrivée, sur une petite éminence rocheuse se dresse la croix du pèlerin, toute simple, en métal, elle offre l’occasion de découvrir la vieille ville de Salamanca.
Mais nous ne sommes pas encore au but et, bien que cette étape ne soit pas très longue, il nous tarde d’arriver. Il nous faut traverser quelques autoroutes au long de terrains vagues caractéristiques de la périphérie des villes, longer un petit ruisseau qui serpente au pied de zones récemment urbanisées et rejoindre enfin le vieux pont romain qui donne accès à la ville pour les piétons.
Quelques centaines de mètres plus loin nous posons nos sacs dans l’hôtel où un sympathique péruvien nous accueille. Sans tarder, nous repartons à la recherche d’un bus vers une grande enseigne de sport où nous achetons un sac à dos tout neuf. Ce n’est qu’au retour que nous pourrons profiter de la douche tant attendue. On ne sait pourquoi, certaines journées paraissent plus difficiles, peut être à cause d’une certaine accumulation de fatigue. Demain, nous nous accordons une pause pour la visite de Salamanca.
Salamanca – El Chinarral
+ 150 m/ – 110 m 25,8 km 5h30L’orage a grondé une bonne partie de la nuit et vers le matin la pluie s’est mise à tomber. Nous sommes donc très inquiets quand le réveil sonne à 6h30 pour repartir après une journée de repos et de visite touristique de la ville riche en monuments. Nous nous préparons quand même doucement et, miracle, la pluie cesse quand nous mettons le nez dehors. Nous traversons Salamanca qui s’éveille à la recherche d’un bar ouvert pour un petit déjeuner. La plupart sont fermés ; finalement, peu après la plaza Mayor nous trouvons notre bonheur même si le tenancier n’est pas très souriant à cette heure matinale. Nous partons ensuite, cap au nord, todo recto, le long de la route très fréquentée. Heureusement, un large bas côté est réservé aux piétons.
Devant nous, le ciel noir, plombé reste menaçant mais, derrière, le soleil dégage des espaces de ciel bleu encourageants. Après de nombreux rond-points, cauchemars du randonneur en l’obligeant à de larges détours, nous quittons la zone urbanisée et trouvons un chemin parallèle à la route qui mène à Aldeaseca de Armuna où un petit supermarché près de l’église garantit notre ravitaillement. En repartant nous hésitons entre 2 chemins, celui balisé normalement de jaune et un en rouge désigné itinéraire alternatif. Nous décidons de poursuivre sur l’itinéraire « principal » et c’est une mauvaise pioche puisqu’il vient buter sur l’autoroute récemment construite. Un petit retour arrière nous permet de retrouver l’itinéraire alternatif et c’est sur une large piste confortable et rectiligne, à l’exception de quelques rares inflexions, que nous prenons un rythme de croisière soutenu. À perte de vue, de tous côtés, le terrain est quasiment plat sans aucun arbre ou caillou pour faire une pause. Arrivés à Calzada de Valdunciel nous trouvons un banc ombragé sur la place.
Lorsque nous repartons de gros cumulus joufflus bourgeonnent laissant craindre la formation d’orages. Le chemin, toujours aussi rectiligne, se rapproche progressivement de l’autoroute dont les bruits remplacent les chants des oiseaux. Après un petit détour sur la route pour éviter un espace marécageux nous rejoignons rapidement la zone résidentielle de El Chinarral avec ses petits pavillons disséminés dans la nature. Nous avons réservé notre hébergement par internet et sommes logés dans une chambre minuscule située dans un bungalow. Pour le dîner nous retrouvons la compagnie de 2 français déjà rencontrés à Alcuescar et de 2 anglais qui font chemin commun vers Compostelle.
El Chinarral – Villanueva de Campean
+ 180 m/ – 235 m 26,8 km 5h35Après un copieux petit déjeuner nous reprenons le chemin qui reste parallèle à l’autoroute. En ce début de matinée le trafic réduit nous évite de subir le brouhaha des véhicules. Le paysage est vallonné et le sentier ne cesse de monter et descendre. Le décor n’est pas très bucolique avec, en parallèle, une large piste, le sentier, l’autoroute, la route nationale et, à distance, une voie ferrée.
De grandes exploitations agricoles se succèdent ainsi qu’un centre pénitentiaire construit loin de tout village. Peu avant El Cubo de la Tierra de Vino nous retrouvons la route goudronnée qui nous conduit au centre du village. En ce samedi matin les hommes bavardent bruyamment au bar et les femmes font la causette devant l’alimentation où nous achetons notre déjeuner. À la sortie du village nous retrouvons la piste qui file au milieu d’immenses champs arrosés par de gigantesques portiques à l’aspect de serpent préhistorique.
Le chemin sinue ensuite au cœur de vallonnements plus marqués où la vigne fait son apparition au milieu de céréales et nous retrouvons un patchwork de cultures aux teintes variées. Notre étape apparaît au dernier moment dissimulé au fond d’un vallon. Nous nous arrêtons à l’auberge des pèlerins où nous retrouvons nos compagnons de la veille.
Villanueva de Campean – Zamora
+ 85 m/ – 190 m 19,1 km 4h05Le petit déjeuner est frugal car le bar n’ouvre qu’à 9 heures. Nous nous contentons donc d’une tasse de thé et de 2 petites madeleines achetées hier. Ce n’est pas très gênant car l’étape est courte et sans véritable montée. Dès la sortie du village nous trouvons le chemin de terre qui avance au milieu des champs de céréales et de quelques vignobles. Le ciel reste gris, sans relief et une certaine moiteur se fait sentir. L’horizon reste limité par les molles ondulations du relief et le chemin louvoie parfois pour contourner les cultures. Dix kilomètres avant l’arrivée nous apercevons déjà la ville de Zamora noyée dans les brumes. De part et d’autres de nombreux petits villages sont installés au creux des vallons, généralement à proximité d’un cours d’eau. Le chemin est tantôt étroit, tantôt large mais souvent irrégulier sur une terre modelée par les passages de troupeaux ou de tracteurs et durcie par la chaleur. L’arrivée près du Duero offre une vue panoramique sur la ville, notamment sa cathédrale perchée sur un éperon rocheux et coiffée d’une curieuse coupole.
En suivant la promenade aménagée sur les rives nous atteignons le pont ancien qui nous permet de pénétrer dans la ville. Il n’est pas encore midi quand nous trouvons un hôtel en plein centre. Après un déjeuner dans un restaurant voisin nous partons à la découverte de la ville et de ses multiples églises. Le centre piétonnier offre une promenade plaisante à la recherche des églises romanes aux façades sobrement ornées. À proximité de la cathédrale et du château fortifié des belvédères offrent une vue plongeante sur le fleuve.
Zamora – Montamarta
+ 160 m/ – 120 m 19,3 km 4h15Le temps de prendre un sympathique petit déjeuner avec churros à la panaderia au bas de l’hôtel la pluie s’est mise à tomber. Nous enfilons donc la tenue complète étanche puis traversons vers le nord la ville de Zamora. La pluie n’est pas violente mais soutenue et il n’est pas très commode de consulter la carte sur l’écran du téléphone dans ces conditions. Heureusement, contrairement à d’autres villes, le balisage du Camino est plutôt abondant. Une fois dépassées les zones commerciales et artisanales la pluie s’estompe.
Le chemin est rectiligne avec quelques bifurcations à angle droit pour contourner un champ ou traverser une autoroute. De grands prés s’étendent dans toutes les directions, magnifiquement éclairés par les spots lumineux du soleil perçant les nuages qui se déchirent. De gros nuages blancs et joufflus sillonnent le ciel tandis que les cultures dorées ou vert tendre brillent d’un éclat particulier après l’ondée.
Une ligne de train en construction coupe le chemin : pour éviter le détour qui mène à un pont franchissant la voie nous décidons de continuer tout droit en longeant les travaux mais je m’aperçois rapidement que le chemin emprunté nous éloigne. Heureusement, en empruntant la route 630, toujours elle…, sur quelques centaines de mètres nous trouvons une piste qui nous ramène rapidement sur le bon itinéraire. Il faut toujours se méfier des raccourcis… En consultant la carte je craignais que ces étapes sur la meseta soient particulièrement ennuyeuses. De fait, bien que les chemins soient rectilignes, les paysages sont relativement variés et ce plateau n’est pas aussi uniforme que je le pensais. Les couleurs diverses de la terre, le ciel lumineux animé par les nuages rompent l’impression de monotonie et nous repartons chaque jour avec l’envie de découverte. Nous arrivons en début d’après-midi à Montamarta et trouvons rapidement la casa rural réservée la veille par téléphone. La maison est vieillotte mais l’accueil du bavard propriétaire est chaleureux. En fin d’après-midi nous partons découvrir les abords de la retenue de Ricobayo. En réalité l’eau a complètement disparu et laisse place à un tapis d’herbe verdoyant. Nous en profitons pour traverser à pied sec vers le château et la chapelle de Virgen del Castillo perchée sur une éminence rocheuse.
Montamarta – Granja de Moreruela
+ 195 m/ – 175 m 22,1 km 4h55Ce matin le ciel est totalement sans nuage. Nous sortons rapidement du village et traversons, encore une fois sur la route 630, la retenue toujours asséchée. Tout de suite après nous empruntons un large chemin vers la gauche. Ce chemin suit à distance la route puis rejoint la voie ferrée en construction déjà rencontrée à plusieurs reprises plus au sud. Une autoroute mise en service récemment oblige à quelques contournements et nous empêche d’emprunter un itinéraire en bordure de la retenue d’eau. Le terrain est un peu plus accidenté que les jours précédents et une succession de légers vallons impose quelques montées et descentes.
Les zones cultivées abandonnent un peu de place à des bosquets d’arbres et à quelques plantations de pins. Au passage, nous observons les ruines du château fortifié de Castrotorafe, imposante citadelle perchée sur un promontoire au dessus d’un vallon.
En haut d’une montée, tout à coup, le regard détecte des massifs montagneux qui barrent l’horizon: la fin des plateaux se profile… À l’entrée de Riego del Camino une aire de jeu ombragée nous offre un endroit idéal pour la pause. Au delà, nous poursuivons sur un chemin empierré assez inconfortable qui enjambe à nouveau l’autoroute puis la longe jusqu’à notre étape. La dernière ligne droite semble interminable, sans doute parce que l’itinéraire du jour était assez monotone. Nous logeons une casa rural, confortable maison ancienne joliment aménagée. Le village n’offre pas beaucoup d’attrait avec des maisons très disparates, non terminées: on ressent un aspect d’abandon un peu désespéré.
+ 145 m/ – 125 m 27,3 km 5h45
Nous traversons le village en remontant au travers de petites rues avant de trouver le large chemin en direction du nord, parallèlement à la route mais à distance de celle-ci. Ensuite, nous nous rapprochons de la route mais marchons sur un chemin au milieu d’une zone boisée dans de petits vallonnements. Pour croiser l’autoroute le chemin fait des détours avant d’arriver au petit village de Santovenia.
Il traverse ensuite quelques plantations de pins avant de rejoindre la vallée où méandre le rio Esla. D’importantes plantations de peupliers bordent la rivière tandis que des porcheries industrielles jalonnent les champs cultivés.
Aux abords de Villaveza del Agua nous décidons de poursuivre tout droit en suivant le balisage VTT. Une habitante à vélo nous interpelle, croyant à une erreur de notre part. Les habitants de cette région manifestent visiblement beaucoup plus d’attention aux étrangers que dans les régions du sud et depuis plusieurs jours nous remarquons un accueil plus chaleureux. À Barcial del Barco, nous faisons halte sur un banc ombragé tandis que les hommes du village devisent ensemble à voix haute et forte des affaires du pays. La vie de ces villages isolés semble plutôt rude et les abords apparaissent souvent peu attrayants avec des bâtiments à l’abandon, de multiples engins rouillés et des maisons inachevés sans aucun souci d’aménagement. Le tracé initial du camino de la Plata fait un long détour pour traverser le rio Esla sur un pont routier. En examinant la carte nous découvrons qu’un pont de chemin de fer raccourcirait l’étape d’au moins 4 kilomètres. Ce raccourci, décrit comme variante dans le topo-guide, nous tente beaucoup mais nous avons peu de renseignements sur son parcours. En fait, l’itinéraire VTT, très bien balisé, utilise ce raccourci ce qui calme nos inquiétudes et nous nous engageons donc sur le petit chemin qui longe la voie ferrée désaffectée depuis très longtemps si l’on en juge par l’état des voies. Un pont métallique franchit la rivière et nous rapproche rapidement de notre but, non sans devoir enjamber quelques travées béantes au dessus de l’eau.
Après quelques zigzags autour des champs nous atteignons la périphérie de Benavente et, en longeant une zone où alternent usines en activité et friches industrielles, rejoignons l’entrée de la ville. La pension la Traperia où nous avons réservé est toute proche. L’accueil est extrêmement chaleureux et attentionné et nous bénéficions d’une grande chambre avec un salon attenant. En fin d’après-midi un tour rapide permet de découvrir une petite ville dont le centre est animé avec de nombreuses boutiques. Une promenade bien aménagée à proximité des tours de l’ancien château offre une vue lointaine sur la plaine qui s’étend au delà du rio Esla.
+ 170 m/ – 135 m 22,8 km 5h00
Le départ n’est pas très matinal pour cette étape relativement courte dont l’essentiel du parcours se situe sur de petites routes goudronnées. Nous remontons vers le centre ville qui commence à peine à s’animer à 9 heures du matin. Nous quittons rapidement la zone urbanisée et longeons une petite route. Tout à coup, alors que nous marchons sur un chemin parallèle une voiture de la guardia civil fait demi tour, et s’arrête sur le chemin devant nous. Je pressens alors que nous intriguons les policiers, sans doute peu habitués à voir des marcheurs dans un tel endroit… Deux policiers en sortent et nous attendent pour un contrôle de la carte d’identité.Très affables, ils nous interrogent sur notre itinéraire avant de nous laisser continuer en nous proposant même un sandwich. Au bout de quelques kilomètres dans un paysage boisé et vallonné nous empruntons un large chemin qui mène à Villabrazaro. Aux abords du village de nombreuses constructions en pisé menacent ruine et nous ressentons à nouveau un certain sentiment d’abandon.
Seul le bar ouvert témoigne encore de l’activité villageoise. Nous poursuivons jusqu’au terme de l’étape sur de petites routes peu fréquentées. La route remonte doucement vers le plateau où les cultures reprennent leur place avec quelques élevages de bovins et de cochons. Peu avant Maire de Castroponce nous sommes intrigués par de curieuses cheminées sortant de terre.
Dans le village nous apprenons qu’il s’agit d’anciennes caves à vin enterrées mais la culture de la vigne semble avoir maintenant complètement disparu. Le puente de la Vizana, pont pavé du 16 ème siècle, nous permet de franchir le rio Orbigo.
Alija, installé au flanc d’une colline, offre le visage d’un village plus riant avec des maisons mieux entretenues que dans les zones précédemment traversées. En fin d’après-midi nous flânons dans le village. À notre surprise, une épicerie, non indiquée sur le topo, nous permet de faire un ravitaillement. Autour de la large plaza Mayor, entourée d’arcades, nous découvrons un château fortifié restauré de manière un peu trop visible, une église romane et un hôtel de ville curieusement décoré de blasons et de personnages costumés.
Alija del Infantado – La Baneza
+ 95 m/ – 50 m 21,5 km 4h45Tout est encore fermé quand nous traversons le village pour une étape qui s’annonce sans relief au long de la plaine drainée par le rio Orbigo et ses affluents. Après deux kilomètres sur la petite route nous empruntons un large chemin de terre qui avance droit entre le rio Jamuz et les terres cultivées. L’espace est quadrillé de chemins et de canaux d’irrigation à angle droit. De nombreux petits villages parsèment cette plaine, ornés de leurs clochers où nichent les cigognes et, le plus souvent, d’un donjon.
Des collines peu élevées ferment la vallée tandis que vers le nord commencent à apparaître les sommets de la cordillère cantabrique. Cette vision du dernier massif élevé avant l’Atlantique nous réjouit. Quelques kilomètres avant l’arrivée le chemin quitte la plaine pour grimper sur de petites collines couvertes de chênes verts avant de retrouver un plateau cultivé en bordure de la ville. Une fois l’autoroute traversée le chemin est bordé de terrains vagues avec quelques constructions plus ou moins abandonnées, comme il arrive fréquemment aux abords des villes. Nous traversons rapidement les faubourgs aux maisons basses, délaissons l’auberge des pèlerins et partons à la recherche d’un hôtel dans le centre. Le premier de notre liste a triste mine et nous préférons poursuivre nos recherches. Nous partons à la pêche aux renseignements à l’office de tourisme pour connaître les chemins qui permettraient de rejoindre directement Hospital de Orbigo. Une jeune femme nous indique comme seul chemin celui qui longe la route directe très fréquentée. Elle nous apprend, en outre, qu’une importante fête médiévale se déroule ce week-end, ce qui limite les possibilités d’hébergement. Nous trouvons quand même, par téléphone, deux places en dortoir pour le lendemain.
La Baneza – Hospital de Orbigo
+ 45 m/ – 15 m 21,2 km 4h45Nous abandonnons aujourd’hui la via de la Plata pour rejoindre le Camino Frances directement sans passer par Astorga, jonction des deux chemins. Pour éviter de suivre la route nous empruntons un itinéraire qui mène de villages en villages par des pistes et des petites routes peu fréquentées. Nous y retrouvons le balisage de la ruta de la Plata pour les VTT déjà observé depuis de nombreuses journées. Visiblement très récent, ce balisage est régulier et nous conforte sur le suivi de cet itinéraire. De nombreux petits villages jalonnent le chemin, évitant la monotonie de cet environnement de champs sans relief et de canaux d’irrigation peu différents des jours précédents.
Le ciel est gris avec des nuages qui paraissent parfois menaçants mais nous éviterons cependant la pluie avant d’arriver. Dans les villages, c’est le grand calme troublé seulement par le klaxon tonitruant du boulanger.
Nous y observons, comme partout, un nombre important de constructions inachevées et aussi d’anciennes maisons en adobe qui parfois menacent ruine. Le franchissement de la voie ferrée et de l’autoroute marquent la proximité de notre arrivée et nous trouvons rapidement notre auberge. Elle est installée dans une belle maison recouverte de lierre entourée d’un agréable jardin avec des hamacs et des fauteuils dans une ambiance décontractée. Nous avons rejoint le camino Frances et ses “hordes” de pélerins. Après nous être libérés des sacs à dos nous partons à la découverte du village, animée par les boutiques et les baladins de la fête médiévale. Un ancien pont de pierres aux multiples arches permet de traverser la rivière et reste le principal point d’intérêt du lieu.
Dans la soirée, nous avons quelques difficultés à trouver un endroit non surchargé de monde pour le dîner. Finalement, nous nous installons à la « cantine » de la foire qui vend des plats copieux.
Hospital de Orbigo – Virgen del Camino
+ 215 m/ – 135 m 29,4 km 6h30Nous prenons un petit déjeuner matinal en libre service à l’auberge et partons sous un ciel bien gris pour cette longue étape qui s’annonce peu attrayante. Nous empruntons l’itinéraire alternatif du Camino Frances à contresens et décidons, pour passer le temps, de compter le nombre de pèlerins rencontrés. Nous en comptons 190 durant la journée, ce qui montre la fréquentation importante de cet itinéraire car dans cette partie il y a deux cheminements balisés. Le chemin alternatif emprunte des pistes et de petites routes peu fréquentées, contrairement au chemin traditionnel qui suit une voie à grande circulation durant presque tout le parcours entre Hospital et Virgen. Au départ nous marchons dans un espace entièrement plat où champs et zones herbeuses sont entrecoupés de rares bosquets d’arbres. De longues lignes droites de plusieurs kilomètres se présentent devant nous et, heureusement, l’observation des pèlerins qui avancent vers nous rompt la monotonie de la marche.
Nous sourions intérieurement en constatant leur étonnement de nous voir marcher à contre-courant. C’est la première fois depuis notre départ d’Andalousie que nous avons l’occasion de rencontrer autant de monde et d’échanger à plusieurs reprises quelques propos rapides sur notre objectif. Nous jouissons même parfois d’un certain « prestige » auprès de pèlerins nous imaginant revenir de Compostelle. En début d’après-midi, le paysage se transforme et des moutonnements apparaissent, tandis qu’au loin des chaînes montagneuses escarpées ferment l’horizon.
Les grondements sourds de l’orage nous cernent et nous nous préparons à affronter la pluie. Lorsque l’averse se déclenche nous avons la chance de découvrir une petite cabane de jeu d’enfants dans un hameau qui nous permet d’attendre que le nuage passe. Nous entrons alors dans la zone urbanisée de la périphérie de Leon et devons contourner quelques échangeurs routiers avant d’entrer dans Virgen del Camino et de suivre la longue avenue bordée d’immeubles qui conduit à l’hostal où nous avons réservé une chambre.
Virgen del Camino – Leon
+ 25 m/ – 85 m 7,4 km 1h40Le ciel a retrouvé de belles couleurs mais l’air vif matinal nous impose de porter une petite laine. Nous partons pour une étape très courte dans une zone totalement urbanisée. Que ce soit au bar pour le petit déjeuner ou le long des rues qui descendent vers Leon le flot de pèlerins que nous croisons ne tarit pas. Nous nous amusons toujours en voyant les mimiques très intriguées de nous voir cheminer vers Leon, certains même nous signalant que la direction de Santiago est dans l’autre sens. En ville, l’animation et la circulation sont importantes et nous sommes un peu groggy par le bruit. Nous arrivons très tôt à l’hôtel où nous laissons nos sacs pour partir à la découverte de la ville.
Quelques palais anciens aux élégantes façades jouxtent des bâtiments plus modernes mais le plus intéressant reste sans conteste la majestueuse cathédrale gothique illuminé de somptueux vitraux aux couleurs chatoyantes.
Nous apprécions aussi la sobriété des formes de l’église romane saint Isidoro aux curieuses voûtes et la plaza Mayor avec ses arcades.
Leon – La Robla
+ 430 m/ – 320 m 28,4 km 6h35Nous quittons l’hôtel vers 7h30 à la recherche d’un bar pour le petit déjeuner dans les rues désertes. Près du couvent San Marcos à la façade resplendissante de lumière nous trouvons notre bonheur.
Après des recherches sur le web pour trouver le cheminement le plus direct vers l’Atlantique sans être obligés de nous épuiser dans des étapes marathon nous abandonnons définitivement le Camino Frances pour le Camino San Salvador qui doit nous mener vers Oviedo. Nous nous réjouissons de quitter les plaines sans fin pour retrouver des chemins de montagne. Pour le départ nous continuons d’avaler du bitume pendant deux heures. Après avoir longé le moderne et fastueux bâtiment de la Junta de Castille y Leon nous suivons la rivière bordée par une zone résidentielle de villas luxueuses. Un grand parc de pelouses verdoyantes et bien entretenues domine les berges.
Puis, nous poursuivons au milieu de zones « d’urbanizaccion » récentes. Nous sommes les seuls marcheurs et un cycliste danois égaré par la multitude de flèches jaunes vient nous demander le bon chemin. Il semble bien dépité quand nous lui apprenons que ce chemin ne va pas à Santiago et qu’il va devoir retourner à Leon. Enfin, soudainement, à la sortie de Carbajal de la Legua la route laisse place à un chemin au milieu des prés et des bois de chênes verts. À l’horizon, assez rapprochée, la cordillère cantabrique resplendit sous le soleil matinal. Nous retrouvons avec plaisir les montées et les descentes au milieu d’un paysage vallonné et varié.
Contrairement aux jours précédents nous sommes à nouveau complètement seuls. En contrebas apparaissent de nombreux villages. L’habitat se transforme et les maisons en pierre sont caractéristiques de l’espace montagnard.
Un agréable coin de pique-nique se présente à proximité d’une fontaine, malheureusement sans eau. Dans une boite métallique, près d’un oratoire, les signatures de voyageurs nous montrent, qu’en fait, ce chemin est régulièrement parcouru contrairement à ce que nous imaginions.
Nous retrouvons une petite route goudronnée pour achever les quatre derniers kilomètres. Les installations industrielles et leurs cheminées crachant des volutes noires nous signalent l’arrivée à La Robla, petite ville entourée de routes, voies ferrées et usines.
Les deux hôtels de la ville nous paraissent miteux et nous nous dirigeons vers l’auberge de pèlerins où, à notre grande surprise, six personnes sont déjà installées. Dire que nous pensions profiter des installations pour nous seuls. En fin d’après-midi, la ville s’anime enfin et l’auberge est égayée par les cris des enfants jouant dans le parc voisin.
La Robla – Poladura de la Tierca
+ 610 m/ – 330 m 23,4 km 5h40Dans l’auberge, le réveil est matinal. Les premiers pèlerins se lèvent dès 6 heures du matin et les va et vient incessants nous incitent à nous lever rapidement. Nous nous préparons sans nous presser pour une étape assez courte et nous sommes les derniers à mettre la clé sous la porte, ou plus exactement dans la boite aux lettres. Il fait encore très frais, une petite brise de montagne nous oblige à porter coupe vent, bonnet et gants que nous avions relégué au fond du sac depuis bien longtemps. Nous suivons, tout d’abord, une petite route coincée entre la voie ferrée et la rivière. La vallée est étroite et encaissée et le soleil ne la réchauffe pas encore, tandis que nous apercevons, toutes proches, les pentes herbeuses des montagnes illuminées et resplendissantes. Nous louvoyons au milieu des villages, des petites zones artisanales, des pylônes électriques et des voies ferrées pendant environ une heure.
Mais devant nous, les sommets et les alpages sont la promesse de chemins agréables pour les prochaines heures. Nous quittons la vallée principale par une petite route qui s’insinue entre des pentes raides et remonte en pente douce vers Buiza, petit village où nous retrouvons avec joie l’ambiance montagnarde. À partir de là, le terrain change et nous grimpons sur des chemins et des pistes parfois raides au milieu d’alpages abondamment fleuris.
Çà et là, des aiguilles de calcaire jaillissent du sol. En franchissant la crête à Alto Forcadas de San Anton la pause s’impose naturellement pour profiter du large panorama ensoleillé. Genêts et bruyères fleurissent les pentes.
Après une descente assez raide nous empruntons un sentier balcon panoramique au milieu des alpages. Lorsque le sentier s’élargit nous filons attirés la pente et manquons une bifurcation. Nous constatons assez rapidement l’erreur mais décidons de poursuivre vers le village voisin tout proche car le détour n’est pas très long.
Nous avons le secret espoir d’y trouver un bar pour étancher notre soif mais sans succès. Nous poursuivons donc vers l’étape dans une casa rural, ancienne maison massive en pierres. Le dîner copieux sort de l’ordinaire des menus des soirs précédents et nous réjouit !!!
Poladura de la Tercia – Campomanes
+ 1000 m/ – 1810 m 30,7 km 8h00Le petit déjeuner est copieux, servi avec de succulents gâteaux. Voilà qui va nous donner des forces pour cette longue étape de montagne qui doit nous permettre de franchir la cordillère Cantabrique. Dès le départ, à la sortie du village la trace monte raide dans les prés.
Devant nous les sommets calcaires déchiquetés se découvrent. Le chemin monte régulièrement au travers des alpages pour franchir plusieurs crêtes. Des roches déchiquetées jalonnent le sentier et nous prenons plaisir à grimper tout en admirant ce paysage.
Après des semaines de grands espaces sans relief la vision des aiguilles verticales au milieu des prés verdoyants est un plaisir apprécié. Seul le soleil reste timide et se cache derrière quelques nuées qui atténuent les contrastes de lumière.
À l’approche du col de Pajares, le balisage nous indique un détour vers le sud-est, alors que le col est devant nous, bien identifiable, à quelques centaines de mètres et accessible facilement par un cheminement dans l’herbe. Nous décidons donc de couper au plus court mais, arrivés à la route, une haute barrière en bois nous barre le chemin. N’ayant aucune envie de faire demi-tour nous l’enjambons sans difficulté après avoir transféré nos sacs. Nous retrouvons la large route N630 et franchissons le col routier. Nous quittons ainsi la région de Castille y Leon pour celle des Asturies, dernière région de notre traversée espagnole.
Ce passage nous donne du baume au cœur avec le bonheur de sentir l’arrivée proche à portée de pas. Le début de la descente se fait sur la route, très raide (17%) et sans aménagement pour les piétons. S’ensuit, ensuite, un chemin caillouteux dans des pentes fortes. Le chemin pénètre dans des sous bois de hêtres et de chênes. Le franchissement de passages boueux et piétinés par les troupeaux nous impose parfois quelques détours.
Nous rejoignons le village de Pajares en fin de matinée. Contrairement à ce que nous espérions, il n’y a pas d’épicerie, seulement des marchands ambulants et le bar n’ouvre qu’à 14 heures. Par chance, la propriétaire, sans doute touchée par notre mine dépitée, veut bien nous accueillir et nous pouvons nous y régaler de délicieux empanadas au thon. Bien restaurés et rafraîchis nous reprenons le chemin qui dévale dans des cailloux très inconfortables jusqu’à un village situé au bord du ruisseau. Les maisons y sont rénovées et fleuries. Après quelques kilomètres de petite route calme nous empruntons un sentier balcon qui ne cesse de monter et descendre dans la forêt dense et humide. Plusieurs villages construits sur des replats jalonnent le parcours permettant d’observer l’architecture typique des Asturies et, en particulier, les greniers de bois érigés sur de gros pilotis.
Les kilomètres défilent mais sur le sentier étroit au bord d’une pente prononcée nous n’allons évidemment pas aussi vite que sur les larges pistes parcourues sur le plateau castillan. Les heures passent et une certaine lassitude s’installe, d’autant plus que la forêt environnante masque bien souvent le paysage.
Enfin, un sentier dallé particulièrement raide qui nous oblige à refréner notre impatience nous amène à l’entrée de Campomanes. La ville, située au confluent de vallées, carrefour de routes, autoroutes et autres voies ferrées ne nous séduit pas vraiment. Nous trouvons rapidement une hospedaje. Après quelques démêlés avec l’eau chaude réglés par le sympathique propriétaire nous pouvons enfin récupérer de cette belle et longue étape de montagne.
Notre traversée de l’Espagne à pied se poursuit et se termine avec la traversée des Asturies. Une aventure à suivre prochainement.
La randonnée est pour moi une source de découverte inépuisable. Amoureux de la montagne depuis de nombreuses années j’ai toujours autant de bonheur à parcourir les sentiers et à partir marcher aussi bien pour une journée que pour de longues itinérances. Mon départ à la retraite m’a offert le loisir de traverser les Pyrénées par la HRP dont je rêvais depuis longtemps. Cette longue traversée a encore renforcé mon envie de périples au long cours… Et depuis, j’ai traversé la France du sud vers le nord puis l’Espagne sans négliger quelques itinéraires plus courts au cœur de nos massifs. Cette envie de longues itinérances reste vivace et les projets ne manquent pas…