J’ai découvert la réserve naturelle de Hornstrandir en Islande, il y a quelques années maintenant, en travaillant sur le renard polaire. Je recherchais un lieu accessible, où l’ours polaire était absent (j’ai du mal avec l’idée de porter un fusil pour faire de la photo animalière…) et où la chasse était interdite ou limitée. Hornstrandir m'était apparu comme le lieu parfait!
J’ai commencé à sillonner la réserve, à passer du temps avec des familles de renards polaires, jusqu’à connaître parfaitement la majorité des baies et fjords de la péninsule. Mais le carnet de voyage que je vous propose aujourd’hui est celui de mon premier long trek où j’ai associé la traversée de Hornstrandir et celle du glacier Drangajökull.
Les participants à ce trek à Hornstrandir
Pour ce trek de 10 jours à Hornstrandir, j’ai proposé à mon ami et collègue Urip de m’accompagner. D’abord parce qu’on a imaginé le trek ensemble, et ensuite parce que nous n’étions pas trop de deux pour traverser le glacier Drangajökull qui nous était inconnu à ce moment-là.
- Samy Berkani : Je suis photographe animalier, guide photo et guide de randonnée. Je suis spécialisé dans les environnements extrêmes comme la toundra et le Sahara. Je travaille aujourd’hui dans la réserve de Hornstrandir.
- Urip Dunker : Photographe de paysages, guide photo et guide de randonnée, il a fait ses armes dans les Alpes et en Amérique du sud avant de découvrir l’Islande et d’y travailler en tant que guide.
Nous sommes tous les deux membre du staff de Wildlife Photo Travel avec qui nous proposons notamment un stage photo renard polaire en Islande.
Le territoire
Avant de raconter un tel trek, je me dois de l’accompagner de quelques avertissements tant les conditions sont variables. D’abord, les informations qui accompagnent ce trek (durée de la randonnée, conditions …) dépendent essentiellement de la météo avant et pendant le trek. Ces conditions météo peuvent augmenter considérablement le temps de traversée voire la rendre impossible.
Ensuite, ce trek est réservé aux randonneurs expérimentés, qui ont l’habitude des treks dans des régions où le froid, l’humidité et les vents forts peuvent créer des dangers imprévisibles. Dans la majorité des cas, randonner dans la réserve naturelle de Hornstrandir est accessible, mais il ne faut pas négliger le climat islandais et particulièrement le climat des Westfjords.
La vallée de Kaldalón et le glacier Drangajökull
Ce trek s’est déroulé en deux parties, d’abord la traversée de la vallée de Kaldalón et du glacier Drangajökull, ensuite la traversée de Hornstrandir.
La vallée de Kaldalón est une vallée traversée par une rivière glaciaire. Elle permet d’accéder au glacier Drangajökull par l’ouest. Les conditions de marche y sont difficiles tant l’eau et les forêts de bouleau rendent la progression très physique. Elle est très peu fréquentée mais il arrive de croiser quelques promeneurs venus remonter la rivière glaciaire pour voir le glacier, notamment les crevasses et les petites grottes qui peuvent se former au début de l’été.
Un seul accès permet de rejoindre Kaldalón, une piste qui traverse quelques fermes avant de terminer sa course près du camping de Dalbær. Il faut donc prévoir de se faire déposer par quelqu’un, ou de rejoindre la vallée en autostop. Il n’y a aucune autre façon d’y accéder.
La réserve de Hornstrandir
La réserve naturelle de Hornstrandir est une région isolée d’Islande située dans les Westfjords. Cette péninsule est composée de grandes baies sur sa face nord, et de profonds fjords sur sa face sud. Hornstrandir est une réserve naturelle depuis 1975. Aujourd’hui désertée par l’humain, elle fut habitée jusqu’au milieu des années cinquante. Les maisons de vacances, quelques petites églises et de nombreuses ruines témoignent de cette époque et permettent de situer les anciens villages.
Hornstrandir est connue pour abriter une importante population de renards polaires. Mais aussi pour ses millions d’oiseaux marins et ses eaux riches en cétacés. La réserve est un paradis pour naturalistes. La chasse y étant interdite, les animaux sont peu craintifs, à condition de respecter leur distance de sécurité.
L’absence d’humains, donc d’animaux d’élevage, permet à la flore de se développer et de se diversifier sans influence, notamment celle des moutons et des chevaux islandais.
Randonner dans la réserve de Hornstrandir
Hornstrandir est constituée de toundra, de montagnes hautes de 300 à 600 m, de nombreuses rivières (au moins une par vallée), de tourbières, de marécages, etc. Autrement dit, tous les ingrédients sont réunis pour rendre la marche difficile et transformer une randonnée en parcours du combattant, dont la difficulté varie en fonction de la quantité de précipitations.
Sur le papier, le relief d'Hornstrandir est accessible à toutes et à tous. Dans la pratique, ce trek est technique et peut rapidement devenir extrême.
J1 : de Kaldalón à Drangajökull
+ 930m / – 60m 12.1 km 7h00Pour nous rendre à Kaldalón, nous avons demandé à un ami qui réside à Ísafjörður de nous déposer. Il en a profité pour nous accompagner jusqu’au pied du glacier.
Nous démarrons la première journée en nous écartant de la rivière glaciaire pour éviter les zones inondées. Nous grimpons le versant sud de Fjallgarður en évitant tant bien que mal les forêts de bouleaux qui rendent la progression très difficile. Ces arbres hauts d’un mètre et demi sont un enfer pour la marche et peuvent déchirer les vêtements.
Après deux heures de marche et une rivière à fort débit à traverser, nous arrivons sur un petit plateau où la progression redevient facile. Nous laissons la vallée de Kaldalón derrière nous et nous bifurquons vers le nord pour rejoindre le point d’entrée du glacier que nous avions repéré sur la carte.
Pour ce trek, nous sommes partis de l’intuition qu’il était possible de traverser le glacier Drangajökull équipés uniquement de crampons. Nous avons donc tracé un itinéraire de traversée pour éviter les zones de crevasses et les zones dangereuses, notamment les rivières qui courent sous le glacier.
Arrivés à notre point d’entrée, nous posons le pied sur le glacier non sans émotion. Nous ne savons pas encore si nous pourrons traverser le glacier, mais nous sommes confiants, ce que nous voyons devant nous correspond à nos attentes. Nous sommes début juillet et le glacier est encore recouvert de neige, du moins sur son versant ouest. Nous entamons l'ascension sans crampons, nos chaussures adhèrent parfaitement.
L'ascension du glacier Drangajökull est une histoire sans fin. Devant nous, impossible de distinguer la neige du ciel, il n’y pas de ligne d'horizon. Nous mettrons plusieurs heures pour atteindre le sommet.
Au sommet de Drangajökull, nous découvrons un monde minimaliste fait de courbes douces, de couleurs bleutées et de silence. Il n’y a rien pour permettre au son de rebondir. Aucun bruit, aucun oiseau, aucune rivière ne viennent briser la quiétude des lieux. Je ne connais qu’un seul endroit similaire : le Sahara !
Nous installons notre tente et préparons le dîner. Nous discutons, en pesant nos mots. Le sommet d’un glacier n’est pas un endroit où l'on bavarde inutilement !
J2 : de Drangajökull à Reykjarfjörður
+ 50m / – 920m 17.8 km 6h00Au réveil, je me dis que j’ai passé l’une des nuits les plus reposantes de ma vie. Nous préparons le petit déjeuner dans la même ambiance solennelle que la veille, le glacier impose le respect, le silence !
Après le porridge et le café, nous remballons nos affaires et entamons la descente du glacier. Notre mission aujourd’hui est de sortir du glacier en évitant les rivières qui coule sous le versant Est.
Le versant Est du glacier est aussi praticable que le versant Ouest, même si la glace craque ici et là formant de petites crevasses sans danger. Nous avançons tout de même avec précaution. quelques kilomètres avant la sortie, nous commençons à entendre la rivière sous la glace. Nous nous décalons vers le nord pour limiter les risques.
Nous débouchons enfin dans une zone de pierriers où le sol se dérobe sous nos pieds. Nous longeons le glacier jusqu’à la rivière. Là, des blocs de glace et des grandes crevasses nous font prendre conscience du danger que nous avons évité. Nous passons un moment à explorer la zone et à faire des photographies. Nous en profitons aussi pour déjeuner au bord de la rivière. Nous réalisons que nous venons de traverser le glacier Drangajökull, que nous avons choisi le bon itinéraire !
L'après-midi, nous descendons la vallée, qui a des allures de gorge, en direction de Reykjarfjörður. Derrière nous, le glacier domine toujours du haut de ses 900m. Devant nous, de la roche, de la mousse et des petits ruisseaux mènent le regard vers le fjord et l’océan au loin.
En à peine deux heures, nous arrivons à proximité de l’ancien village de Reykjarfjörður. Devant nous, un lac fumant. On y plonge la main, l’eau est à environ 40°! Nous sommes devant l’unique source d’eau chaude du nord des Westfjords.
Je passe un petit moment à photographier les oiseaux du lac, notamment les phalaropes à bec étroit et les bécasseaux variables. Je rejoins ensuite Urip, quelque 200m plus loin, que je trouve allongé le long d’une piscine construite dans les années 30. L’image est surréaliste, nous sommes dans l’un des fjords les plus isolés d’Islande, et nous allons pouvoir profiter d’une piscine à 40° et de sa cabine !
La piscine est entourée de nids de sternes arctiques. Ces oiseaux attaquent quiconque s’approche de leur progéniture. Je pose mon sac à dos dans la cabine, je me déshabille, il est temps de se la couler douce !
J3 : de Reykjarfjörður à Furufjörður
+ 514m / – 512m 12.7 km 5h00Après la soirée passée dans la piscine, nous prenons le petit déjeuner et profitons d’une dernière baignade avant de démarrer notre journée. Il est difficile de quitter une eau à 40° lorsqu’il fait 5° à l’extérieur.
Nous entamons la marche en passant une première colline qui nous emmène dans le fjord de Þaralátursfjörður. Devant nous, une vallée glaciaire et sa rivière qui forme un estuaire. A notre gauche, le glacier brille.
La vallée est complètement inondée, marécageuse. Nous redescendons la colline et traversons la vallée en ayant enlevé chaussures et pantalons. Nous faisons pratiquement 1 km dans ces conditions. De l’autre côté, nous entamons l'ascension de la péninsule de Furufjarðarnúpur. Les conditions sont difficiles et le sol est gorgé d’eau. Parfois, le pied s’enfonce sur plusieurs dizaines de centimètres alors que le sol semble stable.
Lorsque nous atteignons le sommet, balayé par le vent, nous découvrons le fjord de Furufjörður. Le fjord est lui aussi inondé. Nous avons l'impression que tous les fjords et les baies qui entourent le glacier sont inondés par la fonte des neiges. On n’ose même pas imaginer ce qu’un pic de chaleur pourrait provoquer !
Nous descendons en direction du camp. Après avoir traversé une maison de vacances vide et une petite église, nous atteignons le camp où des toilettes sèches sont disponibles. On y découvre également un vieux refuge en bois, plutôt dans un mauvais état, pour ne pas dire en ruines. Le refuge est ouvert. A l’intérieur, nous trouvons du matériel d’urgence : des hand flares, des couvertures, une bouteille de gaz … bref, tout ce qu’il faut en cas de problème. Nous décidons d’y passer la nuit.
J4 : de Furufjörður à Smiðjuvík
+ 600m / – 585m 14 km 6h30La nuit a été mouvementée ! Une famille de renards polaires, dont le terrier se trouve sous le refuge, nous a empêché de dormir. Entre les allées et venues des adultes pour nourrir les renardeaux et les bagarres de la fratrie, on a à peine fermé l'œil. Au petit matin par contre, il n’y avait plus de bruit. Nous n’avons même pas pu les observer.
Nous longeons la côte pour contourner la montagne Hádegishnúkur. Marcher sur les galets et les pierres de différentes tailles est épouvantable pour les articulations. Nous sommes contents de déboucher dans la baie de Bolungarvík où nous découvrons un camp et un refuge privé (fermé pour le coup). Nous profitons du refuge pour nous abriter du vent et déjeuner. Même si il est tôt, nous préparons à manger au sec, la suite de l'itinéraire semble traverser des zones marécageuses.
Après le déjeuner, nous traversons un marécage où nous perdons le sentier. En face de nous, le col de Göngumannaskarð. Arrivés au pied de la montagne, nous ne trouvons toujours pas de sentier. Nous décidons de grimper à travers la toundra, ce qui s'avérera être une ascension très physique!
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Göngumannaskarð offre une vue sur la baie de Barðsvík. Une rivière serpente dans la vallée et la couleur rouge (celle de la linaigrette) laisse présager des marécages (encore et encore…).
Nous traversons la vallée en ayant récupéré le sentier cette fois, et entamons l'ascension de la dernière colline qui nous sépare du camp de Smiðjuvík. La journée est éprouvante. Nous avons laissé beaucoup d’énergie dans les marécages et dans la première ascension à travers la toundra.
Nous sommes heureux de voir la baie de Smiðjuvík. Nous redescendons pour découvrir que le camp est vide. Nous n’avons toujours pas croisé d’humains depuis le début de ce trek à Hornstrandir. La baie est plutôt paisible. La rivière qui la traverse fini en petite cascade qui s’engoufre dans la roche noire. Le soir, nous observons les premiers renards polaires. J’en profite pour faire quelques photographies.
J5 : de Smiðjuvík à Hornbjargsviti, le plus grand phare de Hornstrandir
+ 442m / – 429m 8.9 km 4h00J’ai rencontré à Ísafjörður une personne dont la grand-mère est née à Smiðjuvík. Je n’ai pas trouvé trace des anciennes habitations mais l’idée que des humains aient pu vivre dans un tel endroit, très beau certes, mais exposé Nord et Nord-Est, autrement dit, les deux pires expositions à Hornstrandir, me paraissait incroyable.
Nous quittons cette baie dont je pouvais sentir l’âme. Nous prenons immédiatement un peu de hauteur et approchons vite des falaises. Ce sont les premiers signes des falaises de Hornbjarg. La côte, qui était jusque-là faite de galets, de rochers ou de sable, devient petit à petit une muraille de basalte lisse et massive.
Au bout d’une heure de marche le long de falaises hautes de 150m, nous redescendons de quelques dizaines de mètres pour nous retrouver devant l’un de mes paysages favoris de Hornstrandir, celui de la chute de Drifandi !
Une rivière coule en ligne droite sur une plateforme rocheuse et finit sa course en une magnifique chute de 60 m de haut.
Nous profitons du spectacle quelques minutes avant de reprendre la marche, contraints par un vent fort et très froid !
Nous atteignons le camp de Bjarnarnes à l’heure du déjeuner avec ses toilettes sèches comme unique bâtiment. Nous repartons aussi vite en direction de Hornbjargsviti.
La montagne Axarfjall, du haut de ses 250m se dresse entre nous et le phare de Hornbjargsviti.
En Islandais, “Horn” signifie corne, “Bjarg” signifie falaise et “Viti” signifie phare. Hornbjargsviti est donc le phare des falaises de la corne (en référence à la péninsule de Hornvik.
Après avoir traversé une zone marécageuse et une rivière dans la vallée de Hrollaugsvíkurdalur, nous grimpons la montagne Axarfjall avec la sensation que ses 250m de dénivelé font 5 fois plus.
Arrivés en haut, nous découvrons la baie de Látravík, le phare de Hornbjargsviti et ses dépendances, le camp traversé par une petite rivière qui finit en cascade, et les falaises de Hornbjarg qui se dressent en face de nous.
Le phare est adossé à un immense bâtiment blanc, qui était autrefois la résidence du gardien. Aujourd’hui le bâtiment sert de gîte d’étape pour les rares randonneurs qui s’aventurent jusqu'ici en été.
Nous empruntons le sentier qui descend à pic. Nous arrivons au phare en à peine 20 minutes. Là, nous découvrons quelques sculptures en bois flotté éparpillés ici à là, une balançoire qui grince au rythme des rafales de vent, quelques cordes à linge, mais surtout l’immense bâtiment qui semble vide. L'ambiance est sombre, et on aime ça ! Par contre, ce n’est pas aujourd’hui que nous croiserons du monde.
Nous utilisons le bâtiment comme rempart contre le vent pour installer notre camp. Une nouvelle journée s’achève à Hornstrandir.
J6 : de Hornbjargsviti à Hornvik
+ 267m / – 223m 5.2 km 2h00Pour la 6e journée, nous avons prévu peu de marche pour pouvoir profiter de Hornvik et avoir du temps à consacrer à la photographie. Seulement 6km séparent Hornbjargsviti du premier camp de Hornvik où nous avons prévu de passer la nuit.
Nous entamons la marche vers Hornvik en longeant la falaise. A notre droite, les baies de Lendingarbás, Blakkibás et Dugghola (littéralement, le trou de rosée).
Blakkibás est dominée par une incroyable falaise à la parfois noire et lisse. Cette muraille géante est ponctuée ici et là par des chutes d’eau qui plongent dans l’océan. Le paysage est à couper le souffle !
Nous prenons petit à petit de la hauteur jusqu’à atteindre le passage à l’Est de Dögunarfell, à 300m d’altitude. Là, nous sommes encore une fois face à un paysage majestueux, celui des falaises de la péninsule de Hornvik et de la baie du même nom. En face de nous, le sommet Kálfatindar. Derrière nous, le phare de Hornbjargsviti est à peine visible. Nous passons désormais sur la côte Nord d'Hornstrandir !
Arrivés au premier camp de Hornvik, les renards polaires ne tardent pas à venir nous rendre visite. Deux renards adultes inspectent le camp, sûrement à la recherche de nourriture. Nous gardons nos distances. Même si les renards ne sont pas craintifs, toute interaction avec l’humain leur est préjudiciable.
Nous passons une partie de la soirée à faire des photos de renards polaire. Les lumières basses du jour polaire sont un plaisir pour qui aime les ombres douces.
J7 : Boucle de Hornvik, le coeur de Hornstrandir
+ 454m / – 473m 13.3 km 4h00Tard le soir, nous avons découvert un terrier de renards polaire occupé par une famille à quelques dizaines de mètres du camp. Nous avons pu observer les renardeaux et les allées et venues des parents pour les nourrir. Quel privilège !
Au petit matin nous prenons le temps de les observer encore et de réaliser quelques photographies avant de partir.
La péninsule de Hornvik est constituée de trois vallées : Ystidalur au Nord, Innstidalur au Sud, et Miðdalur entre les deux.
Nous empruntons le sentier qui monte à Miðdalur. Un dénivelé de 200m nous permet de rejoindre le lac de Miðdalurvatn (littéralement “le lac de la vallée du milieu”). Des centaines de mouettes tridactyles occupent le lac. Nous nous dirigeons ensuite au Nord pour rejoindre la falaise. Nous prenons le temps d’observer des guillemots de troïl et des fulmars avant de continuer. Nous avons une vue imprenable sur la baie de Hornvik.
Peu avant le sommet, une corde permet de franchir un passage technique. Le sol est glissant et le sentier est à moins d’un mètre de la falaise. Je déconseille ce lieu aux personnes qui souffrent de vertige.
Nous arrivons enfin sur la crête et découvrons un paysage emblématique de Hornstrandir : au Nord, la pointe de la corne et l’atlantique à perte de vue, au Sud, le lac Miðdalurvatn et le sommet Dögunarfell ; à l’Est, les falaises de Hornbjarg, et à l’Ouest les baie de Hornvik et Rekavik.
Je découvrirai l’année suivante qu’il est possible de voir le Groenland, à 290 km de là, depuis ce point de vue. Je me suis retrouvé devant l’incroyable spectacle d’une chaîne de montagnes blanches qui se découpait sur la ligne d'horizon.
Nous profitons de ce paysage un moment avant de redescendre de l’autre côté pour continuer vers la pointe de la corne. Le sentier longe les falaises animées par les oiseaux marins. Nous traversons une zone boueuse colonisée par les angéliques avant d'arriver à la pointe. Devant nous, deux renardeaux polaires en train de jouer. Nous en profitons encore pour faire quelques images avant de continuer en quittant le sentier pour ne pas les déranger.
Arrivés au premier camp, nous rassemblons nos affaires et continuons vers le second camp, côté Ouest de la baie, où nous avons prévu de passer la nuit.
Les deux camps sont distants de 5 km et sont séparés par une rivière. Nous longeons cette rivière en direction du Sud jusqu’à atteindre sa zone la moins profonde. Là, nous traversons sur 80 m de large avec de l’eau jusqu’aux genoux. Le lit de la rivière est constitué de sable uniquement, c’est la plus agréable que nous avons traversée depuis le début de notre trek à Hornstrandir.
Arrivés au camp, nous avons une impression de retour à la civilisation. Nous discutons avec quelques randonneurs et avec la ranger de la réserve de Hornstrandir qui se montre intéressée par notre parcours.
J8 : de Hornvík à Hlöðuvík
+ 483m / – 488m 10 km 5h00Nous quittons Hornvik au petit matin en longeant la côte pour contourner Einbúi et ses 439m d’altitude. L’itinéraire nous fait traverser des zones de galets et de rochers, parfois les pieds dans l’océan, parfois assistés par une corde. On presse le pas lorsqu’on atteint une zone de pierriers où le risque de chute de pierres semble élevé. De l’autre côté, le sentier s’enfonce dans la vallée de Rekavíkurdalur en direction du col de Atlaskarð. Nous traversons une rivière et entamons la montée.
Le col de Atlaskarð est à 330m d’altitude. Le sentier est plutôt tranquille, la pente douce. Juste avant le sommet, nous passons une zone de pierriers plus raide et débouchons sur un long plateau qui mène à la baie de Hlöðuvík. Le plateau, balayé par le vent, semble complètement minéral, aucune plante n’y pousse, nous ne voyons pas d'oiseaux : bref, un vrai désert !
Nous traversons le plateau en une heure et demie en passant plusieurs rivières. Au bout, une pente douce nous mène au passage, à proximité du sommet de Skálarkambur. De là nous découvrons une magnifique vue sur la baie de Hlöðuvík. Cette baie a la particularité d’être en forme de cœur. Nous distinguons deux maisons de vacances jaunes en bas. Plus loin, le refuge d’urgence orange fluo nous permet de voir l’emplacement du camp.
Nous entamons la descente, chassés par le vent fort qui règne là-haut. La pente est raide et glissante. Elle est même dangereuse par moments, l’erreur n’est pas permise.
En bas, nous découvrons le camp, avec ses deux toilettes sèches et son refuge d’urgence. L’emplacement du camp est très bon, un sol plat et herbeux et du bois flotté pour s'asseoir. Cerise sur le gâteau, le soir, nous avons la chance d’observer un renard blanc !
J9 : de Hlöðuvík à Hesteyri
+ 637m / – 645m 14.4 km 7h00Aujourd’hui, nous passons au Sud de Hornstrandir. Nous quittons les baies du Nord pour le fjord de Hesteyri.
Après un bon petit déjeuner, nous longeons la côte le long de la montagne Álfsfell. Ces passages rocheux sont de plus en plus éprouvants pour les articulations. Faire un trek à Hornstrandir est une question d’endurance musculaire et d’usure des articulations.
Après avoir traversé une première rivière dans la baie de Kjaransvík, nous arrivons à un embranchement : en face le sentier continue vers Fljótavík au Nord-Ouest de Hornstrandir, à gauche le sentier bifurque au sud en direction du col de Kjaransvíkurskarð et du fjord de Hesteyri. Nous empruntons ce dernier sentier et entamons l'ascension.
La réputation du col de Kjaransvíkurskarð le précède. On nous a dit de nous méfier du vent qui y règne. Et effectivement, le col ne déroge pas à sa réputation. De là-haut, nous découvrons le plateau long de plus de 7km et le fjord de Hesteyri au bout. Nous redescendons aussi vite pour nous mettre à l’abri de l’autre côté du col.
Le plateau de Hesteyri parait interminable. De plus, le sentier disparaît le plus souvent dans les zones de pierriers ou de marécages. La progression est plutôt difficile et la fatigue se fait sentir au bout du 9e jour de trek à Hornstrandir.
Nous faisons une pause au milieu du plateau pour déjeuner et nous reposer un peu.
Le fjord Hesteyrarfjörður est certainement le plus connu de la réserve de Hornstrandir. Arrivés au bout du plateau (et de nos vies, tant il paraît interminable), nous découvrons le village de Hesteyri en contrebas et une vue imprenable sur le grand fjord de Jökulfirðir.
Nous nous dirigeons vers le village que nous atteignons en une vingtaine de minutes. La première maison que nous croisons est la Doctor’s house. L’ancienne maison du médecin est aujourd’hui un bistrot et une auberge durant l’été. Une ardoise affiche “Beer” et “Rhubarb cake”. Avec Urip, on se regarde, on sait instantanément où on va passer la soirée !
La maison du docteur est une vieille bâtisse entièrement en bois. L’intérieur est cosy, décoré de vieux objets de marins, d’instruments de musique et de vestiges de l’océan. Hrólfur, le propriétaire, qui est musicien, nous a très bien accueillis. Nous avons même eu droit à une session d’accordéon.
J10 : le fjord de Hesteyri
+ 248m / – 248m 18.36 km 6h00Notre matinée à Hesteyri commence par une rapide visite du village. Autrefois, il était habité et actif. Jusqu’à 80 habitants y vivaient jusqu’aux années 50. On y trouvait la maison du docteur qui faisait office d'hôpital pour tout Hornstrandir, une école, une église et un cimetière. A deux kilomètres du village, une ancienne station baleinière est aujourd’hui en ruine. Nous décidons de commencer notre visite par là.
Nous nous dirigeons vers le fond du fjord où la station baleinière est visible. Nous y découvrons une grande cheminée en brique rouge, dernier vestige de la station encore debout. Pour le reste, c’est un amas de briques et de métal rouillé. Nous distinguons également les emplacements des anciens bâtiments. Autrefois, le complexe devait être imposant, avec l’usine, les habitations des ouvriers, un ponton, etc. La station date de 1894, époque où les norvégiens se sont installés dans le fjord. Les bâtiments ont été repris par les islandais pour en faire une usine de hareng à partir de 1924.
Sur le trajet retour, nous découvrons un groupe de phoques communs tranquillement posés sur les rochers à marée basse. Nous en profitons pour faire quelques photographies.
De retour au village, nous déjeunons rapidement avant de repartir de l’autre côté, vers le sud. Nous suivons un sentier qui longe la falaise et mène à Aðalvík. Arrivés en haut, nous découvrons une magnifique toundra, un petit lac et un groupe de lagopèdes alpins à proximité. Nous passons un moment avec ces oiseaux emblématiques d’Islande et communs ici, à condition de savoir où regarder.
C’est ici que se termine notre trek de 10 jours à Hornstrandir. Nous profitons une dernière fois de la vue sur Jökulfirðir et le village de Bolungarvík en face. Demain, nous prenons le ferry pour Ísafjörður.
Conclusion
La réserve de Hornstrandir est un bijou de nature sauvage. L’absence d’humain hors de la saison touristique et l’interdiction de la chasse en font le lieu idéal pour les naturalistes et les amoureux des espaces préservés.
Randonner dans la réserve naturelle de Hornstrandir est un aperçu de ce que peut être un trek hors des sentiers battus, là où seule la nature dicte les règles.
La rudesse du climat, à quelques kilomètres du cercle arctique, ne doit pas être prise à la légère. Ce paradis peut vite devenir un cauchemar pour quiconque manque de préparation. Mais si vous êtes prêt, alors vous vivrez une expérience unique !
Aujourd’hui, j’ai le privilège de guider plusieurs treks et workshops photos par dans la réserve de Hornstrandir, et je ne me lasse pas de gravir ses montagnes, traverser ses rivières et voir des renards polaires naître et grandir dans leur habitat naturel.